Votre parfum fétiche… La première fois que vous l’avez senti, c’était comme une évidence, une sorte de révélation. Le moment où vous avez décidé qu’il s’agissait désormais de l’odeur qui ne vous quittera plus. 

Mais, comment cela se passe-t-il dans le cerveau ? Qu’est le mécanisme qui se cache derrière le fait d’aimer l’odeur d'un parfum ou non ? Le parfumeur Jean-Michel Duriez nous aide à mieux comprendre ce phénomène.

Aimer un parfum, une affaire de mémoire

"Il faut rappeler que le parfum est lié à l’odorat et l'odorat est intimement et profondément lié à la mémoire, commence d’emblée le parfumeur. En plus de cela, il s’agit d’une mémoire profonde et instinctive donc pas réfléchie."

Pourquoi ? Tout simplement car les nerfs olfactifs dans le cerveau qui rejoignent le siège de la mémoire ne passent pas par un mode raisonné, les nerfs olfactifs passent outre le filtre de la raison. Pour cette raison, l’attachement possible ou la répulsion vis-à-vis d’une odeur est très souvent irraisonnée.

"Il est difficile dans un premier temps de donner une raison au fait que l’on aime ou non une odeur. Cela commence toujours par quelque chose qui est totalement instinctif, puis, une fois que l’on réussit à l’intellectualiser, nous sommes alors capable de donner une raison", explique-t-il.

Puisque les odeurs touchent à notre mémoire, le fait d’aimer une fragrance va alors principalement être lié à l’enfance, aux rencontres, aux émotions… “C’est pour cette raison que quelques fois, lorsque l’on sent un parfum, il va nous évoquer des souvenirs, des sensations”, ajoute l’expert. Parfois, il suffit même d’une seule composante d’un parfum au cerveau (fruits rouges, par exemple) pour déterminer si l’on aime cette odeur. 

Le rôle des notes "subliminales"

Autre phénomène important : le phénomène d’imprégnation. "Il est possible de ne pas aimer un parfum au premier abord et, à force de le sentir, s’y attacher et finir par l’aimer", indique Jean-Michel Duriez.

Ce phénomène arrive notamment lorsqu’une note “subliminale” (à savoir, une note non-identifiée par le nez) est présente dans un parfum. “Par exemple dans le jasmin, la fleur d’oranger ou encore la tubéreuse, il y a une sorte d’odeur fécale, cela fait partie de la note. On ne la remarque pas consciemment mais le cerveau, lui, la reconnaît et réussit à identifier alors l’odeur de la vraie fleur. De même pour la civette ou les muscs, quand elles sont peu dosées, le cerveau les valide sans que le nez ne les ait repérées”, précise-t-il.

Aussi, sans vous en rendre compte, le moment que vous choisissez pour sentir une odeur peut également être déterminant dans l’appréciation d’une fragrance. “Il y a des moments ou l’on va être plus au moins disponible à sentir une nouvelle odeur. Mais cela n’a pas une influence drastique non plus, puisque, la première sensation est primitive”.

Comment les marques font-elles pour créer des parfums attrayants ? 

En connaissant la manière dont le cerveau fonctionne pour valider - ou non - l'odeur d'un parfum, le rôle des grandes maisons de parfum est alors de développer des odeurs qui pourront être aimées par le plus grand nombre. 

"Généralement, les marques de parfum essaient de jouer sur la mémoire positive des clients en essayant de retrouver des odeurs qui soient le plus fédératrices possibles, à l’échelle mondiale, indique notre expert. Or, dans la plupart des pays, il n’y a pas toujours les mêmes attractions olfactives. Alors, c’est avec une connaissance précise des marchés que les marques arrivent à prédire si un parfum sera très aimé ou non."

Pour le parfumeur, "le but des parfumeurs et des marques de parfums, grand public ou de niche, est de créer des odeurs qui ramènent à des moments de vie que presque tout le monde a expérimenté au moins une fois dans sa vie."

Autre point important : les effets de mode. Au même titre que dans le prêt-à-porter, les marques ont conscience et connaissance des notes qui sont, ou seront, à la mode. Elles créent ainsi des parfums autour d'une ou de plusieurs notes populaires du moment. "Dans le marché féminin de la parfumerie, les notes florales et gourmandes sont actuellement très populaires donc ce sont les types de parfums qui vont plaire à un large public. Chez les hommes, nous travaillons depuis des années autour de la note boisée mais une nouvelle note plus florale vient, depuis peu, s'ajouter à ce côté boisé pour l'adoucir. Nous avons avons alors de plus en plus de parfums en ce sens", termine le professionnel.