De son premier jour d’école, Tola, 16 ans, n’a rien oublié. Elle vivait alors dans un orphelinat près de Happy Chandara, école pilote construite en 2007 par l’association Toutes à l’école, à Prek Thmey, à
20 km de Phnom Penh. « C’est un très beau souvenir, tout était tellement différent de ce que je vivais. » Tola a grandi au sein de l’internat, un havre de paix qui accueille aujourd’hui quatre-vingt-dix pensionnaires vulnérables, et s’y est épanouie pour devenir une excellente élève. A la rentrée, elle ne franchira pas les grilles de Happy Chandara – devenue un véritable campus, avec collège, lycée, internat, centre médicosocial et centre de formation professionnelle –, mais celles du lycée international de Saint-Germain-en-Laye (Yvelines). Elle y est inscrite, avec son amie Srey Pich, en première ES.
Toutes deux veulent devenir ingénieures. En bâtiment pour Tola, en électricité pour Srei Pich, qui a trop souffert, enfant, de vivre sans. « Ma tante dit que c’est trop dangereux, que c’est un métier d’homme, mais moi, quand j’étais petite, je rêvais d’être une fille plus forte que les garçons, aujourd’hui je le suis », rit la jeune fille. Une année scolaire en France, hébergées dans une famille française : une aventure pour ces adolescentes ambitieuses, et une nouvelle expérience pour l’association. « Si cela se passe bien, on le refera, explique Barbara Bing, chargée de mission à Toutes à l’école. A la rentrée 2017, les classes de terminales seront ouvertes, soixante-seize lycéennes vont passer le baccalauréat. Ce sera notre première promotion, et toutes veulent poursuivre des études supérieures. » L’une d’entre elles désire être styliste, plusieurs aimeraient être médecins, infirmières ou avocates. « Les facultés de médecine et de droit au Cambodge enseignent en français ou en anglais, d’où l’importance, pour nos élèves, de bien maîtriser ces langues. Et depuis que nous exploitons un grand potager en permaculture, des vocations d’ingénieures agronomes sont nées. »
Sans Happy Chandara, j’aurais été une femme différente
La mission de Toutes à l’école, fondée en 2006 par la journaliste Tina Kieffer, est de mener ces élèves, issues de milieux défavorisés, jusqu’à leur premier emploi. Afin qu’elles puissent concrétiser leurs choix d’orientation, des stages en entreprise – une première au Cambodge –, des forums des métiers et des rencontres avec des professionnels de différents domaines ont été organisés. Les petites filles qui ont enfilé leur uniforme en 2007 ont bien grandi, leurs ambitions aussi. « Sans Happy Chandara, j’aurais été une femme différente, dit Tola. Je travaillerais dans les champs avec mes parents, je ne serais pas éduquée, je ne serais pas libre de choisir ma vie. »
(*) Pour parrainer une élève, contacter Toutes à l’école au 01 46 02 75 39 ou sur toutes-a-l-ecole.org.