La pilosité féminine fait partie de ces sujets qui déchaînent les passions. Les derniers clichés d’Emma Corrin - qui se revendique comme étant non-binaire - publiés par Harper’s Bazaar sur Instagram en sont la preuve.
Aisselles poilues levées au-dessus de la tête, l'interprète de Lady Diana dans la série The Crown assume fièrement sa pilosité. Mais il suffit de faire un tour dans l’espace "commentaires" sous les publications du magazine pour se rendre compte que ces poils - dont sont pourtant dotés chaque être humain - posent encore (et toujours) problème. Non pas car ils sont simplement présents, mais parce que c’est une femme qui les porte et les affiche.
"Elle a besoin urgemment de déodorant", "Vous vous souvenez l’époque où c’était cool d’être femme… Arrêtez ça", "C’est tellement sale", "Rase toi s’il te plaît". Voici les quelques commentaires - sexistes - que l’on peut lire sous les publications. Preuve que les préjugés concernant la pilosité féminine persistent dans notre société.
"Les poils sur une femme, c’est sale"
L’un des arguments les plus avancés par les "anti-poils" porte sur le caractère hygiénique des poils. D’après certain.es, une femme avec des poils aux aisselles, aux jambes ou même encore sur le maillot serait sale. Or, “les hommes portent des poils depuis la nuit des temps et cela n’a jamais dérangé personne en termes d’hygiène", note à juste titre Léa Taïeb, co-autrice avec Juliette Lenrouilly de l’ouvrage-enquête Parlons Poil (Éditions Massot).
"Le poil n’est pas hygiénique seulement si on ne le lave pas", rappelle Léa Taïeb. Mieux encore, ils permettent même d’éviter de contracter certaines IST, comme le révèle une étude menée par le département d’urologie de l’Université de Californie en 2016. Ils ont aussi un rôle protecteur et thermorégulateur lors de fortes chaleurs. En retenant la sueur sous les aisselles, ils rafraîchissent davantage le corps.
"Les poils, ce n’est pas féminin"
Autre idée reçue : les poils féminins ne peuvent en aucun cas être associés à la féminité. Une injonction qui provient de l’image régnant autour de la "féminité", induite par le patriarcat. "Une femme qui porte ses poils dérange, car elle trouble la perception générale de ce qu’on appelle la féminité, indique la journaliste. Elle se fait remarquer, elle n’appartient pas à la classe des 'femmes' et on lui retire le droit d’y appartenir".
Selon elle, si le poil est autant considéré comme l’ennemi de la féminité, c’est principalement car pendant des années, les publicités, les magazines et l’industrie pornographique ont perpétué l’image d’une femme sans poils. Il n’y a que récemment que la parole et la représentation de la pilosité féminine se sont libérées, notamment grâce aux réseaux sociaux.
"Une femme avec des poils, c’est moche"
"Notre désamour pour la pilosité féminine est lié à son invisibilisation. Il a été prouvé que plus la société sera exposée à la vue du poil, plus elle aura tendance à s’y habituer voire à l’apprécier. C’est ce qui s’est produit avec les pattes d’eph’ ou les ceintures banane", notent Juliette Lenrouilly et Léa Taïeb dans leur ouvrage.
Ces dernières citent l’artiste-peintre montréalaise Esther Calixte-Béa, qui a pu se libérer de ses complexes concernant sa pilosité grâce à ses peintures mettant continuellement en image des femmes avec des poils.
L’art et la culture oeuvrent de plus en plus pour apporter une représentation juste du corps de la femme et intrinsèquement de ses poils, qui jusqu’au XIXème tendaient à être invisibilés. Main dans la main, la culture, les médias et les réseaux sociaux pourraient alors permettre que les poils ne soient plus qualifiés de "moches", "sales" ou "masculins".
Pour en savoir plus sur le sujet : Les Poils de la colère de Vicdoux.