Elle s'était éloignée de la Fashion Week parisienne pendant plusieurs saisons, avant d'opérer un retour remarqué en février 2025. Entretien avec une créatrice belge qui suit son propre tempo : Véronique Leroy.
Marie Claire : Pourquoi avoir choisi de défiler à nouveau en mars, lors de la semaine de la mode à Paris ?
Véronique Leroy : C'est un investissement important de défiler, mais nous avions envie de mettre en avant la collaboration de la saison prochaine avec la communauté Li, basée sur l'île d'Hainan en Chine, qui perpétue des techniques de tissage artisanales et ancestrales. J'ai eu la chance de découvrir leurs savoir-faire, qui se transmettent de mère en fille. Ensemble, nous avons choisi à la fois de travailler des pièces sur leurs métiers à tisser, mais également de redessiner leurs motifs géométriques et leurs couleurs vives en jouant sur les tailles et les proportions sur des vêtements réalisés en jacquard par nos fournisseurs italiens.
Vous avez lancé votre marque en 1991. Quel regard portez-vous sur l'évolution de l'industrie de la mode ?
Tellement de choses ont changé depuis ! À l'époque, on parlait de styliste de mode, voire de couturier, mais cela restait un métier de l'ombre. Le terme "créateur de mode" n'existait pas, encore moins celui de "directeur artistique". D'une profession rare et difficile d'accès, c'est devenu une vocation à la mode et au niveau international. Alors que les marques naissaient généralement en France, en Italie, en Angleterre, aux États-Unis ou au Japon, elles prennent aujourd'hui vie aux quatre coins du monde.
En 30 ans, la notion de féminité a beaucoup changé. Comment la percevez-vous ?
Au début de ma carrière, en pleine mode du minimalisme, je choisissais de jouer avec les clichés de la féminité. Les marques faisaient défiler les filles à plat, alors que je les perchais sur de hauts talons pour montrer de la beauté dans ce qui semblait vulgaire à l'époque. Cette envie de plaire et de séduire m'a toujours touchée. La révolution féministe que nous vivons aujourd'hui est fantastique, surtout pour les jeunes générations. Et cette prise de parole comme cette acceptation des corps me réjouissent.
Avez-vous modifié votre façon de travailler ces dernières années ?
Adolescente, je rêvais de créer des habits pour leur incroyable pouvoir de communication. C'est toujours ce qui m'anime : partir de fils et arriver à une famille de vêtements. C'est un métier très difficile qui demande beaucoup d'engagement. Lorsque j'ai débuté, j'ai eu la chance de rejoindre le studio d'Azzedine Alaïa autour duquel gravitait une petite communauté. J'ai gardé cette organisation à taille humaine.
Mon produit reste singulier. Je touche toutes les générations, mais pas tout le monde, plutôt des femmes avec une certaine assurance qui veulent avant tout se plaire à elles-mêmes. Je demeure fidèle à mon idée de départ : un luxe brut et modeste, qui se ressent, mais n'a pas besoin de se voir.