Se souvenir, toujours, de celles qui ont osé défier l’ordre établi pour que l'on acquiert nos droits. Parmi ces pionnières : Olympe de Gouges, née Marie Gouze en 1748. Femme de lettres, celle qui était honorée lors de la cérémonie d'ouverture de Jeux Olympiques de Paris, aux côtés de neuf autres "femmes en or", est considérée comme la première féministe française. 

Le 28 octobre 1791, elle marque l’histoire de France et l’histoire des femmes en montant à la tribune de l’Assemblée nationale pour présenter la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, qu’elle a elle-même rédigée.

Des engagements divers

"Femme, réveille-toi !" Ce sont les mots d’Olympe de Gouges, une veuve et mère qui quitta sa province natale pour s’établir à Paris en tant que femme de lettres. Au fil des salons littéraires qu’elle fréquente, elle peaufine sa plume et son esprit militant. 

Pièces de théâtre pour dénoncer l’esclavage, pamphlets et discours pour critiquer une société qu’elle juge inégalitaire, Olympe de Gouges entend faire résonner sa voix et ses idées. Homme ou femme, elle affronte quiconque oserait entraver sa liberté, allant même jusqu’à provoquer en duel un chroniqueur qui refusait de rendre compte de ses œuvres, comme nous l’apprend Élisabeth Roudinesco dans un article publié sur l'encyclopédie en ligne Universalis

La Révolution française encouragea l’écrivaine à pousser plus loin encore ses revendications, alors que les hommes se battent pour leurs droits, tandis que les femmes restent largement exclues des grands débats politiques.

Une réponse à l’exclusion des femmes

Le 26 août 1789, l’Assemblée nationale adopte la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Pour Olympe de Gouges, il s’agit d’une injustice criante. Il ne lui en fallut plus pour s'emparer de sa plume et publier, en septembre 1791, la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne. 

Avec une audace incroyable pour l’époque, elle reprend la même structure que le texte initial, qui compte dix-sept articles, suivis d’une proposition pour un nouveau contrat social entre les hommes et les femmes. 

La femme naît libre et demeure égale à l'homme en droits.


L’autrice y introduit des revendications inédites : l’égalité entre les sexes devant la loi, le droit des femmes à participer à la vie publique, à voter, à être élues et à exercer des fonctions politiques.

Les prémices d’une émancipation

Olympe de Gouges adresse sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne à Marie-Antoinette, encore reine. Dans le préambule, elle écrit : "Cette Révolution ne s'opérera que quand toutes les femmes seront pénétrées de leur déplorable sort et des droits qu'elles ont perdus dans la société. Soutenez, Madame, une si belle cause ; défendez ce sexe malheureux et vous aurez bientôt pour vous une moitié du royaume et le tiers au moins de l'autre." 

Son article premier clame haut et fort : "La femme naît libre et demeure égale à l'homme en droits." Ici, il n’est plus seulement question de droits, mais bien plutôt d’émancipation globale. Olympe de Gouges ne se contente pas de revendiquer : elle exige. Elle exige une reconnaissance sociale de la femme en tant qu’être humain à part entière, capable de disposer de son corps, entre autres.

Une pensée trop révolutionnaire pour l’époque

À l'article 10 de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, Olympe de Gouges écrit cette phrase prémonitoire : "Une femme a le droit de monter à l'échafaud, elle doit avoir également celui de monter à la tribune."

Le 28 octobre 1791, Olympe de Gouges parvient à monter à la tribune de l’Assemblée nationale pour présenter et défendre son texte. Mais elle se heurte à des hommes très conservateurs qui refusent de l’écouter.

Le Soir, quotidien francophone belge, rapporte que Pierre-Gaspard Chaumette, procureur de la Commune de Paris, aurait qualifié l’écrivaine d’impudente, de virago, de femme aux allures d’homme. Puis, dans un discours adressé aux femmes révolutionnaires, l’homme leur aurait déclaré : "Vous sentirez que vous ne serez vraiment intéressantes et dignes d’estime que lorsque vous serez ce que la nature a voulu que vous fussiez."

Arrêtée comme girondine (groupe politique siégeant à l'Assemblée, puis à la Convention nationale au cours de la Révolution française) en 1793, Olympe de Gouges est condamnée à mort pour ses activités et ses publications. Elle est exécutée le 3 novembre 1793, après avoir demandé à la postérité de se souvenir d'elle et de l'action qu'elle avait menée en faveur des femmes.

Un héritage intemporel

Olympe de Gouges n’aura pas vu son combat aboutir. Pourtant, elle a ouvert la voie et guidé les féministes contemporaines. La Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne est redécouverte au XXe siècle. Elle inspirera des écrivaines comme Simone de Beauvoir, qui en 1949 rédige Le Deuxième Sexe.

Les droits revendiqués par Olympe de Gouges ne verront officiellement le jour en France qu'à partir de 1944, avec l'obtention du droit de vote, puis la loi Veil, relative à l’IVG en 1975.