Si les attentes des consommatrices en matière d'éthique et d'écologie ont dynamisé le marché du soin ces dernières années, la parfumerie traditionnelle semble également commencer à les entendre.
Certaines sont en quête de senteurs moins artificielles, sans molécules de synthèse ou sans alcool. On se tournent donc vers des marques proposant des parfums réalisés à partir d'ingrédients naturels ou bio. Mais réaliser ces fragrances est une prouesse car les gammes de notes sont réduites, les matières premières naturelles sont plus chères que celles de synthèse, et les sillages généralement moins puissants mais agréablement singuliers.
Seulement 500 notes "naturelles"
Dénués d’ingrédients synthétiques – exit conservateurs, huiles minérales, parabens, phtalates et agents fixateurs – les parfums bio sont généralement réalisés à partir d’une base d’alcool bio obtenue par fermentation du blé.
Les essences et huiles essentielles qu’ils renferment sont issues des plantes par des procédés d’extraction les moins dénaturants possibles : pression à froid pour les agrumes, vapeur d’eau pour la lavande, extraction au CO2 supercritique pour la vanille.
"Dans la parfumerie traditionnelle, les nez ont un orgue de près de 5000 notes réduit à seulement 500 pour la parfumerie naturelle", explique Christian David, fondateur de la marque Honoré des Prés. Certaines, qui n’existent qu’en ingrédients de synthèse, sont donc difficiles à reproduire.
"Élaborer un parfum est bien plus contraignant que de mettre au point une crème, explique Marc Follmer, pharmacien et directeur général de Weleda. L’origine des matières premières est cruciale et il faut s’assurer que la quantité des huiles essentielles sera suffisante, avec la qualité qu’on veut, pour créer une fragrance"
Les matières premières naturelles utilisées sont aussi parfois dix fois plus chères que celles de synthèse. Le matériel doit être spécifique à la production bio et le lieu validé par un label.
Certaines marques, comme Honoré des Prés, font labelliser les différentes étapes de la création olfactive : ses élaborations de concentrés certifiées Ecocert sont ensuite revalidées par l’organisme après macération naturelle. Ou encore Weleda, dont le label Natrue veille à ce que les plantes soient cultivées sans pesticides.
Un compromis entre matières naturelles et synthétiques
Chez d'autres, on a opté pour de justes compromis : on privilégie par exemple les matières premières responsables sans s'interdire totalement le synthétique, car toutes les senteurs, marines notamment, n'ont pas d'équivalent naturel – c'est le cas d'Essential Parfums ou de Sillages Paris.
Le Couvent des Minimes, de son côté, affiche désormais des formules à 94 % naturelles portées par la direction artistique de Jean-Claude Ellena, ex-Hermès. "On a supprimé une cinquantaine de molécules synthétiques suspectes et on s'interdit les matières premières protégées. Enfin, nos parfums n'ont ni matières premières animales ni matières premières obtenues en exploitant des animaux", décrit Marie-Caroline Renault, directrice générale de la maison.
On travaille également sur des parfums plus accessibles financièrement. "Aujourd'hui, on veut consommer moins et savoir ce pourquoi on paie. De préférence pas une égérie ou un packaging non recyclable", analyse Pascale Brousse.
Gare aux allergies
Même encadrées par l’INFRA (International Fragrance Association), qui détermine le volume des ingrédients, qui dit fragrances naturelles ou bio n’exclut pas des risques d’allergie : "Par exemple, une huile essentielle de bergamote contient des bergaptènes – photo- sensibilisants – quand un parfum traditionnel a été délesté de ces substances par un processus chimique", explique Serge Majoullier, parfumeur chez Mane.
En revanche, les compositions chimiques renferment des ingrédients comme les phtalates, accusés d’être des perturbateurs endocriniens.