Voyageons un peu dans le passé et ce, grâce à la cuisine. Les légumes dits aujourd’hui anciens ou oubliés sont des racines ou des plantes, aux noms parfois fantasque, cultivés et consommés par nos aïeuls aux prémices de l’humanité.
Ces légumes (plus trop) oubliés appartiennent le plus souvent à la famille des légumes-racines, ce qui leur confère de multiples qualités nutritionnelles. Souvent consommés en hiver, ils sont prisés pour leurs vertus énergétiques qui permettent de tenir le coup durant cette rude période. De plus, ils sont plus résistants aux gel et aux insectes et conservent plus longtemps.
Légumes anciens, pourquoi les a-t-on oubliés ?
À en croire leur nom, on s'attendrait à les voir sous un monticule de poussière ou au fond d'une caisse. Mais détrompez-vous. S’ils ont été mis de côté pendant un certain temps, oubliés donc, le nouvel intérêt pour les curiosités anciennes les ont fait sortir du placard, et placer aux centres de nos assiettes.
Mais une question s’impose : s’ils ont autant de succès aujourd’hui, pourquoi ont-ils si longtemps disparu de nos placards ?
Pendant longtemps, voire très longtemps, ces légumes trônaient en maîtres sur la sphère culinaire. La plupart d’entre eux ont été oubliés, plus ou moins volontairement, car souvent liés à la pauvreté ou aux périodes de guerre.
Or, quand la mémoire - gustative - tend à s'effacer, les nouveaux palais semblent ravis de redécouvrir ces légumes vintage. Rutabaga par-ci, patate douce par-là, leur nom autant que leur forme et leurs couleurs surannées excitent les papilles. C'est pourquoi depuis plus d'une dizaine d’années, on les retrouve aussi bien sur les étals des marchés, que dans les grands restaurants où les chefs se font un plaisir de les revisiter à toutes les sauces.
Les vertus des légumes oubliés
- Le crosne
Aliment traditionnel de l'Extrême-Orient, notamment nord de la Chine, son nom vient d’une commune de l’Essonne où il fut planté pour la première fois en 1882, tombé en désuétude goût légèrement sucré qui rappelle l’artichaut ou le salsifis, se récolte en novembre, sur les étals jusqu’à mars.
Si sa forme fait penser à une larve ou à une chenille blanche boursouflée, pas très appétissante, il est riche en glucides, en sels minéraux et en protéines, apport calorique faible, proche de celui de la pomme de terre, parfait pour procurer de l’énergie lorsque la bise hivernale balaie rues et campagnes.
- Le chou-rave
Boule blanche, vert pâle ou violette, d’où partent de grandes feuilles implantées en spirales est délaissé en France après la Seconde guerre mondiale pour avoir été un légume de guerre et par ailleurs n’était consommé généralement que par les paysans et les plus pauvres, ce qui a contribué à ternir sa réputation (tout comme le topinambour et la rutabaga).
Star de la préhistoire, il fait ensuite partie des plantes potagères recommandées dans le Capitulaire de Villis au Moyen-Âge. On retrouve chez les chou-raves un petit goût de noisette. Leur période s’étend de mars à novembre.
Il se consomme principalement en hiver, se marie parfaitement avec pommes de terre et carottes, en soupe ou en ragoût. Riche en fibres, minéraux et vitamines C et B9, il stimule le transit intestinal. Son apport calorique reste modeste, mais il est riche en antioxydants grâce aux quantités considérables de caroténoïdes qu’il contient et qui aident à la prévention contre certains cancers. Source de potassium et de calcium, il contribue à une bonne croissance et une bonne santé bucco-dentaire.
- Le topinambour
Il est cultivé pour ses tubercules comestibles (qui ressemblent aux racines de gingembre) depuis fort longtemps, principalement en Amérique du Nord par les tribus amérindiennes bien avant l’arrivée des Européens. Cette racine aux noms variés - artichaut de Jérusalem, soleil vivace (les pétales de sa fleur rappellent ceux des tournesols), poire de terre ou encore truffe du Canada -, est appréciée lors de son exportation en Europe car elle se cultive même en sols pauvres.
Mais aussi vite arrivée, aussi vite délaissée, au XVIIe, sa réputation est supplantée par celle de la pomme de terre. A nouveau très prisée durant la Seconde guerre mondiale, elle est ensuite mise de côté : le topinambour doit sa mauvaise réputation à son utilisation comme nourriture de bétail et son statut d’aliment de disettes et de famines.
Le topinambour, cru comme cuit, est très riche en glucides et contribue donc à une bonne santé intestinale (attention, ici aussi, au risque de flatulences). Pauvre en calories, riche en fibres, ce légume est aussi source d’anti-oxydants et serait donc un préventif contre certains cancers. Le calcium qu’il contient permet de renforcer os et dents et sa vitamine B préserve le système nerveux et prévient contre les maladies neuro-dégénératives.
- Le rutabaga
On a tendance à le confondre avec le navet, mais le rutabaga est un légume-racine de la même famille que le radis. Son appellation, qui vient du mot suédois rotabagge, signifie “racine-boule”. Il est apparu en Scandinavie à la fin du Moyen Âge et était fréquemment utilisé dans la marine pour lutter contre le scorbut. Consommé lui aussi pendant les guerres mondiales, il pâtira de cette réputation désastreuse : on incitait les ménages à le cuisiner sous tous ses aspects, en ragoûts, en soupe, gâteaux, confiture, soufflés, choucroute. Pour la petite histoire, en Allemagne, les menus hivernaux ne comportaient que des plats à base de rutabaga matin, midi et soir. C’est un légume d’automne et d’hiver.
Le rutabaga, peu calorique, est riche en vitamines C et favorise donc le système immunitaire, la formation du collagène. Il est aussi source d’énergie, il permet de contrer la fatigue, de fortifier le système nerveux et permet l'absorption du fer. Ses fibres contribuent au transit intestinal et il est un diurétique naturel. En outre, le rutabaga contient du potassium, bon pour les fonctions musculaires et la pression sanguine.
- Le panais
Racine charnue originaire d’Europe, était déjà utilisé en Rome antique, on en trouve plusieurs évocations dans les écrits de Pline l’Ancien, même si son goût fort le destine plutôt à un usage médicinal. Très prisé pendant le Moyen Âge, ce légume à la peau couleur blanc ivoire et de la forme d’une carotte épaisse, est vite détrôné par la pomme de terre. Mais c’est l’un des rares légumes à être présent sur les marchés presque tout au long de l’année, même si sa consommation est privilégiée en hiver. Mais le panais n’est pas seulement un aliment destiné aux humains, ses feuilles sont aussi utilisées comme plantes fourragères pour nourrir le bétail et servir de fourrage aux lapins.
Le panais, cru comme cuit, a une saveur sucrée très agréable. À cette qualité non négligeable s’ajoute sa composition riche en fibres et en molécules actives qui préviennent contre certains cancers. Source de manganèse et de magnésium, le panais bouilli participe au développement osseux, à la santé bucco-dentaire et joue un rôle dans le bon fonctionnement des muscles et du système immunitaire. Enfin, citons la vitamine B1 qu’il renferme et qui participent à une bonne croissance.
- La carotte blanche, jaune, rouge ou violette
C'est la nouvelle star de nos plats trois étoiles. Aussi étonnant que cela puisse paraître, les toutes premières variétés de carottes étaient blanches. En effet, cette racine qui pousse à l’abri du soleil n’était pas pigmentée. La carotte orange, telle que nous la connaissons, n’a fait son apparition qu’au XVIe siècle, à la Renaissance, suite à des croisements entre carottes blanches et carottes rouges (plus tendres et importées de Syrie) afin d’en faire cadeau au Prince d’Orange en Hollande. Les carottes, qui, lorsqu’elles étaient blanches et donc plus fibreuse et fermes étaient généralement consommées par le petit peuple, font alors leur entrée sur les tables royales et supplantent leurs comparses, jaunes, rouges, violettes et blanches.
La carotte blanche doit sa couleur à l’absence de bêta-carotène, source de vitamine A (plus elles sont colorées, plus elles en possèdent). Elle est plus dure que la carotte orange et possède moins de vitamine C. Sa cousine la carotte jaune possède des qualités nutritives plus avantageuses et, comme la carotte rouge et la carotte violette, est riche en bêta-carotène. En outre, la carotte rouge est source de vitamine E et la carotte violette d'antioxydants puissants.
Bref, plus la carotte est foncée, plus elle est vertueuse ! Par ailleurs, voici notre petit conseil : la majeure partie des caroténoïdes et antioxydants de la carotte (qui aident votre corps à lutter contre les radicaux libres responsables du vieillissement, des maladies cardiovasculaires et de la formation de certains cancers) se concentrent dans sa peau fine et sucrée. Il vaut mieux alors les passer sous l'eau un bon coup et les consommer telles quelles !
- Le raifort
Contrairement aux légumes sur-cités, est une plante cultivée pour sa racine à usage condimentaire. Son nom voudrait simplement dire : “racine forte” mais elle est aussi appelée “racine des Allemands”, à cause de son goût très relevé… Récoltée à partir de septembre et originaire d’Europe de l’Est, sa racine, moulue et transformée en condiment, est souvent utilisée comme substitut à la moutarde. On en trouve sur les tables dès l’Antiquité. Sa présence est même attestée dans le récit de l’Exode, ce qui en fait un aliment incontournable de la Pâque juive. Si Moyen Âge, cette racine aux longues feuilles et fleurs blanches ou jaunes, est utilisée pour lutter contre les rhumatismes, elle tombe peu à peu dans l’oubli.
Le raifort, cette racine qui s’utilise comme condiment, est riche en bienfaits. En cataplasme, il était efficace contre les rhumatismes - et à une autre époque contre le scorbut. Il contribue au renforcement du système immunitaire. C’est aussi un remède naturel puissant contre les sinusites, bronchites et infections urinaires grâce à la présence d'allicine et de sinigrine, des substances antibactériennes. Par ailleurs, une consommation régulière de raifort permet de réguler la tension sanguine.
Et tous les autres...
Mais les légumes anciens c'est aussi des curiosités moins connues.
Le cardon et le salsifis sont favorisés pour leur richesse en fibres. La courge butternut, de la famille des cucurbitacés, connue pour sa saveur douce et sa chair tendre, est source d’antioxydants et de vitamines A et C. Le chou daubenton et le chou kale sont riches en protéines, fer et minéraux. Le cerfeuil tubéreux, dont les racines sont prisées pour leur saveur sucrée, proche à la fois de la châtaigne et de la pomme de terre, contient des antibactériens et anticancéreux et des propriétés anti-inflammatoires.
On trouve aussi l’arroche, dont les feuilles sont consommées comme légume, à la manière de l’épinard, elle a des propriétés laxatives et ses feuilles, utilisées en cataplasmes, possèdent des propriétés émollientes (qui détendent les tissus biologiques). Mais encore les fèves, le bron (un tubercule à mi-chemin entre le topinambour et le potimarron), la christophine (plante vivace consommée comme un fruit) ou le kiwano (un fruit exotique qui pousse même en Bretagne)… De quoi satisfaire les plus difficiles !
Comment les choisir et bien les préparer ?
De manière générale, les légumes anciens et oubliés se choisissent bien frais, quelques jours après leur récolte.
Le topinambour se cuisine comme sa cousine la pomme de terre, tout comme le panais ou les rutabagas. Il est d'ailleurs conseillé de sélectionner des rutabagas bien fermes, denses et de petit calibre, ils sont ainsi moins durs et plus savoureux.
Le panais, lui aussi, se choisit frais. Si vous souhaitez le conserver tout l'hiver, nous vous conseillons de les mettre en cave, dans du sable humide, ou, mieux encore, en terre dans un coin de votre jardin.
Reste à savoir comment le cuisiner pour en tirer le meilleur profit ! Découvrez avec nous comment conserver tous ses bienfaits.