Les médecins lui avaient dit qu’elle ne marcherait plus. Pourtant, elle a préféré miser sur sa détermination et le soutien de sa famille. Des années plus tard, elle est devenue "la femme la plus rapide du monde" : c’est l’histoire de Wilma Rudolph, première Afro-américaine triple médaillée d’or et superstar des premiers Jeux olympiques télévisés (Rome) en 1960. 

Touchée par une double pneumonie, d'une scarlatine puis d’une poliomyélite qui lui fait perdre l'usage de sa jambe gauche à 4 ans, Wilma Rudolph débute difficilement dans la vie. 

Née dans le Tennessee (États-Unis), berceau du Klu Klux Klan, elle est la vingtième d'une famille de vingt-deux enfants. Rien ne la destine alors à devenir une championne olympique d'athlétisme. Néanmoins, elle laissera une empreinte indélébile dans sa discipline et les esprits, à une époque encore très marquée par la ségrégation raciale. 

"J'ai couru, couru et couru tous les jours"

Il y a des histoires de vies qui semblent tout droit sorties d’un conte pour enfants ou d’une comédie à l’eau de rose. Mais l’histoire de Wilma Rudolph n’a rien de fictionnel ou de féérique.

Touchée par la maladie, à peine debout, victime d’une paralysie partielle, la jeune fille est condamnée par les médecins : elle ne marchera plus. Pourtant, à 12 ans, elle récupère l'entièreté de ses facultés motrices. Mais rien n’était gagné d’avance : lorsqu’elle perd l’usage de sa jambe à 4 ans, sa mère doit la conduire jusqu'à l'hôpital de Nashville - plus de 160 km - chaque semaine, pendant deux ans. Pour la soutenir et l’aider, sa famille lui prodigue soins et massages quotidiennement. 

Mes médecins me disaient que je ne marcherais plus jamais. Ma mère me disait que j'y arriverais. J'ai cru ma mère

"Mes médecins me disaient que je ne marcherais plus jamais. Ma mère me disait que j'y arriverais. J'ai cru ma mère [...] Quand vous êtes issue d'une grande et formidable famille, il y a toujours un moyen de parvenir à vos fins”, dira-t-elle plus tard, selon Eurosports

De son côté, elle se force à marcher et à sprinter, malgré la douleur et les contre-indications des médecins. "J’ai couru, couru et couru tous les jours. J’ai acquis un sens de la détermination que je n’abandonnerai jamais", témoignait-elle des années après sa retraite sportive, reprend France Culture.

Et elle ne pensait pas y arriver. Pourtant, huit ans après avoir retrouvé l’usage de sa jambe, elle devient championne olympique.

Ses débuts sur les pistes d'athlétisme

Mais c’est en passant d'abord par les parquets qu’elle gagnera l’or ensuite dans les stades. Passionnée, comme ses sœurs, de basket, elle intègre l'équipe de la Burt High School, son école, allant jusqu'à être sélectionnée dans l'équipe de l'État du Tennessee. Elle sera, à l’époque, surnommée skeeter (moustique) pour son incroyable rapidité.

Et c’est bien l’athlétisme qui la propulsera au rang de superstar du sport féminin et légende des Jeux olympiques. 

Et c’est sa rencontre avec Ed Temple - "légendaire coach d’athlètes afro-américaines", selon les mots de France Culture - entraîneur de l'Université du Tennessee qui va changer le cours de sa vie. Wilma Rudolph s'entraîne pendant une année à ses côtés et réussit à rejoindre l'équipe d'athlétisme américaine pour les Jeux olympiques de Melbourne en 1956. À seulement 16 ans, elle décroche une médaille de bronze au 4x100 mètres. 

Quatre ans après cette médaille olympique, elle réalise un autre exploit sportif. Le 9 juillet 1960, aux championnats universitaires US, un peu plus d’un mois avant les JO de Rome, elle bat le record du monde du 200 mètres et devient la première femme à courir la distance en moins de 23 secondes (22,9 s), deux ans seulement après être devenue maman pour la première fois. 

Les Jeux olympiques de Rome, sa consécration

C’est donc déjà bien installée dans l’athlétisme que Wilma Rudolph se rend, le 25 août 1960, aux Jeux olympiques de Rome, les premiers diffusés à la télévision. Un moment légendaire qui marquera l’histoire de la course et le sport féminin, autant que la visibilisation des personnes noires. 

Et c’est en deux temps que Wilma crée sa gloire, qui la poursuit encore aujourd’hui : d’abord, en demi-finale du 100 m lorsqu’elle égale le record du monde en réalisant un temps de 11,3s, avant de gagner l'or en finale, en seulement 11 secondes. Un chrono qui ne sera finalement pas validé à cause d'un vent trop important. Trois jours plus tard, elle remporte une autre médaille d’or et un record du monde sur le 200m.

Enfin, le 8 septembre, dans le 4x100m, son équipe bat à nouveau un record du monde et remporte l’or. 

Grâce à ces exploits aux Jeux olympiques de Rome de 1960, “elle reçut le surnom de ‘gazelle noire’ par la presse européenne, charmée par sa beauté, sa grâce et sa vélocité”, dévoile le site spécialisé Olympics. Et ses records ne s’arrêtent pas là : en 1961, elle battra à nouveau le record du monde du 100 mètres, s’offrant un joli score de 11,2 secondes. 

Une pionnière du sport féminin

Pionnière du sport féminin, icône d’une génération de femmes noires empêchées de concourir, elle devient la première Afro-américaine à décrocher trois titres olympiques lors d'une même édition des JO, à une époque où le racisme fait encore rage aux États-Unis.

“Elle était une icône. Elle était pour les femmes ce que Jesse Owens était pour les hommes”, déclare Ollan Cassell, sprinter olympique, à France Culture.  

J’ai passé ma vie à essayer de partager ce que c’était qu’être une femme dans le monde du sport

Elle recevra le prix de l’athlète féminine de l’année de la part de l’Associated Press en 1960 et 1961. L’Américaine Sha’Carri Richardson, championne du monde en titre du 100 m, 5e meilleure performeuse de tous les temps en 2023 et qualifiée aux Jeux olympiques de Paris 2024, dira s’être inspirée de Wilma Rudolph en tant que “légende afro-américaine du sprint”. 

Et devenir la référence de l’athlétisme féminin était bel et bien son rêve. “J’ai passé ma vie à essayer de partager ce que c’était qu’être une femme dans le monde du sport, afin que d’autres jeunes femmes aient une chance de réaliser leurs rêves”, dira-t-elle plus tard. 

Elle quitte les stades peu de temps après sa consécration à Rome. Après avoir obtenu son diplôme de professeure et enseigné, elle crée, en 1981, la Wilma Rudolph Foundation, qui organisme des programmes d'athlétisme et du soutien scolaire. Elle décédera le 12 novembre 1994 dans le Tennessee, emportée, à 54 ans, par un cancer du cerveau.