Ces derniers temps, on a beaucoup parlé de la troisième saison de la série The White Lotus. Et pas seulement à cause de son intrigue ou des rebondissements attendus. Non, au cœur des conversations, se trouvait la dentition, imparfaite, incontournable et naturelle, de l’actrice Aimee Lou Wood...

Des dents qui ont déclenché une admiration sans bornes sur les réseaux sociaux et une frénésie médiatique assez inédite, avec de longs articles consacrés au sujet dans le New York Times, The Times ou encore El País.

"J’adore tes dents ! Tu es anglaise ?", lui lance dès le premier épisode son acolyte à l’écran, l’actrice Charlotte Le Bon (dont la dentition est également non retouchée). Une réplique improvisée que le réalisateur Mike White a accepté de garder au montage, comme pour acter ce décalage flagrant entre une dentition naturelle tendance anglaise et l’univers hollywoodien de la série – les vacances luxueuses et débridées des plus fortuné·es –, un milieu dans lequel les dents parfaites (et à facettes) sont la norme.

Cette petite phrase et cette présence dentaire à l’écran ont fait boule de neige : "Des vidéos d’orthodontistes disséquant la forme de mes dents sont partout sur mon fil Instagram, racontait le mois dernier l’actrice anglaise sur le plateau du Jonathan Ross Show aux États-Unis, et tous finissent par conclure que je ne devrais rien changer ! La boucle est bouclée : mes dents, qui ont été un sujet d’humiliation adolescente, me valent aujourd’hui des félicitations et même des applaudissements ici en direct !"

Un florilège de hashtags dentaires

Résultat, sur les réseaux, on voit apparaître un florilège de hashtags – #gaptooth, #luckyteeth, #dentsdubonheur –, notamment chez toute une frange de jeunes filles avec un diastème.

Certaines regrettent leur récent appareil dentaire pour "corriger" cet écart qui leur faisait honte, tandis que d’autres remercient l’actrice de les avoir aidées à éviter une série de traitements chez l’orthodontiste ! De son côté, lors d’une récente interview au micro de David Castello-Lopes dans l’émission Small Talk sur Konbini, la même Charlotte Le Bon demandait à la caméra de zoomer sur l’une de ses petites dents croches qui pointe parfois sur sa lèvre lorsqu’elle sourit.

Ses dents qu’une personne a un jour qualifiées de "vieille clôture", elle les voit comme "créatives" et "singulières" à une époque "où tout le monde veut se ressembler".

Revival du naturel

Avant les deux actrices de White Lotus, Lauren Hutton, Vanessa Paradis, Lara Stone ou encore Keira Knightley et Georgia May Jagger, pour n’en citer que quelques-unes, ont aussi fait le choix de ne pas toucher à leur sourire naturel et de le revendiquer comme part de leur identité.

Une tendance de plus en plus courante constatée par la chirurgienne-dentiste Christiane Bonnat dans son cabinet parisien : "L’époque où les patients réclamaient un nouveau sourire sur mesure, blanc et super aligné, est révolue. Il y a une demande de rester le plus naturel possible et une plus grande acceptation de soi."

Signe d’un temps marqué par le retour à une beauté moins fabriquée ? "Nous sommes allés trop loin dans l’effacement des différences, estime le philosophe Bernard Andrieu, professeur à l’université Paris Cité et auteur de Rester beau (Éditions du Murmure, 2017). En réaction, nous assistons aujourd’hui à un revival des beautés autochtones, naturelles, de ce que j’appelle l’écobeauté. À savoir, l’idée selon laquelle nous n’avons pas besoin de transformer nos corps, ni d’entretenir un capital beauté avec tout un tas de techniques. Au contraire, en assumant notre corps, notre âge, nos rides et même nos cheveux blancs, nous nous rapprochons de la nature elle-même. Notre beauté singulière, dans un monde saturé d’images et de selfies filtrés, est alors remarquable, tout en disant qui je suis et d’où je viens."

Focaliser - encore - sur l'apparence des femmes

Aimee Lou Wood a plusieurs fois pris la parole pour partager, justement, son rapport longtemps complexé et torturé à la beauté normée. Évoquant notamment sa dysmorphie au moment de la diffusion de Sex Education et comment son personnage dans la série l’a aidée à faire la paix avec son corps.

Mais l’attention extrême récemment portée à ses dents, dont elle se dit par ailleurs "ravie qu’elles soient perçues comme un symbole de rébellion et de liberté", la met, à force, mal à l’aise.

"Il y a tout de même des limites à en faire le sujet principal de conversation, cela me rend triste, car cela m’empêche de parler de mon travail", déclarait-elle au magazine GQ en avril avant de s’interroger : "Et si j’étais un homme, est-ce qu’on en parlerait autant ? Nous continuons malgré tout, même si c’est de façon positive, de focaliser sur l’apparence des femmes." 

Article publié dans le magazine Marie Claire n°874, daté juillet 2025