Rappelez-vous de cet épisode de la deuxième saison de la série Grey’s Anatomy : Meredith Grey (jouée par Ellen Pompeo), personnage emblématique en proie à de nombreuses angoisses, part en pleine crise d'hyperventilation dans un placard du Seattle Grace Hospital. Rapidement, Derek Shepherd (personnage joué par Patrick Dempsey) brillant neurochirurgien et accessoirement son ex-petit ami mais futur mari, lui tend un sac en papier pour l'aider à s'apaiser.
Un geste anodin qui est largement véhiculé par la pop culture, et qui traduit vraisemblablement à l'écran une crise d'angoisse.
Mais peut-on vraiment retrouver un peu de calme en pleine tempête psychique, en soufflant dans un sac en papier ?
Car si l'attaque de panique peut se manifester – entre autres – par des tremblements et des palpitations cardiaques, elle est surtout liée, dans l'imaginaire commun, à une sensation d'étouffement, qui mène très souvent à un épisode d'hyperventilation.
Celui-ci se caractérise par une respiration rapide et saccadée, supérieure aux besoins du corps et donne l’impression de manquer d’air. Une réaction due au faible taux de dioxyde de carbone qui se trouve dans le sang à ce moment-là, par opposition au taux d’oxygène.
Un simple sachet en papier peut-il alors s'avérer utile ?
Souffler dans un sac : une méthode théoriquement efficace
"Souffler dans un sac permet de créer du dioxyde de carbone et de réduire la quantité d’oxygène inspirée. Cela rééquilibre les taux de ces gaz dans le sang et le cerveau", débute Laurie Hawkes, psychologue clinicienne, spécialiste de l’anxiété.
Pour l'experte, il vaut d'ailleurs mieux privilégier un sac en papier plutôt qu’un sac en plastique, moins rigide, qui "pourrait avoir tendance à se plaquer sur la bouche lors de l’inspiration et pourrait donc être d’autant plus angoissant", précise-t-elle. Un conseil d’autant plus valable pour les enfants, qui risqueraient de s’étouffer.
Afin de réaliser au mieux cette technique, la psychologue recommande de placer le sac autour de la bouche, pendant quelques minutes, "mais en veillant à laisser un peu d’air passer" et d’inspirer lentement par le nez, pour réduire le rythme respiratoire petit à petit.
Du côté de la science, une étude japonaise publiée le 17 avril 2023 dans Springer Link, s’est penchée sur les cas de deux patientes d’une vingtaine d’années, qui souffraient de crise d’hyperventilation, puis d’apnée post-hyperventilation de plusieurs minutes (3 minutes et 3,5). Puisqu’il n’existe pas de traitement contre l’hyperventilation, les chercheurs ont utilisé "une ventilation artificielle à l’aide d’un masque fait de sacs" et ont observé que les patientes s’étaient rétablies "sans aucune séquelle".
Toutefois, à l’heure actuelle, il n'existe pas de consensus médical qui confirmerait ou infirmerait l’efficacité de cette technique.
Respirer dans un sac en crise d'angoisse : quels risques ?
Souffler dans un sac pourrait donc être physiologiquement efficace, mais "cette technique n’est pas magique pour tout le monde", consent la psychologue. "Elle peut donner la sensation qu’on a encore moins d'oxygène ou que cela va nous priver du peu d’air disponible".
C'est notamment pour cette raison que Dr Christine Barois, psychiatre spécialiste du stress, ne recommande jamais cette méthode à ses patients, qu’elle juge source de confusion et contraignante.
"Pendant l’hyperventilation, les émotions prennent le dessus et ne permettent pas forcément de réfléchir de façon rationnelle, ou tout simplement, de se mouvoir correctement", observe-t-elle. Ainsi, "on peut ne pas bien réaliser cette méthode et avoir d’autant plus peur car les symptômes ne passent pas". Par ailleurs, utiliser cette méthode en sac quand on est sujet.te à des crises d'anxiété, nécessiterait de toujours avec un sac en papier sur soi, au risque en cas de manque de là-encore ajouter de l'angoisse à l'angoisse.
Par ailleurs, la psychiatre la déconseille également pour les personnes asthmatiques, car elle pourrait provoquer une crise.
Et autre point de vigilance : la crise d’hyperventilation peut être confondue avec une détresse respiratoire, l’un des symptômes d’une crise cardiaque. Dans ce cas précis, la méthode du sac en papier peut alors s’avérer dangereuse, car elle priverait le cœur d’oxygène et "retarderait une intervention médicale potentiellement vitale", rapporte un article de VeryWell Health.
Hyperventilation : que faire pour calmer l’intensité de la crise ?
En cas de crise d’angoisse, outre le fameux sac en papier plébiscité plus dans la pop culture que dans les cabinets médicaux donc, il existe d’autres techniques pour s'apaiser.
Pour le Dr Barois, il s’agit de tenter de se "réconcilier avec le système parasympathique – car il a un effet apaisant sur le corps - en l’entraînant avec des exercices de cohérence cardiaque, en essayant d’inspirer et d’expirer sur cinq temps". À son sens, cette technique fonctionne nettement mieux que celle du sac en papier, "qui est très représentée dans les films et séries, notamment américains, parce qu’elle est visuelle et spectaculaire, contrairement à des exercices de respiration", explique-t-elle.
L’experte de l’anxiété conseille de son côté de "réactiver la partie du cerveau qui réfléchit, par opposition à celle qui gère les émotions, activée pendant la crise". Pour cela, elle recommande de se focaliser sur un autre sens comme la vue et de s’astreindre à décrire cinq couleurs qui se présentent à nous : "je vois de l’orange, mais il est plutôt jaune-orangé, plutôt clair, comme un abricot…". Ou encore, d’activer le toucher, en décrivant la texture d’objets qui se trouvent à proximité, "comme les vêtements ou les objets qui sont dans votre sac".
"Une présence peut aider à rassurer la personne qui a du mal à respirer", ajoute Laurie Hawkes.
Qui sait : ce qui a aidé Meredith Grey à calmer son stress dans ce fameux placard de l'hôpital, c'était peut-être plus la présence de son "collègue" que de souffler ce sac en papier...