Taylor Swift est-elle une WAG ? C’est du moins la question que posait le très sérieux Washington Post début février en titre d’un article consacré à la Queen de la pop américaine. Et pour cause, la chanteuse aux 170 millions d’albums vendus à travers le monde est aussi aujourd’hui la petite amie dévouée de Travis Kelce, joueur de football américain à la notoriété affirmée.
Embrassades passionnées en backstage de sa tournée The Eras Tour, paparazzades au supermarché mais aussi encouragements enthousiastes aux abords des matchs : chaque apparition du couple est soigneusement chroniquée et disséquée par les médias du monde entier.
Car si ces derniers n’ont jamais manqué d’épier sans scrupules la vie amoureuse de la jeune trentenaire, ils lui portent désormais un intérêt d’autant plus grandissant qu’elle est aujourd’hui la compagne d’un sportif de haut niveau… et donc par définition une WAG.
Naissance d’un stéréotype sexiste
Acronyme popularisé par les virulents tabloïds britanniques à l’aune dès années 2000, le terme de WAG (pour "wives and girlfriends" soit les "épouses et les petites amies") désignent de manière un brin dédaigneuse les partenaires des footballeurs, rugbymans, basketteurs et autres sports collectifs aux carrières très convoitées mais aussi auréolés de clichés virilistes.
Ce serait plus précisément le quotidien anglais The Telegraph qui serait le premier à l’utiliser en 2002, pour désigner celles qui accompagnaient des footballeurs lors d’un voyage à Dubaï, le surnom ayant été crédité au Jumeirah Beach Club, dont les employés auraient secrètement surnommés les femmes de joueur de cette façon.
C’est un mot que l’on utilise par exemple à l’époque pour désigner Victoria Beckham, que l’on pourrait presque appeler la "WAG originelle" alors qu’elle entame une relation fusionnelle avec le héros du football anglais : David Beckham.
Puis ce fut au tour de ses contemporaines britanniques, et plus particulièrement, celles dont la relation avec un sportif de haut niveau les a propulsé de la classe ouvrière à celle de la jet set noctambule, dont les tenues provocantes et le lifestyle débridé n’a pas manqué de donner matière aux journaux à scandales de l’époque, non sans une certaine condescendance classiste.
En 2006, les exploits de ces jeunes femmes décomplexées entre shopping à cinq chiffres et soirées très, très arrosées ont même éclipsé les performances peu convaincantes de leurs partenaires sur le terrain, au point qu’elles seront privées de la partie lors de la Coupe du Monde de 2010 en Afrique du Sud.
La bouc-émissaire des tribunes
Comme le documentaire des Beckham sur Netflix le montre très bien, le terme de WAG est finalement moins inventé pour désigner de manière générique des compagnes de sportifs célèbres, que pour ériger un énième stéréotype féminin empreint de préjugés sexistes et d’accusations diffamatoires.
En bref, à l’instar de la sorcière au Moyen-âge, de la femme vénale (“gold digger") du début du XXe siècle ou de la feminazie des années 2020, la "WAG" des années 2000 est celle à qui l’on va imputer tous les maux possibles et imaginables, en l'occurence ici sur le plan sportif : du penalty raté aux mauvais choix de carrière de leur cher et tendre, en passant par le manque de cohésion d’équipe ou la perte d’un titre mondial.
Si elle privilégie sa propre carrière, son bien-être ou l'équilibre de sa famille comme Victoria Beckham ? Elle est égoïste. À l'inverse, si elle vient à tous les matchs (ou presque) comme Taylor Swift ? Elle perturbe la concentration des joueurs, y compris celle de son boyfriend. Sans compter celles qui sont considérées comme de vraies profiteuses en choisissant de suivre l'amour de leur vie, même si cela signifie dans le même temps de devoir abandonner leur carrière et leurs ambitions personnelles.
Ces dernières années, aux Etats-Unis notamment, on se souvient du drama entre Gisele Bündchen et Tom Brady, la mannequin brésilienne étant accusée de ne pas assez soutenir la carrière de son mari, carrière qui sera finalement au cœur de leur divorce en 2022. Il y aura aussi Jessica Simpson, blâmée dans les années 2000 pour les performances inégales de Tony Romo sur les terrains de NFL, et même Kim Kardashian lors de son mariage express avec le basketteur Kris Humphries en 2011.
Une femme-objet comme une autre
Quand bien même la WAG serait l’épouse parfaite qui consacrerait chaque seconde de sa vie à soutenir son sportif de mari, sa supposée vénalité, ses mauvais choix stylistiques ou encore son présumé manque d'intelligence ne manquent pas d’être pointés du doigt par les commentateurs de tout bords… Sans compter celles qui sont juste réduites à leur plastique.
J'ai souffert parce que c'était improvisé, je ne savais pas qui était Jamel et je ne parlais pas français. Quand on ne maîtrise pas la langue, difficile de se défendre...
En France, on se souvient évidemment de l’objectification permanente dont était victime Adriana Karembeu, alors mariée au joueur de football du même nom. "J'ai souffert parce que c'était improvisé, je ne savais pas qui était Jamel et je ne parlais pas français. Quand on ne maîtrise pas la langue, difficile de se défendre...", a-t-elle confié sur le plateau de l’émission Quelle Époque, en juin 2023, en revenant sur l’attitude sexiste de l’humoriste Jamel Debbouze aux César 1999.
Les WAG jugées pour avoir voulu exister
"Les WAG vivent une équation impossible : si elles continuent de vivre leur vie, on leur reproche, si elle abandonne leur activité pour leur conjoint, on pense qu’elles profitent de la situation… Leurs images sur les réseaux sociaux sont scrutées. On leur reproche de prendre la parole, ou d’être trop effacées", abonde Florence-Agathe Dubé-Moreau, femme d’un ex-joueur de NFL et auteure d’un essai féministe sur la place des femmes dans l’univers sportif professionnel.
"Pour moi, leur statut et le jugement qu’on y appose, c'est un enjeu qui dépasse d'une certaine façon les individus femmes en elles-mêmes."
En effet, on peut suggérer que la mise en lumière des WAG, et la haine sexiste qui en a découlé, tiendrait moins à l’univers sportif en lui-même, qu’aux règles à peine voilées d’une société patriarcale qui n’a cessé de stigmatiser les femmes qui s’extirpaient du rôle qu’on leur assignait : être jolie sans être vulgaire, être présente tout en restant discrète, travailler mais rester au service de son partenaire, exister mais jamais au détriment de celui pour qui elle reste, finalement, un simple complément d’objet.
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