Le rugby est un sport très populaire que ce soit sur les terrains ou via les écrans de télévision. C'est même l'une des pratiques préférées des Français, encore rares sont les jeunes filles à s’y frotter. Considéré comme trop masculin et viril, trop violent ou demandant une trop grande force physique, le rugby est un sport pétri de préjugés et d'idées-reçues.
C'est aussi le constat d’une étude récente publiée par Foncia, en collaboration avec l'Institut Kantar. Si 41% des Français.es montrent un intérêt pour ce sport, une différence significative émerge dans l'enthousiasme des parents à inscrire leurs enfants dans des clubs de rugby : 81 % des parents se disent favorables à inscrire leur fils au rugby, contre seulement 66 % pour les filles.
Début 2022, la Fédération Française de Rugby (FFR) avait annoncé une hausse de 6,76 % des licencié.es en France et une augmentation de 22 % chez les femmes. Mais l'idée selon laquelle le rugby devrait rester loin des filles et des femmes persiste dans les esprits.
En cause ? Les biais sexistes et les préconçus genrés qui empêchent les jeunes filles d'entrer dans la mêlée.
"Le rugby ne demande pas une force physique monumentale, il nécessite d’être sportive"
Contre ce manque d’ouverture d’esprit, les voix s’élèvent aujourd'hui, comme celle de Delphine Bunel, présidente des Valkyries.
En Normandie, les Valkyries sont le symbole de la force et de la beauté du rugby féminin. "La Valkyrie est le symbole de cette femme guerrière, forte et courageuse. Cette femme que nous souhaitons aider à trouver sa place dans la société et mettre en avant. Le rugby et ses valeurs est le moyen d’arriver à cet objectif", peut-on lire sur le site du club exclusivement féminin.
Mais Delphine Bunel s'est battue pour que ses jeunes joueuses trouvent leur place, loin des clichés inhérents à la pratique.
“Il y a beaucoup d’idées reçues sur ce sport. On l’imagine violent, parce qu'on retranscrit ce qu’on voit à la télé. Mais le sport amateur est plus cadré et plus réglementé. On pense aussi qu’il faut être costaud, robuste, grand. Mais tous les gabarits sont acceptés, tout le monde a sa place. Le rugby ne demande pas une force physique monumentale, il nécessite d’être sportive. Il y a du contact, des plaquages, des moments engagés, mais aussi beaucoup d’évitement. C’est bien plus sécuritaire que ça en a l’air”, reprend la présidente.
Je fais 1m60 pour 60 kilos et je joue bien au rugby.
De fausses idées qui effraient parents et jeunes filles, comme le confirme la joueuse du Racing 92, Jeanne Sorrin, qui en a, elle-même, fait l'expérience.
"Il y a beaucoup de clichés autour du physique qu’il faudrait avoir pour faire du rugby. Mais sur le terrain, on voit de tous les profils. C’est un sport très intéressant en termes d’inclusion : on a besoin de grands, de petits, de minces, de costauds, de rapides, de lourds... De tout. Moi, je fais 1m60 pour 60 kilos et je joue bien au rugby”, explique la deuxième ligne.
Le rugby féminin et les clichés autour de la féminité
Outre la peur d'un sport qui demande du contact physique, ce sont les stéréotypes autour de la féminité qui poussent les filles à se censurer.
“La plupart des gens de mon entourage, mes parents et mes amis, pensaient que c’était un sport fait pour les garçons. Pour moi, le rugby est un sport mixte comme devrait l'être tous les sports. Mais avant de le connaître je ne m’intéressais pas forcément au rugby, plus à la gym ou la natation par exemple”, explique Sehiah, 12 ans, inscrite au rugby depuis deux ans.
Même son de cloche du côté de Jeanne Sorrin, qui a dû affronter les préjugés de sa famille, pourtant adepte et pratiquante de rugby.
"La première chose que mon père m’a dite, c’est que c’était un sport de contact, et qu’il ne fallait pas que cela m'abîme le visage. Pourtant, j’ai deux frères qui en faisaient avant moi, à qui il n'a jamais dit ça. C’est très sexiste, on est très attaché à la beauté de la femme. Dans les faits, personne n’a des oreilles en chou fleur ou d’arcade de boxeur. On a des bleus, tu peux te peux casser le nez, te couper l’arcade, toutes ces choses qui existent dans plein d’autres sports”, explique la joueuse de 28 ans, qui s’est lancée sur les terrains il y a sept ans.
En parallèle, à l'image de la boxe ou encore aujourd'hui du foot, certains sports restent associés à la virilité, au genre masculin.
Pourtant, "ce n'est que du sport. Et dans le rugby, on a la chance d’avoir les mêmes règles que chez les garçons. On a une masse musculaire et une taille en moyenne plus petite, mais ce n'est pas grave : le rugby féminin se regarde et se joue simplement différemment", reprend Jeanne Sorin.
Des stéréotypes qui datent de plus de 50 ans
Mais ces archétypes entourant le rugby ne datent pas d'hier.
Il y a près de cinquante ans, en 1972, Marceau Crespin, alors secrétaire d'État à la Jeunesse et aux Sports, interdisait la pratique du ballon ovale aux filles et aux femmes. L’homme politique s’expliquait alors de la sorte : “je pense que le rugby – sport de contact exigeant des qualités d'endurance, de robustesse foncière et de virilité – est contre-indiqué pour les jeunes filles et les femmes pour des raisons physiologiques évidentes”.
Amatrices et professionnelles devenaient alors clandestines en France, tandis que les idées-reçues et les préjugés sexistes s'ancraient un peu plus dans les mentalités. Il faudra alors attendre 1989 pour que les femmes soient intégrées à la Fédération française de rugby, bien qu'elles n'aient pas attendu si longtemps pour pratiquer le sport.
Mais alors que le rugby féminin se professionnalise peu à peu, cette interdiction et ce retard - le foot féminin est reconnu en 1970 en France - deviennent les reflets des clichés persistants autour du rugby.
Voir des femmes se taper sur la gueule, moi ça ne m'intéresse pas.
Et dans les années 80, certain.es ont toujours du mal à accepter le rugby féminin, commentateurs comme spectateurs : "ce n'est pas un sport de femmes (...) Je trouve des belles actions, je les trouve jolies mais, bon, il n'y a pas la percussion, elles craignent les chocs malgré tout, je n'ai rien contre. C'est des femmes", pouvait-on entendre à l'époque, comme le rapporte l'INA. Ou encore : "voir des femmes se taper sur la gueule, moi ça ne m'intéresse pas".
Depuis, les mentalités ont quelque peu évolué et des voix se sont levées pour permettre au rugby de se féminiser.
Le manque de modèles féminins et de rugby à l'école mis en cause
Et pour permettre aux jeunes filles de plaquer ces barrières et d'entrer dans la mêlée, nombreuses sont les possibilités.
"Pour féminiser le rugby, le rendre accessible aux jeunes filles, il faut le proposer dès le primaire, le collègue, le lycée. Il faut donner la possibilité de faire du rugby. Il faut forcer le destin car pour l'instant, les possibilités n'existent pas", détaille Jeanne Sorrin.
Miser sur l'école, les parents, des prescripteur.ices, pour faire naître le désir de jouer dès le plus jeune âge : "il faut passer par le milieu scolaire. Les clubs fonctionnent bien quand il y a autour d’eux des écoles avec des professeurs d’EPS ou d'autres qui ont une appétence pour ce sport et qui emmènent les jeunes le pratiquer", ajoute la présidente des Valkyries.
Autre clé : faire rêver les fillettes en leur donnant des role models. "Il y a de plus en plus de commentatrices de rugby, même sur les matchs de garçons. On voit des femmes arbitres, mais on manque quand même de figures", se désole la joueuse de 28 ans. Un besoin de "s'identifier", que confirme Delphine Bunel : "quand on fait du sport, on a besoin d'idoles, de vitrines".
Des solutions qui, à leurs échelles, ont déjà porté leurs fruits : "il y a de plus en plus de stages proposés pour les jeunes filles, des colonies de rugby qui ne sont pas mixtes. Il y a des possibilités dans plein d’endroits et mêmes dans des gros clubs comme dans le Sud-Ouest. Et des acteurs s’engagent au local pour développer des sections cadettes. Ce sont des choses qui n’existaient pas avant. Le shift est en train de se faire, de la débutante jusqu’à l'élite, ça augmente, c'est encourageant", se réjouit Jeanne Sorrin.
Des questionnements nécessaires et un espoir que les mentalités changent au plus vite, qui touchent aussi les plus jeunes : "le rugby est un sport qui évolue. Il vaut mieux que les filles essayent et débloquent une passion, comme ce qui m’est arrivée, que de ne pas le faire à cause des stéréotypes ou de l’entourage, car il y aura toujours des entraîneurs ou autres qui seront là pour nous soutenir dans ce sport. Tous les sports nous sont accessibles", rappelle Sehiah, du haut de ses 12 ans.
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