Des godillots de rando, une veste Gore-Tex, un short, un pantalon de trail multi-poches et des lunettes polarisées Oakley… Non, ce n’est pas le contenu d'un sac à dos pour un trek dans les Pyrénées, mais la silhouette qui s’impose de plus en plus dans les manifestations musicales.

À We Love Green, pionnier des festivals durables en France, on se veut à l’avant-garde de ce changement de paradigme stylistique via, cette année, une collaboration avec la marque technique Salomon, qui déploie tout un écosystème expérientiel : un charm's bar pour customiser ses baskets, un atelier de recyclage de plastique et même un running club dominical en collab avec Strava. Et ce n’est pas le seul festival concerné.

Salomon est l'un des spécialistes del'esthétique gorpcore

Du bohème au gorpcore, une bascule stylistique

Oubliées les silhouettes bohèmes de Vanessa Hudgens à Coachella ou les dégaines néo-rock à la Kate "Glastonbury" Moss : les cool kids qui arpentent les rendez-vous de la pop culture à ciel ouvert ne jurent plus que par le streetwear technique, les matières respirantes, les bananes oversize et les sneakers de randonnée. Bref, du pratique, de l’outdoor, le tout conjugué à une partition urbaine subtilement dopée aux références néo-futuristes.

Le phénomène a un nom : le gorpcore – contraction de G.O.R.P. ("Good Old Raisins and Peanuts"), le snack favori des randonneurs, et de normcore. D’autres l’appellent tout simplement "slow hiking" ou "quiet outdoor", en référence au fameux quiet luxury qui a dominé les tendances du prêt-à-porter pendant quelques saisons.

Popularisé dès 2017, puis amplifié par la pandémie, le mouvement gorpcore a infusé le vestiaire urbain grâce à une alliance inédite entre obsession sneaker, tendance de niche biberonnée à TikTok et besoin croissant d’ancrage, de retour aux sources. Résultat ? Un look "rando stylée" devenu mainstream, des podiums aux festivals, moins futile que révélateur d’un glissement générationnel et culturel profond, porté par des marques devenues totémiques.

De Salomon à Stanley, les nouveaux rois des festivals

Salomon, Klättermusen, Arc’teryx, On Running… Autrefois réservées aux alpinistes ou aux traileurs confirmés, ces griffes squattent désormais les grandes célébrations festives de l’été, à la faveur de silhouettes faussement nonchalantes qui jouent volontiers la carte de la contradiction.

Entre praticité affirmée et esthétique normcore assumée, ce mélange des genres reflète l’obsession contemporaine pour l’hybridité. Soit le don d’être à la fois prêt-e à affronter une tempête (même sous 28 °C) devant un concert de Charli XCX, et parfaitement habillé-e pour le prochain TikTok posté entre un stand de "flash tattoo" et un shop de sandwichs vegan. Côté accessoires, ce ne sont plus les it bags, mais des objets dignes d’une virée en camping qui ponctuent ces silhouettes mi-festives, mi-survivalistes. À l'image des gourdes Stanley ou Hydroflask adoptées en masse par les festivalier-ère-s.

L’écho d’une mutation générationnelle

Plus qu’une question de style, c’est finalement une mutation socioculturelle que traduisent en filigrane ces nouvelles silhouettes. De l’allure à la performance, de l’apparat à la technique, le vêtement devient un outil d’expression non genré, accessible, adaptable et, surtout, libre — à l’image d’une jeunesse qui préfère les grands espaces aux paillettes, l’intention à la projection. Un statement générationnel en somme, qui trouve dans les festivals une extension douce du quotidien, un sas de décompression où se redéfinissent subtilement les codes du cool : plus émotionnel, plus fonctionnel, mais aussi plus incarné. Ou quand sur fond de fils d’actu anxiogènes et de perspectives d'avenir déprimantes, l’ultra-pratique devient le trait d’union entre impératifs éthiques et aspirations esthétiques.