Le 13 mai 2025, le tribunal correctionnel de Paris a rendu son jugement dans l'affaire Depardieu. L'acteur a été reconnu coupable d'agressions sexuelles sur le tournage du film Les Volets Verts, en 2021, et condamné à 18 mois de prison avec sursis.
En février, le tribunal de Paris condamnait Stéphane Plaza à 12 mois de prison avec sursis pour "violences habituelles" sur une ancienne compagne, pour des faits ayant eu lieu entre 2018 et 2022. Ce même mois, le marathonien Morhad Amdouni était, lui, condamné à 10 mois de prison avec sursis probatoire par le tribunal correctionnel de Meaux pour des faits de violences sur son ex-épouse, avec l’interdiction d’entrer en contact avec elle et de se présenter à son domicile pendant trois ans.
L'avocate pénaliste Vinciane Jacquet nous éclaire sur la notion de sursis et les raisons pour lesquelles la justice penche souvent pour cette peine plutôt que de la prison ferme.
Le sursis, "une épée de Damoclès" et non une "absence de peine"
Marie Claire : Comment définissez-vous la notion de sursis ?
Vinciane Jacquet : Quand je présente le sursis à mes clients, je le définis à la fois comme une épée de Damoclès et comme une mesure de confiance de la part de la justice. Cela reste une sanction pénale pouvant être mise à exécution.
Quand on parle d'une peine d'emprisonnement avec sursis, qu'il soit simple ou probatoire, la justice indique à la personne condamnée qu'elle n'aura pas à faire le temps d'emprisonnement, à condition de respecter certaines interdictions et certaines obligations. Ce n'est donc pas une absence de peine, c'est une peine mise à sursis, c'est-à-dire c'est une peine qu'ils ont au-dessus de leur tête.
Quelle différence existe-t-il entre le sursis simple et le sursis probatoire ?
Dans le cadre de l'échelle des peines que prend en considération la justice quand elle condamne une personne, le sursis simple est une mesure plus bienveillante que le sursis probatoire.
Pour le sursis simple, la seule obligation imposée est de ne pas commettre d'infraction une nouvelle fois, que ce soit une infraction similaire à celle pour laquelle la personne vient d'être condamnée ou une autre infraction complètement différente, et ce, pendant un délai de cinq ans. Si la personne commet une seconde infraction après ce délai de cinq ans, elle pourrait être poursuivie pour cette nouvelle infraction. Mais le sursis de la condamnation précédente ne pourra pas être mis à exécution.
Pour le sursis probatoire, il y a évidemment l'obligation de ne pas re-commettre d'infraction, mais il y a ensuite des obligations et des interdictions qui prononcées selon le contexte de l'infraction et la personnalité de la personne condamnée.
Par exemple, dans le cas de violences, et en particulier de violences conjugales, les deux interdictions prononcées dans 99% des cas sont l'interdiction de contact avec la victime et l'interdiction de s'approcher de son domicile. Si les faits ont été commis dans un contexte d'addiction à l'alcool ou aux stupéfiants, il peut y avoir une obligation de soins en addictologie.
Si la personne qui a commis l’infraction éprouve des difficultés à gérer ses émotions, il peut y avoir une obligation de soins psychologiques. On peut également avoir une interdiction de se rendre dans un certain lieu géographique précis, c'est courant par exemple pour les trafics de stupéfiants.
La durée n’est pas la même pour le sursis simple et le sursis probatoire. Le sursis simple dure cinq ans. Pour le sursis probatoire, la juridiction va pouvoir décider combien de temps la personne doit respecter les modalités de ce sursis : 12 mois, 18 mois, mais maximum trois ans. Quand il y a davantage d'obligations et d'interdictions, la période est plus courte que le sursis simple.
L'évaluation des antécédents judiciaires
Pourquoi, dans certains cas, la justice prononce-t-elle du sursis plutôt que de la prison ferme ? Est-ce une façon de donner "une seconde chance" ?
Le sursis est généralement accordé à ceux qui n'ont pas d'antécédents judiciaires, peu d'antécédents judiciaires ou alors des antécédents judiciaires lointains. Le sursis simple ne peut être accordé qu'une fois en cinq ans.
Le sursis probatoire ne peut être prononcé plus deux fois pour des infractions similaires, si la personne se trouve en récidive. Par contre, si la personne n'a pas d'antécédents judiciaires, mais que l'infraction commise est d'une particulière gravité, on peut évidemment passer sur de la prison ferme tout de suite.
En résumé, le sursis dépend des antécédents judiciaires et de la gravité de l'infraction. Par exemple, si une personne commet un meurtre, ce n'est pas parce que c'est sa première infraction qu'elle aura du sursis.
De la même manière, si une personne a un sursis simple et qu’elle est condamnée pour une autre infraction, la justice peut prononcer directement de la prison ferme (qui peut se faire avec aménagement, avec un bracelet électronique ou avec aménagement, permettant de passer la journée dehors pour se réinsérer) sans passer par le sursis probatoire.
La justice a la possibilité de choisir selon la personnalité de la personne condamnée, le contexte et la gravité de l'infraction.
Certaines affaires poussent-elles plus la justice à donner du sursis que de la prison ferme ? Il semblerait que ces peines soient courantes dans les affaires de violences conjugales.
Je dirais vraiment que le sursis peut être appliqué pour tout type de délit. Si la justice prononce un sursis, c'est vraiment qu'elle pense qu’il y a un contexte sociétal autour de l'infraction, ou et c’est bien à prendre entre guillemets, "une erreur de parcours". La gravité des conséquences d’une infraction ne demande pas forcément une peine d'emprisonnement ferme.
Pour les affaires de violences conjugales, effectivement, la justice va directement sur le sursis probatoire. Le militantisme autour de cette question commence à atteindre les juridictions qui se rendent compte qu’il faut s'assurer de l'absence de récidive et qu’il y a généralement des obligations de soins psychologiques, qui ne peuvent être ordonnées que dans le cas d'un sursis probatoire. Donc, on n'a pas le choix.
C'est différent pour l'interdiction de contact et d'approcher du domicile de la victime qui, elles, peuvent être une peine autonome. Il peut y avoir un sursis simple avec une interdiction de contact avec la victime et une interdiction de s'approcher du domicile.
Malgré ce qu'on dit souvent concernant le respect de l’échelle des peines - normalement, la première peine pour un primodélinquant est du sursis simple -, les juges prennent maintenant en considération la nature des violences conjugales vraiment propres qui nécessitante souvent d’aller directement sur du sursis probatoire.
Une possible révocation du sursis
Quelles sont les conditions pour que le sursis se transforme en peine ferme ?
Si elle ne respecte pas les obligations ordonnées par la justice (s'approcher du domicile de sa compagne ou ex-compagne ou alors ne pas suivre des soins psychologiques ou addictologiques, par exemple), le juge de l'application des peines peut choisir de donner un rappel des modalités du sursis à la personne condamnée, ou bien de fixer une audience pour révoquer ce sursis, et donc le mettre totalement ou en partie à exécution.
Si une personne comparaît devant un tribunal pour la commission d'une nouvelle infraction, et que son dossier fait apparaître un non-respect des modalités du sursis prononcé pour la condamnation précédente, alors le Procureur de la République pourra, en plus de requérir une peine pour la nouvelle infraction, requérir également la révocation du sursis lié à la condamnation précédente.
[Initialement publié en février 2025, cet article a été mis à jour le 13 mai 2025 au moment de la condamnation de Gérard Depardieu].
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