Sur le terrain du stade du vélodrome de Roubaix, point d'arrivée de la célèbre course cycliste, il pleut, ce jeudi après-midi d'octobre. Pas de quoi décourager les minimes du RC Roubaix-Wervicq, qui serrent la main de Camille Dolignon et Océane Grange, joueuses de l’équipe première.

200 joueuses, zéro garçon : Roubaix-Wervicq est aujourd’hui l’un des rares clubs 100 % féminins en France. En cinq saisons, l’équipe a réussi le pari fou de monter de quatre divisions pour accéder à la D3. Pour le moment, elles sont deuxièmes du championnat.

Une épopée dingue qui donne espoir pour le futur du football au féminin en France.

Tout commence en 2018, à Bousbecque, 4900 habitants, quand le gérant d’une imprimerie, Jean-Baptiste Gallen, se rend par curiosité au stade pour voir son comptable entraîner une équipe féminine. "Je ne savais pas que les filles, ça jouait au foot", lâche-t-il, maladroitement.

Seul dans la tribune, le chef d’entreprise est frappé par l'état des t-shirts des joueuses. "Ils étaient délavés… Pour les plus minces, on aurait dit des robes, et pour les plus fortes, des brassières… Mais sur le terrain, elles ne lâchaient rien."

Interpellé, Jean-Baptiste Gallen sonde son collaborateur.  Il me répond que c’est comme ça, le foot féminin, et que tout le monde s’en moque" Alors l'entrepreuneur décide d'offrir des kits complets aux joueuses.

L’histoire aurait pu s’arrêter là, mais quelques semaines plus tard, l’entrepreneur retourne au stade. "Juste avant le match, elles viennent me remercier, les larmes aux yeux. Elles avaient l’air tellement heureuses… Cela m’a ému."

1/2

De 14 à 100 joueuses en quelques mois

Sébastien Candelier / Ville de Roubaix

Jean-Baptiste Gallen veut donc aller plus loin. Il reprend le club et contacte ses copains entrepreneurs, qu’il convainc d’investir plusieurs dizaines de milliers d’euros. "Très vite, on avait autant pour 14 filles que pour 300 garçons. Les déplacements en mini bus, les parkas… elles étaient mieux équipées que les mecs."

Cette soudaine montée en puissance crée des distensions dans le club, alors l'homme d'affaires demande au maire la création d’un club 100 % féminin : né en mai 2018, le FC Bousbecque passe en quelques mois de 14 à 100 joueuses.

Nouvelle étape : le maire n'est pas réélu, et le club décide de déménager, en raison d’un "manque de soutien" communal.

Soit on donne trop peu de moyens aux filles, soit on prend aux filles pour mettre aux garçons.

Sollicité, le maire de Roubaix répond positivement. "On a choisi de jouer au Vélodrome, un lieu historique, qui colle avec nos valeurs." Les plus jeunes s’entraînent à Wervicq quand elles ne peuvent se déplacer.

Au quotidien, les montées au classement ont amélioré la pratique. "Comme on a des déplacements sur deux jours, on peut maintenant dormir à l'hôtel et partir en bus, relate Camille Dolignon (à gauche sur la photo, ndlr), au club depuis deux ans. Si le président pouvait, il nous paierait le TGV."

Mais le manque de moyens reste un frein. "Quand on a une petite contracture, on doit attendre que le kiné soit disponible pour venir, donc on perd du temps." Ancienne attaquante à Amiens et à Lille, Camille Dolignon a vu son équipe de Calais disparaître en raison du manque de financements. "De toute façon, soit on donne trop peu de moyens aux filles, soit on prend aux filles pour mettre aux garçons", déplore-t-elle.

2/2

Un objectif clair : la première division

Sébastien Candelier / Ville de Roubaix

Camille est éducatrice pour la ville de Roubaix comme sa coéquipière, Océane Grange, 28 ans, nouvelle défenseure. "C'est le projet qui m'a plu, ses objectifs, développe celle qui a évolué en jeunes à Lyon, puis à Grenoble, Brest, ou encore Nîmes.

À Grenoble, Océane Grange se souvient avoir dû déneiger le terrain du stade des Alpes avec ses coéquipières pour les garçons. "On n’a pas pu s'entraîner après eux, la pelouse était devenue impraticable. Ici, personne ne nous prend notre place. Et c’est la première fois que je vois un président aussi présent pour ses joueuses."

Si on a un meilleur staff et de meilleurs équipements, on pourra augmenter nos performances.

Au bout de quelques saisons, grâce au talent de ses joueuses et à l'entêtement de son président, le RC Roubaix-Wervicq totalise un budget de 650 000 euros, à 95 % des partenaires privés. "Ce club ne propose que du football au féminin, fait remarquer Julien Delicourt, responsable des partenariats et de l’innovation à la GSMC, mutuelle nordiste. C’est ce côté différenciant qui nous a intéressé."

Fort de sa section sportive au lycée Van der Meersch de Roubaix, le club envisage de lancer un statut semi-professionnel.

Mais indépendant, le RC Roubaix-Wervicq va encore devoir cravacher pour titiller les mastodontes D2, Marseille et Lens. Et plus encore, pour la D1 et ses reines, le Paris Saint-Germain et Lyon. Il manque encore un peu d'argent pour boucler la saison. "Si on a un meilleur staff et de meilleurs équipements, on pourra augmenter nos performances", se projette Océane Grange.

Et elle n'est pas la seule. À l'écouter, Jean-Baptiste Gallen est aussi enthousiaste qu'au premier jour. Son objectif est clair : la première division. "Ce n’est que le premier chapitre. Je vous garantis que notre histoire ne va pas s’arrêter là."

Cet article est réservé aux abonnées
Inclus dans votre abonnement :
  • Votre magazine en version numérique en avant-première (+ les anciens numéros)
  • Tous les contenus du site en illimité
  • Une lecture zen avec publicité réduite
  • La newsletter spéciale abonnées qui vous fera part : 
  • Des jeux-concours exclusifs
  • De nos codes promos exclusifs
  • Des invitations aux événements Marie Claire

 VOTRE PACK BEAUTÉ & BIEN-ÊTRE 

 

  • 10 € de réduction sur la Box Beauté Marie Claire du moment
  • 3 mois gratuits sur  Le Tigre : Yoga, pilates, relaxation ... sans modération !

La Newsletter Égo

Bien-être, santé, sexualité... votre rendez-vous pour rester en forme.