Cette saison, la new face de la semaine de la haute couture, c'était lui : Kevin Germanier. Depuis 2018, le styliste suisse présente des collections de prêt-à-porter impressionnantes par leur technicité et le travail fait main autour de la perle qu'elles exigent. Ce qui fait de Germanier une maison de couture par définition.
La marque a eu la lourde charge de clore la Couture Week, le jeudi 30 janvier 2025. Entre des tailleurs jupes perlés, des silhouettes masculines preppy et du knitwear aux airs de créatures marines, Germanier a livré une couture juste et maîtrisée, enracinée dans le surréalisme.
Marie Claire a rencontré avec le couturier à l'issue du défilé.
Marie Claire : Racontez-nous l'histoire de la collection et avant toute chose, pourquoi ce nom, "Les Globuleuses" ?
Kevin Germanier : L'idée de base était la rencontre de Bree Van De Kamp, l'héroïne de Desperate Housewives, avec une petite perle Germanier qu'elle aurait ingurgitée. En bref, Bree Van De Kamp qui mange des champignons hallucinogènes. Nous avons beaucoup joué sur la folie et sur les gros volumes.
Au début du défilé, il y a ces tailleurs parfaits que j'adore - j'aime tout particulièrement faire du tailoring. Il y a ces vestes Christian Dior vintage que j'ai trouvées à Las Vegas, des pantalons, une autre veste vintage, Givenchy cette fois, pour raconter l'histoire d'une cliente qui viendrait nous voir et dire : "J'adore ce manteau, il me va encore, il n'est pas troué, mais je voudrais tunner mes vêtements comme dans Pimp My Ride [célèbre émission diffusée sur MTV dans les années 2000, ndlr]".
Pour moi, c'est aussi ça la couture. Je pense que cela permet de la désacraliser. Évidemment, tout est fait à la main, mais l'objectif était de se demander comment la dynamiser. Je ne dis pas dit que les collections haute couture des autres maisons n'étaient pas dynamiques, je pense simplement que la couture devrait toujours l'être. En deux mois, je trouve qu'on s'est plutôt bien débrouillé.
Qu'est-ce que cette appellation "haute couture" a changé dans votre manière de travailler ?
C'est un sceau de validation qui peut aussi, d'un point de vue strictement business, attirer plus de client-e-s. C'est aussi ce que j'ai toujours voulu faire. En tant que marque émergente, il ne faut pas se voiler la face : il faut vendre. Or l'argent ne se cache pas dans un pantalon noir vendu dans un magasin multimarque. Il réside dans une relation privilégiée avec la cliente, à son écoute.
Moi, j'apprends de la consommatrice qui me dira : "J'adore cette broderie, mais, je la veux en jaune et rose fluo". Parfois, ces échanges peuvent amener des bonnes choses.
Justement, au sujet de la cliente Germanier, quelle femme rêvez-vous voir dans cette collection ?
Peu importe qui rentre dedans. C'est très drôle, parce que pendant les premières répétitions pour le défilé, Leïla, qui fait partie de ma production, portait une magnifique robe Comme Des Garçons avec un énorme pull. Elle a mis la veste pour homme qui a défilé, et voilà. Quand ça fit, ça fit.
Je pense qu'il faut aussi arrêter de croire qu'il faut être mince pour porter de la couture. La couture peut être une femme, un homme, plus mature. Ça peut être un cadeau… Comme j'aime à le dire, peu importe l'alien qui entre dans nos vêtements, let's go.
Comment vous êtes-vous préparé émotionnellement à votre premier défilé haute couture ?
C'était beaucoup moins agréable que le prêt-à-porter ! Le prêt-à-porter, c'est une affaire qui roule, d'autant que j'ai la chance d'avoir le soutien de la presse. Et on l'oublie, mais [Germanier] ce n'est pas juste moi, moi, moi et on change tout. Ce sont des équipes, c'est le soutien des gens, ce sont les acheteur-euse-s. D'habitude, je sais que tant que je ne présente pas une collection noire et chiante, ça devrait aller.
En revanche, en couture, c'est comme si nous devions tout recommencer. Nouveaux-elles client-e-s, nouvelles attentes. La presse est toujours là, mais elle a aussi envie de changement. Cela m'aurait un petit peu agacé que vous, journalistes, rentriez chez vous ce soir, après ce dernier show de la semaine haute couture, et que vous pensiez : "Peut mieux faire".
Cette place de dernier sur le calendrier, elle est un peu stressante ?
J'ai eu beaucoup plus de pression et j'étais beaucoup plus nerveux que d'habitude.
Mais, quand même, les acclamations à la fin du show ont dû vous rassurer ?
Vous avez été hyper gentil-le-s avec moi. C'est pour ça que j'ai versé quelques larmes lorsque je suis venu saluer. Au début, pourtant, je pensais que j'allais réussir à les contenir.