Méditer. Faire du sport. Suivre une thérapie. Remplir ses pages de journaling. Faire ses marches de gratitude. Et encore sentir des bleus à l’âme ? Il est temps de revoir votre manière de manger, affirment les experts en psychonutrition. En pleine expansion, la jeune science étudie l'influence des nutriments sur la régulation des émotions, de l'attention, du sommeil et de la protection du cerveau.
On connait déjà le lien entre les dérèglements digestifs (douleurs chroniques, troubles du transit intestinal, ballonnements...) et les problèmes d’allergies, d’énergie et même de capacités intellectuelles. Aujourd’hui, grâce à l’avancée majeure de la recherche, on sait désormais que l’alimentation affecte tout autant la santé mentale.
Les Oméga 3 pour soigner la dépression
"Jusqu'en 2019, les nutriments concentrés, aussi appelés "nutraceutiques", étaient perçus par la majorité du monde médical comme des placebos, au mieux réservés à des formes "légères à modérées" de troubles mentaux", explique le Dr. Guillaume Fond, docteur en psychiatrie et en biologie cellulaire et moléculaire, chercheur en psycho nutrition, dans son ouvrage Bien nourrir son cerveau (Ed. Odile Jacob).
En octobre 2019, la grande revue de psychiatrie World psychiatry confirmait officiellement que les Oméga 3 sont efficaces pour soigner la dépression, en adjonction aux antidépresseurs, ou même en monothérapie en cas d'inflammation et/ou de surpoids. Des preuves émergentes suggéraient par ailleurs que certains de ces acides gras pouvaient être bénéfiques contre le trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité (TDAH), dans le traitement des troubles de l'humeur, voire de la schizophrénie. Depuis, les données étayant l’efficacité des approches de psychonutrition sont de plus en plus nombreuses.
Le Dr. Guillaume Fond regrette toutefois que ces nombreuses publications n'influent pas davantage sur la pratique de la santé mentale. Selon lui, la majorité des médecins n'ont pas le temps de lire les articles scientifiques pour maintenir leurs connaissances à jour, et ne lisent pas l'anglais.
"L'accès aux articles scientifiques est payant. La formation médicale continue peine à suivre les actualités scientifiques. Par ailleurs, la plupart les nutraceutiques ne sont pas remboursés, sans parler de certains dosages sanguins de nutriments, nécessaires avant prescription. De plus, prescrire des nutraceutiques nécessite de pouvoir répondre aux patients sur les différents produits existants sur le marché, les formes d'absorption, les traçages qualité et les différents prix", considère l'expert. Celui-ci garde toutefois bon espoir que la maturité scientifique et l'intérêt du public puissent faire évoluer les choses.
La boucle complexe entre alimentation, intestin et cerveau
D’après le Dr. Guillaume Fond, 80% de la population mondiale est dénutrie. Ce manque d'apports essentiels dessert évidemment le cerveau et ses fonctions. Or, "le cerveau est à la base de tout, c'est cet organe qui détermine notre expérience de la réalité" considère le psychiatre chercheur. "S'il est affamé, c'est un peu comme si nous sortions en t-shirt en hiver. Nos émotions sont à fleur de peau, la moindre contrariété peut entraîner une cascade de rumination".
Cela peut se manifester par un mental qui tourne en boucle sur un événement passé ou à venir, une déprime dès l'aube, à chaque retour de vacances, voire chaque lundi.
Lors de la deuxième édition de Food4Mood, une journée d’information organisée par la Fondation FondaMental en octobre 2024, la Pr. Marion Leboyer, professeure de psychiatrie à l’université Paris-Est Créteil, directrice du département de psychiatrie à Hôpital Henri Mondor et responsable du laboratoire NeuroPsychiatrie Translationnelle (Inserm), déclarait que "près de 40 % des personnes dépressives présentent une inflammation chronique, aggravée par une alimentation riche en sucres, graisses et sel. En revanche, le régime méditerranéen, riche en légumes, fruits, légumineuses et noix, aide à réduire cette inflammation et les symptômes dépressifs".
Au cours du même évènement, Joël Doré, directeur de recherche à l’INRAE (Institut National de Recherche pour l’Agriculture, l’Alimentation et l’Environnement), a souligné comment des facteurs comme l'alimentation, le cadre de vie, l'âge et le niveau de stress, entre autres, influencent notre microbiote, qui, en retour, affecte notre humeur et nos émotions via des mécanismes neuronaux, immunitaires et métaboliques.
"De la même manière qu’une forêt saine repose sur une faune et une flore débordantes de vitalité et de diversité pour maintenir son équilibre et sa résilience, notre santé dépend aussi d’une nutrition et d’un microbiome riche et diversifié pour assurer le bon fonctionnement de chaque aspect de notre santé", détaille Émilie Steinbach, docteure en biologie intégrative et auteure de Votre santé optimisée (Ed. Marabout).
Aujourd’hui, en pleine crise climatique, nos sols s’appauvrissent et des terres entières sont des monocultures ; leur diversité est réduite, affectant la faune qui y vit et la santé globale du système. De la même manière, notre microbiome s’appauvrit notamment dans les villes. Les recommandations de la pro ? Consommer au moins 30 aliments d’origine végétale par semaine, en variant et diversifiant les fruits, légumes et oléagineux au maximum.
Attention au régime vegan strict
"Certaines études montrent une association significative entre l’abstention totale de viande et la dépression et l’anxiété", note Émilie Steinbach.
"Les personnes qui consomment de la viande ont des niveaux moyens de dépression et d’anxiété plus faibles que celles qui n’en consomment pas du tout". En plus de ses potentiels risques pour notre humeur, l’abstention totale de viande et poisson pourrait également affecter nos performances cognitives.
Selon la neuroscientifique, ceci pourrait s’expliquer par un régime végétarien ou vegan inadéquat, qui ne couvre pas les besoins en sélénium, en zinc, en fer, en acide folique et en vitamine B12 ainsi qu’en acides gras oméga-3 essentiels (EPA/DHA). C’est notamment pour cela qu’une certaine consommation de poisson, et de viande, modérée et de qualité est recommandée.
L’assiette en renfort de l’arsenal thérapeutique psy
Si DHA, zinc, probiotiques, vitamines D3, B9 ou B12, tryptophane et autres magnésium peuvent changer la donne en matière de soins psy, cela ne signifie pas qu’un régime alimentaire pourrait se substituer totalement à des traitements médicamenteux, notamment dans le cadre de pathologies psychiatriques avérées.
Toutefois, selon les psychonutritionnistes, l’alimentation devrait jouer un rôle clé dans la régulation de l’humeur et du stress, et faire partie d’une stratégie thérapeutique complète incluant traitements médicamenteux, psychothérapie et règles d’hygiène de vie. Elle pourrait même aider à relever d’importants défis dans le traitement de l’anxiété d’une façon efficace et durable.
En France, la santé mentale représente à elle seule 23,3 milliards d’euros, soit près de 14 % des dépenses de santé totales si l’on regroupe les "maladies psychiatriques" et l’ensemble des "traitements chroniques par psychotropes". Douze millions de Français sont concernés par les trouble psychiques, dont plus de 3 millions de personnes présentent des troubles psychiques sévères... qui constituent première cause médicale d’invalidité.
Le fléau n'épargne pas les jeunes : un sur trois souffre de santé mentale en France et 75% des troubles psychiques se déclarent avant 25 ans.
"Dans la plupart des essais cliniques sur les troubles anxieux, les taux de réponse enregistrés ont été de 50 à 60 %, et les taux de rémission, de 25 à 35 %. Cela signifie qu’environ 75 % des gens traités pour l’anxiété pourraient ne jamais constater d’amélioration", constate la Dre Uma Naidoo, psychiatre et experte en nutrition, auteure de l’ouvrage Anxiété et nutrition. Calmez votre esprit grâce à l’alimentation (Éditions de l’Homme).
Même constat sur le front de la dépression nerveuse : environ un tiers des patients dépressifs sont résistants aux antidépresseurs, c’est-à-dire en échec d’au moins deux lignes de traitements médicamenteux pendant huit semaines.
Une application pour apaiser la dépression grâce à l’assiette
Pour soutenir la prévention et la gestion des troubles dépressifs, l’application Food4Mood a été co-développée par DietSensor avec les équipes du Pr Felice Jacka (Australie), de la Fondation FondaMental (Pr Marion Leboyer), en partenariat avec Inicea Santé Mentale et Addictologie.
L’outil numérique est destiné à aider les patients vivant avec une dépression ou les personnes à risques (antécédents personnels ou familiaux de dépression, maladies chroniques) à améliorer leurs habitudes alimentaires. Issue d'une collaboration entre scientifiques, psychiatres, nutritionnistes, diététiciens et chefs cuisiniers, son objectif est d'être la première application au monde à intégrer la composante nutritionnelle dans la gestion de la dépression. Cet outil propose un suivi personnalisé, des conseils pratiques et des recettes adaptées en fonction des besoins de l’utilisateur.
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