"Le N°5 nous entoure, flotte dans l'air, il est dans notre imaginaire. Il représente le refus de toutes les conventions", poétise Elisabeth de Feydeau dans son Dictionnaire amoureux du parfum (Éditions Plon)*.

Ce jus mythique, le tout premier de la maison Chanel, fête en 2021 son 100ème anniversaire. L'occasion de revenir sur l'histoire d'une légende de la parfumerie. 

"Un parfum de femme à odeur de femme" 

En 1920, Gabrielle Chanel souhaite "créer un parfum inimitable, un parfum comme on n'en a jamais fait, un parfum de femme à odeur de femme" et "qui rendrait jaloux les autres parfumeurs". Mais elle a une autre exigence : que celui-ci soit "un parfum artificiel comme une robe, c'est-à-dire fabriqué".

Un mot définit et résume le N°5 : le mystère. Celui auquel il faut savoir s'abandonner pour en avoir les clefs.

Elle demande alors son aide au nez Ernest Beaux, parfumeur de la cour de Russie. Le créateur lui propose plusieurs effluves qu'elle sent les unes après les autres. Mademoiselle Chanel s'arrête sur l'échantillon N°5 et en conserve le nom qui pour elle sera synonyme de chance. "Je présente ma collection de robes le 5 mai, cinquième jour du cinquième mois de l'année, nous lui laisserons donc le numéro qu'il porte et ce numéro lui portera bonheur", aurait-elle expliqué. 

Le parfum le plus célèbre de l'histoire du luxe voit le jour en 1921.

Une signature olfactive unique au monde 

Il s'agit d'un mélange unique et subtile à base d'aldéhydes, des composés synthétiques qui donnent sa fraîcheur aérienne au parfum. À cela s'ajoutent deux matières premières d'exception : des roses de mai et du jasmin de Grasse. On trouve également de l'ylang ylang et du néroli pour compléter ce bouquet floral. Le fond de l'effluve est boisé grâce au vétiver et au santal. 

"C'est avec les aldéhydes que Chanel révolutionna le sillage des femme, leur donna une présence et de la puissance, en même temps qu'elle fit naître un nouveau schéma olfactif, une composition inimitable et le premier parfum abstrait", résume Elisabeth de Feydeau. Singulier, "il ne renvoie à aucune odeur connue", estime l'historienne du parfum.

"Un mot définit et résume le N°5 : le mystère. Celui auquel il faut savoir s'abandonner pour en avoir les clefs" ajoute-t-elle. 

Un flacon minimaliste

Pour mettre en valeur son parfum et sa couleur ambrée, Gabrielle Chanel opte pour un flacon sobre, mais chic. 

Le format plat, à la manière des flasques à alcool, est conçu pour le mouvement et la vitesse, pour la poche ou la trousse de voyage. Pour la première fois, le double C entrelacé apparaît sur le bouchon. L’étiquette est minimaliste et reprend les couleurs signatures de la maison : le noir et blanc. 

Les bords biseautés apparaissent en 1924, créant une impression de flacon plus imposant, mais toujours aussi élégant. En 2012, le Studio de Création Packaging de la maison décide de l’affiner et de faire évoluer le graphisme de l’étiquette. Celle-ci est désormais plus petite, et la signature N° 5 est mise en avant.

En 1959, l'étui a rejoint la collection permanente du Musée d’Art moderne de la ville de New York. Dans les années 1980, le peintre Andy Warhol lui a également consacré une déclinaison de neuf sérigraphies.

À la conquête des célébrités 

Au fil du temps, un mythe s'est constitué autour du N°5, notamment grâce aux célébrités qui l'ont porté. La plus emblématique reste à ce jour l'actrice américaine Marilyn Monroe, qui en 1954 avoue au magazine Marie Claire ne porter que quelques gouttes de N°5 pour tout vêtement de nuit. 

Catherine Deneuve, Carole Bouquet, Marion Cotillard... De grands noms du cinéma français se sont aussi succédés pour être le visage du N°5 dans les campagnes publicitaires de la marque. Parmi les égéries emblématiques, on compte également Lily-Rose Depp, Nicole Kidman, Lauren Hutton, Audrey Tautou et même l'acteur Brad Pitt.

Aussi, personne n'a oublié le clin d'oeil humoristique fait au parfum de luxe en 1993 dans le film au succès phénoménal Les visiteurs, avec Jean Reno et Christian Clavier. Les deux acteurs, qui incarnent respectivement les personnages de Godefroy de Montmirail et Jacquouille la Fripouille, en vide un flacon de près d'un litre dans un bain. Une scène devenue aussi culte que le parfum lui-même.

Un parfum, cinq déclinaisons 

Après Ernest Beaux, trois parfumeurs se sont succédés pour perpétuer l'héritage du N°5 : Henri Robert, Jacques Polge et Olivier Polge. "Préserver N°5 est une attention permanente", concède le Parfumeur Créateur de la maison depuis 2015. 

Au fil des années, le N°5 a ainsi pu se réinventer à travers cinq déclinaisons :

N°5 L'Extrait par Ernest Beaux (1921)

N°5 Eau de Toilette par Ernest Beaux (1924) : plus boisée que la fragrance originelle, elle se distingue par les inflexions sèches et nerveuses du vétiver, que contrebalance la senteur profonde du santal. Ces deux notes boisées viennent soutenir le bouquet floral (jasmin, rose et ylang-ylang) rehaussé des aldéhydes propres au N°5. L’Eau de Toilette marque également sa différence par un sillage moins capiteux que l’Extrait.

N°5 Eau de Parfum par Jacques Polge (1986) : dans cette composition, le bouquet floral aldéhydé est généreux et opulent. Une note de vanille lui confère une signature orientale.

N°5 Eau Première par Jacques Polge (2008) : desmuscs blancs cohabitent avec les aldéhydes développés par Chanel à partir d’essences d’agrumes. Issus de technologies modernes, ces aldéhydes enveloppent le fameux bouquet floral mêlant la rose, le jasmin et l’ylang-ylang. Agrémenté d’une touche de vanille, "le sillage de Eau Première révèle une autre texture, plus proche de la peau, tout en restant très fidèle à N°5", estime Olivier Polge.

N°5 L'Eau par Olivier Polge (2016) : du bois de cèdre dessine un sillage texturé, moins enveloppant que celui des autres interprétations. Eau de toilette florale fraîche, N°5 L'Eau s’ouvre sur un accord d’agrumes (citron, mandarine et orange) que les aldéhydes exaltent au maximum. Rose et jasmin se mêlent a` une qualité fractionnée inédite d’ylang-ylang. 

* Disponible sur Place des libraires ou Amazon.

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Gabrielle Chanel photographiée par François Kollar (Harper’s Bazaar, États-Unis, 1937)

François Kollar / Harper's Bazaar / Presse Chanel
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Lithographie du N°5 de Chanel vu par le dessinateur Sem (entre 1921 et 1924)

Sem / Presse Chanel
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Marilyn Monroe photographiée par Bob Beerman avec un flacon du N°5 de Chanel (1953)

Presse Chanel
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Lauren Hutton photographiée par Richard Avedon pour la campagne publicitaire N°5 de Chanel (1968)

Richard Avedon / Presse Chanel
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Catherine Deneuve photographiée par Richard Avedon pour la campagne publicitaire N°5 de Chanel (1972)

Richard Avedon / Presse Chanel
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Carole Bouquet photographiée par Michel Comte pour la campagne publicitaire N°5 de Chanel (1987)

Michel Comte / Presse Chanel
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Marion Cotillard photographiée par Steven Meisel pour la campagne publicitaire N°5 de Chanel (2020)

Steven Meisel / Presse Chanel
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Nicole Kidman photographiée par Patrick Demarchelier pour la campagne publicitaire N°5 de Chanel (2006)

Patrick Demarchelier / Presse Chanel
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Le design des flacons du N°5 de Chanel à travers les années

Presse Chanel
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Flacon du N°5 de Chanel (1921)

Presse Chanel
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Flacon du N°5 de Chanel (1924)

Presse Chanel
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Flacon et boîte du N°5 de Chanel (1924)

Presse Chanel
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Flacon et boîte du N°5 de Chanel (1950)

Presse Chanel
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Flacon et boîte du N°5 de Chanel - Édition limitée (2015)

Presse Chanel
[Dossier] Les parfums Chanel - 3 articles à consulter
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