30 % des électeurs du Rassemblement National lors des élections européennes du 9 juin 2024 étaient des électrices. Soit, 10 points de plus qu’en 2019. Un "gender gap" inquiétant quand on sait qu’à de nombreuses reprises, la parti d’extrême droite a souvent voté à l'encontre de l'évolution des droits des femmes, sinon, s’est abstenu de les défendre, ou était absent lors de votes cruciaux.
Mariette Sineau, directrice de recherche honoraire au CNRS et à Sciences Po, expliquait à Marie Claire quelques jours avant cette victoire aux Européennes du RN, que l'"on constate, depuis 2012, que les femmes votent aussi souvent que les hommes" pour ce parti.. L’opération de dédiabolisation de Marine Le Pen, dit-elle, "a fonctionné (…) en faisant ce qu’on appelle 'un usage stratégique de son genre'". C’est-à-dire, en utilisant le fait d’être une femme pour attirer un électorat et faire ainsi oublier les positions du parti.
Le 30 juin et 7 juillet prochain auront lieu des élections législatives anticipées, après qu’Emmanuel Macron ait demandé le soir même des résultats la dissolution de l’Assemblée nationale, face au score inédit de l’extrême droite (31, 5 %). Rappel de toutes ces fois où le parti a voté en défaveur du droit des femmes. À l’Assemblée nationale comme au Parlement Européen.
Sur le droit à l'avortement
Jordan Bardella, tête de liste RN aux Européennes, déclarait en mars dernier sur TF1 : "Nous devons refuser qu’une seule femme en France puisse un jour s’inquiéter de voir un de ses droits reculer". Mais dans les faits, et à plusieurs reprises, le parti d’extrême droite n’a pas défendu le droit à l’avortement, comme le rappelle le collectif Grève féministe dans un article pour Libération publié en mai.
Pas plus tard qu'en avril 2024, au Parlement européen, le RN s'est abstenu de voter pour ou contre l’introduction du droit à l’avortement dans la Charte européenne des droits fondamentaux.
En mars 2024, au Congrès parlementaire réuni à Versailles, 72 élus se sont opposés à la Constitutionalisation du droit de l’avortement en France, dont onze du RN.
En mars 2022, Marine Le Pen affirmait au micro de Brut n’avoir jamais souhaité qu’il y ait "un recul sur la possibilité pour les femmes de recourir" à l’avortement. Mais, dans ce même entretien, elle se positionne contre l’allongement de l’accès à l’IVG de douze à quatorze semaines, car, selon elle, "l’acte médicale change complètement de nature" et serait alors "beaucoup plus traumatisant pour les médecins" qui risqueraient "de ne pas vouloir l’effectuer" et donc, d'après la femme politique, cela limiterait l’accès des femmes à l’IVG.
Cette même année, lorsque l’allongement a été débattu à l’Assemblée nationale, les élus du RN ont déposé un amendement pour s’y opposer. Comme le relate Le Monde, au moment de la lecture définitive, uniquement Catherine Pujol et Emmanuel Blairy, membres du RN, étaient présents dans l'Hémicycle et ont voté contre.
Déjà, le 26 novembre 2020, et de nouveau, pile un an plus tard, les députés européens RN avaient voté contre une résolution condamnant la Pologne pour son interdiction quasi-totale de l’avortement. Pour rappel, depuis 2020, l’avortement est interdit dans ce pays d'Europe, sauf en cas de viol ou de danger pour la vie de la mère.
Le RN s'abstient de voter pour lutter contre les violences faites aux femmes
En 2023, le Parlement européen a décidé d'entériner la "Convention du conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique" appelé également Convention d’Istanbul. Là encore, les députés RN se sont abstenus.
Deux ans auparavant, les députés européens du RN ont voté contre une résolution prévoyant des formations contre le harcèlement sexuel au sein des institutions de l’Union européenne.
En 2018, la "loi Schiappa", qui vise à renforcer la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, notamment avec la création d'une contravention d'outrage sexiste pour punir le harcèlement de rue, est débattue à l’Assemblée nationale. Le député RN Ludovic Pajot s’est abstenu tandis que les six autres députés de ce parti, dont Marine Le Pen, étaient absents.
Opposition à la prise en charge totale des frais médicaux pour le cancer du sein
Le 23 mai 2024, à l'Assemblée nationale, les députés ont adopté en commission à l’unanimité une proposition de loi du groupe GDR (Gauche démocrate et républicaine) pour la prise en charge intégrale des soins liés au cancer du sein.
Un amendement, voté par le parti Renaissance et celui du Rassemblement national, exclut les dépassements d’honoraires de cette prise en charge intégrale, relaie Santé magazine.
Abstention pour la transparence et l'égalité des rémunérations
En 2022, le Parlement européen a voté pour un salaire minimum européen qui concerne de nombreuses femmes précaires. Le RN est le seul parti a avoir voté contre, rappelle le compte Instagram féministe gangduclito.
En mai 2023, le RN s’est abstenu concernant la directive européenne "sur la transparence et l’égalité des rémunérations". Celle-ci vise à appliquer (à partir du 7 juin 2026) l’égalité de salaires entre femmes et hommes pour un travail identique ou de même valeur.
Depuis l’annonce des élections législatives anticipées, de nombreuses autrices féministes, comme Bettina Zourli (connue sous le pseudonyme de @jeneveuxpasdenfant), décryptent la léthargie du RN face à la défense des droits des femmes. Toutes rappellent qu’en plus des droits des femmes, ceux des personnes LGBTQIA+, racisées et précaires sont en danger.
En témoigne un message d'alerte publié sur Instagram et co-écrit par la journaliste Giulia Foïs et la militante Caroline de Haas, entre autres, qui rappelle qu'en Italie, Hongrie, Pologne, où l’extrême droite est arrivé au pouvoir, les droits et les libertés ont été censurés.
En Pologne, par exemple, des "zones sans LGBT" ont été mises en place, tandis qu'en Italie, les groupes anti-IVG ont aujourd’hui le droit d’entrer et de militer au sein des cliniques qui permettent l'avortement. Marine Le Pen a d'ailleurs affiché à plusieurs reprises son lien à la première ministre italienne. Dans le quotidien Corriere della Serra, fin mai dernier, elle exprimait sa volonté de voir le Rassemblement National s'unir au Parlement Européen avec le parti de Giorgia Meloni.