Le sport français dans le viseur ? Un rapport parlementaire de 250 pages, présenté ce mardi 23 janvier 2024, met en lumière les failles "systémiques" qui contaminent le sport français "à tous les étages".
Élaboré par les parlementaires issus de la commission d’enquête “relative à l’identification des défaillances de fonctionnement au sein des fédérations françaises de sport, du mouvement sportif”, le rapport se penche sur les parts d'ombre du sport français.
D'après Libération, 90 auditions auraient été menées auprès de 193 acteurs du monde du sport - victimes, dirigeants de fédération, fonctionnaires, associatifs, entraîneurs, politiques. La commission s’apprête ainsi à dévoiler des informations inquiétantes, censées servir de base de réflexion à une future loi destinée à balayer le sport français de son “omerta” et son "entre-soi”.
Une "omerta encore trop présente" concernant les violences dans le sport
Le fil rouge du rapport s'articule autour de la question des violences sexistes et sexuelles dans le sport. Les travaux parlementaires pointent dans ce document un "long silence", un "long déni" et une "longue inertie" du monde sportif. La commission dénonce "qu’aucun travail transversal et systématique sérieux" n’a été engagé pour "mieux saisir l’ampleur des abus sexuels et d’autres types de violences physiques et psychologiques dans le monde sportif".
La rapporteure écologiste Sabrina Sebaihi félicite la création de la plateforme Signal-Sports lancée en 2020 avant de déplorer que l’outil soit toutefois "invisibilisé", "sous-dimensionné" et "très largement méconnu". Cette dernière recommande également de transférer la compétence des fédérations sportives en matière de lutte contre les violences à une autorité indépendante.
Deux sports sont particulièrement montrés du doigt dans le rapport parlementaire : le judo et les sports de glace. Côté judo, l’Inspection générale dévoile que "le traitement des dossiers de violences sexuelles a également été, jusque très récemment, totalement absent des préoccupations et priorités des directeurs techniques nationaux", peut-on lire dans Libération.
La rapporteure appelle à la mise en place d'une "enquête systématique" dans l'ensemble des fédérations sur les violences sexuelles, sexistes et psychologiques afin de lutter contre une "omerta encore trop présente", et "renforcée à l'approche des Jeux olympiques" : "Force est de constater que ni les fédérations, ni le ministère, ne sont au rendez-vous sur ce volet essentiel de la lutte contre les violences sexuelles", conclut la députée, selon LCP.
"Une inertie" des instances sportives et de l'État face à ces questions
De plus, le rapport reproche au Comité national olympique et sportif français d’avoir mené depuis plusieurs années un "lobbying intense contre la parité" entre les femmes et les hommes. Les parlementaires écrivent que le monde du sport nécessite au plus vite un "choc démocratique" auquel s'ajoute un "choc de féminisation". Les députés aspirent ainsi "fixer dans la loi le principe de parité réelle dans tous les organes dirigeants du mouvement sportif".
Mais c'est aussi et surtout le manque d'actions gouvernementales qui interpellent. En désignant la nouvelle ministre des sports, le rapport dénonce les comportements insuffisants de l’Etat, faisant la lumière sur "une inertie ou une réponse tardive en dépit d’alertes précoces, le plus souvent après des révélations médiatiques" et "une réponse très partielle par la désignation de boucs émissaires", qui permet de ne pas "identifier toute la chaîne des responsabilités et des défaillances systémiques", continue le quotidien.
Le document évoque "un manque criant de moyens (de l’administration centrale comme des services déconcentrés, profondément affaiblis), une dilution des responsabilités au sein d’une gouvernance enchevêtrée" et une "trop grande proximité quotidienne et structurelle entre le mouvement sportif et les agents de l’Etat (les CTS), qui engendre une perte de repères et une confusion des rôles". Pour Sabrina Sebaihi, c'est une "composante essentielle de cet entre-soi, caractéristique de la gouvernance du monde sportif".
Le rapport esquisse un très mauvais état des lieux du sport français, l’estimant gangrené par la "culture du secret, du mensonge et du faux témoignage" et "pas suffisamment habitué à rendre des comptes".
Le rapport formule ainsi 62 préconisations, pour faire du sport un "environnement plus démocratique, plus transparent, plus respectueux, plus éthique et plus sûr", conclut LCP.