"Comme on me l’a demandé, voici ma routine entière pour avoir une peau qui brille comme la mienne", lance @bonitravo, la créatrice aux 600 000 abonnés sur TikTok, avant de lister tous les produits qu’elle utilise pour le corps : une huile de douche, un exfoliant, un beurre, une autre huile, et une crème solaire scintillante. Une autre créatrice de contenus, vante, elle, la crème pour le corps de chez Augustinus Bader, qui avait fait sensation lors d’une scène du film Challengers. Pendant ce temps, d’autres en France ou à l’étranger se bousculent pour se procurer en produits de la marque Naturium.
Après le phénomène autour de la skincare, les marques et les consommateurs.rices ont décidé de s’attaquer au corps. Le but ? Sentir bon, avoir la peau douce, hydratée, brillante, mais aussi soigner des problèmes spécifiques qui ont longtemps été délaissés par l’industrie de la beauté.
Les marques au service du soin
En 2021, Rebecca Zhou et Annie Kreighbaum décident de lancer Soft Services, après que la première s’est plaint de ne pas trouver de savon pour son acné du corps, qui soit accessible et sans odeur désagréable.
Les deux anciennes collègues de chez Glossier décident de parer à ce manque grâce à une marque au packaging et formulations responsables, minimalistes et dans l’air du temps qui réinvente la manière de prendre soin de soi dans la salle de bains.
D’autres marques comme The Ordinary ont décidé de se tourner vers une gamme propre au corps sous le parapluie de Body Care. Rita Silva, qui est responsable de la communication scientifique et de l’engagement de la marque, confie que cela fait suite à une demande grandissante des consommateurs.rices. "Nous nous sommes lancés dans le soin du corps avec la conviction que la peau de notre corps mérite la même attention que celle de notre visage."
Trois produits dont deux sérums et une lotion qui ont la particularité de s’intéresser à des "préoccupations courantes associées au corps, comme le teint inégal, la sécheresse et la congestion", le tout avec des ingrédients qui font l’ADN de la marque, comme l’acide salicylique ou la niacinamide.
Sur les réseaux sociaux, les demandes pour traiter l’acné du dos, combattre l’hyperpigmentation des aisselles ou retrouver "une peau de bébé" pullulent, se démarquant des traitements pharmaceutiques qui sont généralement recommandés par des médecins. Dans ce cadre, les marques viennent répondre à une demande dermo-cosmétique et holistique, en combinant des soins réguliers à l’amélioration d’un problème identifié.
The Ordinary a l’habitude de voir certains de ses produits détournés pour d’autres utilisations, ce qui a convaincu la marque de s’attaquer elle-même aux problèmes cités. "Certains de nos consommateurs appliquaient déjà certaines de nos formulations existantes sur différentes parties du corps - un exemple classique est notre Tonique Exfoliant à l'Acide Glycolique 7%, qui est devenu viral à de nombreuses reprises suite à l'exploration de multiples 'astuces'. Le phénomène était si répandu que nous avons même décidé d'étudier l'utilisation de ce produit sur le cuir chevelu et de réévaluer la sûreté du produit en vue d'inclure son application sur de petites zones du corps. Il existait clairement un appétit pour les produits de soins corporels fonctionnels qui vont au-delà du simple nettoyage et de l'hydratation", explique Rita Silva.
Nouveau phénomène, nouveaux complexes
Beaucoup d’internautes avancent l’idée d’un soin de leur corps qui passe par un soin d’eux-mêmes, pour se chouchouter, en mettant en place des rituels avant d’aller dormir.
Si le terme self-care a longtemps été associé aux routines de beauté en tout genre - dont le résultat doit se voir dans la plupart des cas - les soins pour le corps semblent tournés vers une satisfaction individuelle pour "réparer" et "soigner" des parties du corps qui ne sont pas nécessairement visibles.
Néanmoins, le phénomène a réveillé d’autres demandes et inquiétudes, qui n’existaient pas auparavant, comme le constate le Dr Solange Jung-Hamoudé, médecin anti-âge et morphologue, qui reçoit ses patient.es dans un centre de médecine esthétique à Paris.
"Il y a une vraie transition des soins du visage vers les soins du corps qui connaît une forte hausse. Les demandes les plus 'nouvelles' sont liées aux cicatrices d’acné, à la pilosité ou à l’hyperpigmentation, sur des zones précises du corps, comme les coudes, les genoux, les aisselles ou au niveau du périnée et de la racine des cuisses", complète-t-elle.
D’autres opérations accompagnent un tournant plus global dans l’évolution des pratiques d’hygiène corporelle, comme l’injection de botox au niveau des aisselles pour lutter contre une transpiration excessive. "Il y a une prise de conscience par rapport aux ganglions embryonnaires qui sont proches de la poitrine, donc certaines de mes patientes ne veulent plus mettre n’importe quel déodorant et se renseignent sur les perturbateurs endocriniens. Les gens se disent qu’ils préfèrent faire une injection de botox tous les 9 mois en utilisant un déodorant doux à côté. Mais il y aussi la dimension esthétique pour ceux qui veulent moins transpirer durant les mois estivaux."
Quelle que soit la demande, la morphologue remarque que cela vient souvent de ce qui est discuté sur Internet. "On voit qu’il y a un impact très fort sur la psyché, il y a de nouvelles problématiques auxquelles mes patients sont très réceptifs. On avait les filtres faciaux, on a désormais ceux du corps. Il y a quelques années, jamais on ne m’aurait parlé de mollets plus fins. Et contrairement à ce qu’on pourrait penser, mes patientes senior sont aussi touchées par cela."
Des coudes trop foncés aux "jambes de fraises", en passant par un décolleté trop rugueux, le corps est devenu le nouveau terrain de jeu des complexes en tout genre.
Avant de passer par la case de la médecine esthétique, les consommateurs auraient tout à gagner de choisir des marques qui comprennent l’essence des gammes pour le soin du corps. Celles qui se basent sur un rituel quotidien à la fois fonctionnel, ciblé, et sensoriel.