Selon l’enquête de l’association Consentis réalisée en 2018, 57% des femmes disent ne pas se sentir pas en sécurité seules en milieu festif et 60% avoir été victimes de harcèlement ou d’agression sexuelle.
Quelques questions à Camille Mathon, qui coordonne "Main Forte", dispositif de prévention des violences de genre en milieu festif de l’association La Petite.
Des bénévoles qui interviennent en binôme
Marie Claire : Comment avez-vous décidé de lancer "Main Forte" ?
En 2021, sous l'impulsion d’Octopus, la Fédération des musiques actuelles en Occitanie, des festivals ont réfléchi avec nous à comment mieux accueillir le public. Notamment sur la réduction des risques. Et on a eu l'idée de ce dispositif pour intervenir contre les violences sexuelles, inspiré de l’initiative montréalaise Pluri. Il y a eu une transmission avec une membre de Pluri et on l’a déployé avec La Petite.
Les festivals (Les Siestes, le Rose Festival, Girls Don’t Cry, Le Week-end des Curiosités, Convivencia, Heures de pointe, Women Metronum Academy, Bricks Festival...) font partie du comité de pilotage.
Notre association recrute chaque année 20 bénévoles formé·es pendant cinq jours. On en a formé 75.
Il y a toujours des grands festivals qui ne mettent pas de protocole en place ou programment des artistes accusés de violences sexuelles.
Quels sont les réflexes transmis à vos équipes pour intervenir en cas d’agression ?
Notre priorité, c'est que les personnes concernées comme les bénévoles soient le plus safe possible. Cela commence par de la désescalade. On encourage les bénévoles quand ils et elles s’en sentent capable à intervenir. Et à toujours être en binôme. On essaye de discuter quand c’est possible, d'être sur la transformation des comportements. L'exclusion arrive en dernier recours. On peut aussi demander aux membres de la sécurité de garder un œil sur des personnes qui seraient susceptibles de commettre des agressions.
Les bénévoles sont entrainé·es à écouter les victimes, à les prendre en charge, à les orienter vers des psychologues formé·es, les informer sur leurs droits en justice... On essaie de faire en sorte que la personne puisse quitter le stand en ayant en tête les étapes suivantes. Parfois, cette étape est juste de retourner danser et on peut l’accompagner sur la piste.
Des festivalières et festivaliers qui ont besoin d'écoute
Quels types de violences sexistes et sexuelles observez-vous dans les festivals ?
On se rend compte que la majorité de l'intervention ne porte pas sur des violences sur le moment. Même si cela va jusqu'à des agressions sexuelles sur lesquelles nous intervenons - mais cela reste marginal. Il y a beaucoup de personnes qui viennent au stand pour être écoutées sur des faits qui se sont produits dans le passé. Il y a toujours un binôme qui est au stand et un ou plusieurs en maraude. Le principal de l'action, c'est de la sensibilisation : aller vers le public, se présenter. On est en train de mener une étude d’impact pour connaître les effets sur les publics et les équipes notamment.
On a beaucoup parlé de soumission chimique, notamment avec l’affaire des piqûres...
Cela fait très peur mais c'est vraiment très marginal, le GHB/GBL se retrouve finalement très peu dans les cas de violences sexuelles, beaucoup moins que l’alcool par exemple. Mais le plus gros problème, ce sont les violences elles-mêmes. Je ne voudrais pas que l’on tombe dans la culpabilisation des victimes.
Formation, sensibilisation, mais programmation d'artistes acccusés
Pensez-vous qu'il y a assez de prévention dans les festivals ?
Il y a des obligations : toutes les structures financées par le ministère de la Culture, dont le Centre National de la Musique, doivent se former au moins une journée sur les violences sexuelles. Mais il y a toujours des grands festivals qui ne mettent pas de protocole en place ou programment des artistes accusés de violences sexuelles.
Les organisateurs de festivals n'ont pas de responsabilité pénale par rapport aux violences sexuelles qui pourraient se passer dans leur public, mais, de mon point de vue, on a une responsabilité morale de faire notre maximum pour que nos publics soient en sécurité.
La formation des équipes est primordiale parce qu’il y a une tendance à parfois vouloir mettre des petits pansements visibles comme des affiches et inviter une équipe de bénévoles à faire le boulot. Mais quand en interne les équipes ne sont pas bien traitées, c’est problématique.
Êtes-vous êtes en lien avec d'autres associations en France ?
Oui, avec Safer qui a un dispositif national, avec des psychologues et des bénévoles qui interviennent auprès des victimes. Il y a aussi Les Catherinettes à Nantes. À ma connaissance, avec Main Forte, on est le seul dispositif dans lequel les membres sont formé·es durant cinq jours.
Quels sont vos projets ?
Nous aimerions essaimer ce dispositif : que sur d'autres territoires, des festivals s'associent pour monter des interventions similaires. On pourrait assurer la formation des équipes au moins la première année.
Vous militez pour que vos équipes d’intervention ne soient plus uniquement bénévoles ?
Oui, au départ, nos membres étaient bénévoles, mais désormais sur les gros festivals (plus de 10 000 personnes par soir) comme le Rose Festival, iels sont rémunérées : iels sont professionnel·les, ont développé les compétences et leur mission de soin est ainsi reconnue, valorisée.
Vos équipes ont-elles un suivi psychologique pour le traumatisme vicariant ?
Il y a un groupe d'analyse de pratiques animé par une psychologue deux fois par an. Il y a des briefs et des débriefs à chaque début et fin de shift les soirs d’intervention. Les coordinatrices sont aussi supervisées par une psychologue. Et il y a un binôme de "care" disponible pour être dans le soin, pour parler de l'émotionnel, mais ce n'est pas un suivi psychologique professionnel. C'est un des enjeux sur lequel on peut progresser : prendre soin des équipes.
Le programme reste très fragile puisque c'est un projet déficitaire aujourd’hui.
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