Longtemps reléguée au rang de relique capillaire, la permanente signe, depuis quelques années maintenant, son grand retour… Chez les hommes.
Un retour fracassant — et inattendu — que les coiffeurs.ses constatent largement dans leurs salons de coiffure. Mais comment est-elle arrivée du côté des hommes ? Décryptage d'une nouvelle tendance capillaire désormais hautement masculine.
Les années 80, heures de gloire de la permanente
"La permanente est une pratique qui a toujours existé en coiffure", indique Sabine, coiffeuse dans la capitale depuis 1988 et responsable du Salon Y. Inventée en 1906 par le coiffeur allemand Karl Nessler, elle promet aux femmes des ondulations durables à l’heure où la coiffure reste l’un des rares territoires d’expression féminine.
"À l’époque, c’était un incontournable. Les femmes en faisaient régulièrement, presque religieusement." Puis, la vague s’est retirée, doucement mais sûrement. Le début des années 2000 a signé la fin des chevelures bouclées : "C’était la mode des coupes ultra-lisses, ultra-effilées. Pas de volume, pas de frisottis. C’était l’ère de la tecktonik, des garçons aux mèches plaquées, et des filles aux longueurs raides comme des baguettes”, se remémore la coiffeuse.
La permanente, dans ce nouveau paysage esthétique de l’époque, devient alors anachronique. "Même si elle faisait encore partie des examens de coiffure, les jeunes professionnels n’avaient plus envie de la pratiquer. Ce n’était plus valorisé, ni demandé." Ce désamour progressif, doublé d’un renouvellement générationnel du côté de la clientèle – "les mamies fidèles aux mises en plis régulières ont, pour beaucoup, disparu" – a participé à effacer la permanente des cartes des salons de coiffure.
La "modern perm" ou la renaissance de la permanente 2.0 chez les hommes
Mais à l’instar de la mode, la beauté est un cycle. Et ce qui disparaît ne meurt jamais vraiment. La permanente revient désormais transformée, portée par une nouvelle génération qui célèbre les cheveux texturés. Mais surtout, par de jeunes hommes fortement influencés par les célébrités du moment : Timothée Chalamet, Paul Mescal, Jeremy Allen White ou encore les stars des groupes de K-Pop, ultra influentes ces dernières années.
TikTok s’empare également du sujet. Des tutoriels fleurissent, des jeunes hommes coréens, américains et français arborent fièrement leurs boucles chimiquement créées. Mais attention, pas question de ressusciter la permanente de nos grands-mères : on parle maintenant de "modern perm", une coupe aux boucles souples et légères.
"Dans notre salon, les demandes de permanente proviennent essentiellement d’hommes", atteste la professionnelle. "Il y a une vraie tendance, surtout autour de la coupe mulet bouclée, ou celle où seulement le dessus est bouclé et les côtés très courts. C’est très en vogue."
Le public ? "Cela oscille de 18 à 35 ans, avec une majorité de jeunes adultes, mais nous avons aussi quelques clients un peu plus âgés." Ce n’est plus une exception, c’est devenu un rendez-vous régulier : "Il y a des semaines où on en fait cinq, parfois plus. Il y a même des périodes durant lesquelles on en fait quasiment tous les jours."
Des hommes de plus en plus libérés des codes toxiques de la masculinité ?
Ce regain d’intérêt du côté des hommes n’est pas un hasard. Il met en lumière une nouvelle génération qui ne se refuse pas la coquetterie — autrefois jugée suspecte chez les hommes, aujourd’hui revendiquée et assumée. "Les hommes sont coquets, presque plus qu’avant", constate Sabine. "Ils sont très nombreux à programmer leur prochain rendez-vous, tous les deux ou trois mois, parfois plus souvent. Et ils prennent vraiment soins de leurs boucles ! Ils achètent les produits nécessaires, font leur routine capillaire assidûment."
Un tournant notamment possible grâce aux réseaux sociaux, où des créateurs de contenus tels que Matteo Sinet ou encore Yanis Serbout mettent en avant des soins visage et cheveux, démocratisant ainsi la pratique du skincare du haircare même chez les hommes.
Mais le numérique ne fait pas tout. Ce retour de la boucle s’ancre aussi dans le réel : "C'est aussi une affaire de bouche-à-oreille", poursuit l’experte. "Ils ont des copains aux cheveux bouclés, ou des amis qui ont tenté la permanente — alors ils se lancent eux aussi. Et quand le résultat est là, l’engrenage est lancé : en général, s’ils sont contents, ils recommencent."
Ce phénomène résonne finalement avec un mouvement plus large : celui d’une redéfinition des codes de la masculinité. Se boucler les cheveux n’est plus une entorse au genre, mais un simple geste d’expression.
Un processus moins contraignant
Trente ans plus tard, le processus a heureusement changé. Les boucles sont plus raffinées, le résultat est moins aléatoire et surtout, les heures chez le coiffeur se sont réduites. "Il faut compter environ 1 h 30 pour en réaliser une", indique la pro.
En revanche, les règles n’ont pas beaucoup évolué : l’état des cheveux joue un rôle important et il est généralement impossible de faire une permanente sur des cheveux colorés, décolorés ou très abîmés. Les hommes et leurs chevelures souvent dénuées de procédés chimiques (colo, décolo...) seraient peut-être finalement les meilleurs candidats pour une permanente réussie.