Au commencement était la maroquinerie. Fondée en 1913 par Mario Prada, la maison voit en effet le jour au cœur de Milan, dans la prestigieuse Galerie Vittorio Emanuele II. À l’époque, Prada se spécialise dans les accessoires en cuir et les malles de voyage de luxe confectionnées avec un savoir-faire artisanal d’exception.

Des créations qui séduisent l’élite milanaise ainsi que la famille royale italienne. Celle-ci décerne d'ailleurs à la marque le titre de fournisseur officiel. Mélange subtil d’élégance discrète et de matériaux novateurs, comme le cuir de morse et la peau de crocodile, Prada distille d’emblée une esthétique sobre et raffinée, qui préfère la qualité des matériaux et la précision des finitions à un luxe ultra-ostentatoire.

Un esprit anticonformiste, en somme, perpétué par Luisa Prada, la fille de Mario, qui reprend les rênes à la mort de son père, puis par sa petite-fille, Miuccia Prada, à partir de 1978.

Prada selon Miuccia

Sous la direction de Miuccia, Prada amorce une transformation radicale, troquant le classicisme des débuts contre une esthétique à la fois intellectuelle et subversive. Visionnaire, elle introduit en 1984 un sac en nylon noir, matière alors réservée à l’univers utilitaire, pour en faire un authentique objet de désir. Le succès est fulgurant.

S’ensuivent des collections marquées par une esthétique austère et une palette de couleurs tout en sobriété : le beige, le kaki et les teintes sourdes prennent alors le contre-pied du glamour ostentatoire des années 80.

En 1988, le premier défilé prêt-à-porter de la marque impose le ton : Prada se joue des codes, des genres et des attentes dans un flot de références culturelles qui convoquent féminisme, architecture et art contemporain. C'est dans les intellectuel-le-s, les artistes, les femmes à l’allure rigoureuse et à l’esprit affûté que Miuccia Prada trouve ses muses… Et l’inspiration d’un vestiaire taillé pour les héroïnes modernes. Une capacité à capter l’air du temps tout en le bousculant avec subtilité qui rendra les collections Prada aussi respectées que désirées.

En 2020, la nomination de Raf Simons comme codirecteur artistique marque un tournant. L’association de ces deux esprits créatifs, tous deux férus d’art et d’architecture, donne naissance à des créations hybrides où se mêlent tailoring rigoureux et expérimentations textiles.

Miuccia Prada et Raf Simons saluent à la fin du défilé Prada automne-hiver 2025-2026

Au-delà du podium

Plus qu’une simple marque, Prada est aussi une plateforme culturelle, qui multiplie les collaborations avec des artistes, architectes et cinéastes.

La Fondation Prada, inaugurée à Milan en 2015, incarne ainsi cette vision holistique de la mode, faisant cohabiter expositions, installations et performances dans un espace brutaliste signé Rem Koolhaas.

Même les boutiques de la maison, pensées comme des galeries, reflètent cette quête d’un luxe conceptuel où chaque détail compte. Les shows Prada, loin d’être de simples moments instagrammables, sont des invitations à repenser le rapport au style et à la modernité, entre rigueur et ironie. 

Ils se déroulent ainsi dans des décors immersifs d’inflexion arty – tunnels aux murs capitonnés, espaces labyrinthiques ou salles aux néons aveuglants – qui accentuent la dimension cérébrale de la marque. Un paradigme singulier qui, dans une industrie du luxe en proie aux tentations les plus superficielles, semble être devenu la clé de la longévité.