Ces dernières années, le rôle du microbiote intestinal sur la bonne santé générale a été largement documenté.

Cet écosystème complexe d’un à deux kilos comportant des milliards de micro-organismes est même considéré comme un organe à part entière. Il influe sur les maladies auto-immunes, les cancers, les maladies neurologiques, ainsi que la digestion, le poids ou encore la glycémie.

Si certaines bactéries qu’il abrite peuvent causer des pathologies, d’autres sont essentielles pour notre bonne santé. Tout l’enjeu repose sur leur équilibre et leur biodiversité qui, s’ils ne sont pas respectés, fragilise le microbiote intestinal et donc, la santé, dans sa globalité.

Pour pallier ce problème lorsqu’il se présente, nombreux sont celles et ceux qui vantent les bienfaits des probiotiques, sous forme de compléments alimentaires. Il faut dire que le marché est florissant : le magazine UFC-Que Choisir chiffre les ventes entre 38 et 68 milliards d’euros par an entre 2017 et 2025.

Mais veulent-ils réellement du bien à notre microbiote intestinal ?

Probiotiques : comment servent-ils à notre microbiote ? 

À ce jour, une centaine d’études ont été réalisées sur certaines souches de probiotiques dans certaines situations. Mais, "on ne sait pas grand-chose des effets des probiotiques", annonce d’emblée Julien Scanzi, gastroentérologue au centre hospitalier de Thiers et au CHU de Clermont Ferrand.

En 2001, l’OMS a défini ces compléments alimentaires comme des "micro-organismes vivants qui, lorsqu’ils sont ingérés en quantité suffisante, exercent des effets positifs sur la santé, au-delà des effets nutritionnels traditionnels".

Certaines études ont en effet avancé l’intérêt des probiotiques, notamment pour l’amélioration du transit ou la digestion du lactose.

D’après Julien Scanzi, l’indication qui rassemble le plus de preuve de son efficacité est la prévention contre la diarrhée. "Prendre des probiotiques quand on prend des antibiotiques présente moins de risque d’avoir la diarrhée et d’abîmer le microbiote", assure l’auteur de Incroyable Microbiote : voyage au cœur des étonnants pouvoir de l’intestin (Ed Leduc S). 

Une complexité de chaque organisme à prendre en compte 

Certaines souches seulement ont en effet été validées et les chercheurs et scientifiques ne sont pas tous d’accord.

Pour certains professionnels, aucune souche ne se distingue par ses résultats positifs. "Les données issues de décennies de recherches sur l’efficacité des probiotiques dans la prévention et le traitement des maladies demeurent contradictoires, controversées et déroutantes", indiquent les auteurs d’une synthèse publiée dans la revue Nature Medicine.

Il faut dire que le travail est ardu : chaque microbiote est composé différemment et répond à sa manière aux micro-organismes qui se présentent à lui. Ainsi, si un probiotique fait des miracles sur une personne, il sera inefficace pour une autre.

Que disent les réglementations ? 

À cette complexité de l’organisme s’ajoute celle sur le plan réglementaire. Jusqu’à présent, en France, et contrairement à d’autres pays européens, il n’y avait aucune possibilité de parler de probiotique, "seuls Danone et Activia pouvaient utiliser ce terme", rappelle Julien Scanzi.

Mais, cette année, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) s’est positionnée sur le sujet et a changé sa doctrine : le terme "probiotique" est désormais autorisé sous certaines conditions, notamment pour qu’il soit utilisé en tant que "nom de catégorie" et associé à une mention sur "l’équilibre de la flore intestinale". 

Toutefois, ces compléments alimentaires ne peuvent pas se présenter comme étant bénéfiques pour la santé. Pour cela, il faudrait obtenir l’autorisation de l’Agence européenne de sécurité des aliments (Efsa). Et cette demande a toujours été rejetée jusqu’à ce jour, par manque de preuves suffisantes.

En effet, si certaines souches des probiotiques sont bien évaluées lors d’études cliniques, la plupart des probiotiques commercialisés n’ont jamais été évalués scientifiquement. "Ça ne veut pas dire qu’ils ne sont pas efficaces", nuance toutefois Julien Scanzi. "Le problème c’est que prouver leur efficacité coûte des milliers d’euros, et l’industrie pharmaceutique n’investit pas de telles sommes pour des compléments alimentaires", résume notre expert.

Pour mesurer l’ampleur du sujet, il faut comprendre que seuls quatre genres de bactéries peuvent être érigées comme des probiotiques : les Lactobacilles, Bifidobactéries, Streptocoques et Lactocoques. Chacun comporte des milliers d’espèces et de souches différentes, et chaque souche a des propriétés précises, qui influent sur le corps d’une façon particulière.

Probiotiques : dans quel contexte en consommer ?

Les consommateur.rice.s qui souhaitent tenter l’expérience gagneraient à savoir que les probiotiques ne leur sont pas nécessairement utiles.

"Quand tout va bien, qu’une personne est en bonne santé, qu’elle a une bonne hygiène de vie, il n’y a aucune preuve scientifique pour dire que ce serait bénéfique pour elle d’en consommer", détaille Julien Scanzi.

Prendre soin de son microbiote intestinal peut aussi passer par certaines habitudes saines du quotidien, notamment une alimentation équilibrée et riche en fibres. Les micro-organismes vivants existent déjà dans certains produits fermentés, comme les yaourts ou le kombucha. En consommer davantage participe au maintien de la richesse de la biodiversité microbienne.

Julien Scanzi précise tout de même qu’il existe des études chez les enfants en bonne santé. "Le fait de prendre des probiotiques en période hivernale pendant plusieurs mois va leur permettre de moins développer de maladies de saison", précise le gastroentérologue.

Ainsi, l’idéal est de s’adresser à un médecin ou pharmacien informé des études liées aux probiotiques pour être correctement redirigé vers les bons compléments alimentaires lorsque l’on souhaite s’en procurer et donc, de ne pas se fier aux multitudes publicités ventant les bienfaits de leurs produits sur le microbiote.

À savoir qu’il ne sert à rien de s’éterniser avec le même produit. "S’il n’y pas d’amélioration en trois semaines ou un mois, il faut changer", avance Julien Scanzi, avant d'appuyer : "Nous n’avons pas de preuve qu’une personne qui prend des probiotiques ira mieux qu’une autre".