Vous passez votre vie chez le kiné ou l’ostéopathe ? Vous devriez peut-être consulter un.e (vrai.e) posturologue.

La profession ne figure pas encore au dictionnaire et n'est pas encadrée par la loi, mais elle peut déceler des déséquilibres responsables de bien des maux.

Les effets d’une mauvaise posture sont souvent sous-estimés. Ils sont souvent sujets à l’errance diagnostique. "Les adultes viennent me voir une fois qu'ils ont épuisé toutes les options médicales ou non médicales, sans trouver de solutions pérennes", observe le médecin ostéopathe et posturologue Nicolas Meyer.

La posturologie, une discipline en zone grise

Selon l'auteur du Grand Livre de la posturologie (éd. Eyrolles), cette discipline occultée par la médecine n'est pas plus considérée comme une pratique de bien-être. C’est pourtant une thérapie à la fois préventive et curative.

"Elle s'impose pour les tout-petits qui ont un torticolis congénital ou lorsqu’on détecte des problématiques de structuration posturale qui peuvent évoluer en scoliose. Globalement, on conseille une visite consultative pour tous entre 7 et 11 ans", précise Nicolas Meyer.

"Malheureusement, les mauvais diagnostics ou le manque d'anticipation mènent parfois à des chirurgies qui pourraient être évitées, y compris chez l’adulte", déplore le spécialiste.

Si le corps médical évolue doucement, les médecins généralistes sont encore trop peu sensibilisés à la question.

Plus la personne est sportive, plus l’ajustement postural devra être précis pour éviter les dérèglements, prévient Nicolas Meyer. Le médecin ostéopathe rappelle qu’il vaut mieux vaut consulter dès les premiers signes (douleur récidivante, tendinite à répétition, lombalgiques fréquentes…). "N’attendez pas que l'arthrose soit installée, ou qu’un disque intervertébral soit usé, mieux vaut prévenir", conseille l’expert.

Ce dernier invite à vérifier au préalable la formation de la personne choisie : "certains professionnels de santé n’ont suivi qu'un week-end de training, voire pas de training du tout. La formation de référence en France et le diplôme interuniversitaire de posturologie clinique. Organisé par plusieurs facultés de médecine, il est ouvert aux médecins, kinésithérapeutes, podologues et orthoptistes", détaille-t-il.

Mieux vaut donc choisir son posturologue sur les recommandations d’un spécialiste de confiance, et s’assurer de la formation, de l’expérience ou des références du praticien.

En cas de douleurs chroniques sans explications

La consultation est particulièrement recommandée en cas de scolioses mineures, en complément d’un traitement de kinésithérapie, et de céphalées fonctionnelles, pour soulager les douleurs liées au rachis type sciatique.

Elle permet aussi de prévenir les troubles articulaires et vertébraux liés à une mauvaise posture.

Également concernées, à en croire le podo-posturologue Arnaud Gayraud, les personnes qui souffrent des cervicales, du genou ou du pied, sans accident ni trauma à l’origine des troubles.

"En l’absence de cause évidente, un rééquilibrage postural est recommandé. Une entorse de cheville sera par exemple mieux prise en charge par un podo posturologue", note-t-il.

Le bilan postural, un examen complet pour comprendre l'origine des maux

Clé de voûte de la pratique : le bilan postural. Cet examen complet d’une durée moyenne de 45 minutes (entre 60 à 100 euros selon les régions) commence par le calcul du centre de gravité sur une plateforme de stabilométrie.

Il passe ensuite à la loupe les capacités d’équilibre sur ses pieds, l’alignement du corps à la verticale, la perception visuelle de l’espace environnant, la prise d’appui plantaire ou encore la mâchoire.

Le posturologue est alors en mesure de prescrire un traitement postural, parfois en orientant vers un podologue pour la fabrication de semelles, vers un orthoptiste pour rééduquer les muscles oculomoteurs, voire un oto-rhino-laryngologiste (ORL) pour le versant oreille interne.

Au niveau de la mâchoire, l’occlusodontiste peut poser sur certaines dents des morceaux de résine (les ALF) qui stimuleront une région précise de la bouche, ou proposer une gouttière.

Posturologie : un traitement par palier

En posturologie, la structure musculo squelettique est souvent comparée à un mille-feuilles de compensations : au fil des années, le corps s'organise pour fonctionner en intégrant des déséquilibres profonds.

Douleurs, vertiges, maux de tête, tensions musculaires impactantes… les signaux d'alerte surviennent quand le corps atteint ses limites en termes d'adaptation.

"Le bilan postural décortique la logique de réaction adoptée par le corps, qui exprime généralement des priorités de zones à traiter", explique Arnaud Gayraud. Un suivi s’impose alors auprès du posturologue pour résoudre les déséquilibres l’un après l'autre.

Une meilleure posture diminue les douleurs et la prise de médicaments

Les rééquilibrages réussis abaissent considérablement, voire totalement les douleurs, donc la prise de médicaments, indique Nicolas Meyer. Exemples ? Adapter un certain type de semelles sur un patient sujet aux lumbagos harmonisera les courbures et repartira les sollicitations mécaniques au niveau des différents disques lombaires.

Une rééducation oculaire viendra à bout de certaines douleurs induites par des tensions entre les épaules. "Il suffit de passer sous un certain seuil de compensation posturale pour que les douleurs disparaissent, même si le problème n'est pas totalement réglé. La posture parfaite n'existe pas ; il s’agit de revenir à un équilibre global acceptable pour le corps", nuance l’ostéopathe.

Résultat : une amélioration progressive de la qualité de vie, notamment car le patient, qui a moins mal, fait plus de sport. Et inversement ! "Remettre (intelligemment !) le corps en mouvement atténue les douleurs et rééquilibre le fonctionnement global du corps ; un cercle vertueux s’installe", décrit le posturologue. 

Prendre soin de sa posture : un apprentissage 

Trouver la bonne semelle ou le bon appareillage ne suffit pas. "Nous instaurons la meilleure configuration posturale possible mais le patient doit travailler en parallèle, et après", abonde Arnaud Gayraud.

"Un yoga adapté ou la gymnastique posturale permettront de relâcher certaines chaînes musculaires, ce qui diminuera la perturbation de stabilité". Nicolas Meyer recommande toutes les activités physiques qui favorisent la conscientisation du corps dans l'espace et la coordination droite gauche (tai chi chuan, escalade, yoga, piano, danse).

"Prendre soin de sa posture, c'est une prise de conscience, notamment sur notre manière de vivre au quotidien", complète Muriel Gélin, ostéopathe et auteure de l’excellent blog Adapter son yoga. "Il y a beaucoup d'idées reçues", dit-elle, citant cette patiente qui tenait toujours sa tête en avant comme une tortue, tel que sa grand-mère le lui avait appris afin de ne pas avoir de rides sous le menton !

L’ostéopathe, qui propose des vidéos de gymnastique posturale, conseille des disciplines comme le Pilates, le stretching postural où certains yogas posturaux du type Iyengar qui insiste sur les positionnements corrects.

"Je n'aime pas trop les normes de positionnement, je préfère proposer un travail conscient qui s'adapte au corps de chacun", indique la pro. Muriel Gélin estime qu’une éducation à grande échelle serait nécessaire pour sensibiliser le public au sujet : "Nous devons cesser d’être le simple habitant d'un corps pour devenir acteur de notre santé".

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