Festival de Cannes, mai 2025. S.T. Dupont célèbre la sortie de son nouveau hit. Un étui à stylo baptisé Marker Necklace, décliné en laiton guilloché noir, doré ou argenté, pendu au bout d’une chaîne. À l’intérieur, un feutre Sharpie Mini, référence bien connue des street artists. Idéal pour signer des autographes sur la Croisette ou griffonner un dessin sur un coin de nappe au restaurant, ce collier de calligraphe est vendu 350 euros par la maison parisienne.
Une somme tout à fait "raisonnable" dans le secteur du luxe, auquel appartient S.T. Dupont. Dans les collections de la marque, l’article le plus onéreux s’élève à 1 750 euros et concerne un stylo plume inspiré de l’univers de la série Game of Thrones, pourvu d’une plume en or 14 carats.
Une histoire de jolies plumes
Mais l’acteur historique en la matière, c’est Montblanc. L’entreprise voit le jour en 1906 à Hambourg, sur l’impulsion du banquier Alfred Nehemias et de l’ingénieur August Eberstein. Deux ans plus tard, ils lancent leur premier stylo haut de gamme baptisé Rouge et Noir, puis un premier stylo plume l’année suivante. Depuis, les créations de la société allemande ont envahi la pop culture, du film le Diable s’habille en Prada à la série Emily in Paris en passant par le long-métrage The Phoenician Schemeprésenté à la 71e édition du Festival de Cannes et sont synonymes de l'accession à un certain rang social.
La griffe, détenue par Richemont, a développé plusieurs gammes, de la plus accessible — plusieurs centaines d’euros— à la plus élitiste : 200 000 euros pour certains stylos plume de la collection Masters of Art, qui célèbre des peintres de renom. Les œuvres de Vincent Van Gogh, Gustav Klimt et Pierre-Auguste Renoir ont inspiré des pièces qui témoignent d’un travail d’orfèvrerie précis et qui ont nécessité des métaux précieux pour leur réalisation : laques multicolores, or jaune 18 carats et argent gravé, notamment.
Cartier, autre propriété du groupe suisse — qui possède également Alaïa, Chloé et Jaeger-Lecoultre —, pousse encore plus loin l’exceptionnel avec son stylo plume Décor Dragon. Cette édition limitée, disponible en huit exemplaires, dispose d’une plume en or jaune et est pavée de 475 diamants, 6 émeraudes ainsi qu’un rubis. Prix de la création ? 156 000 euros. En tout, la maison de la place Vendôme propose plus de 60 stylos sur son site Internet, disponibles à partir de 390 euros, quand le bijou le plus abordable du joaillier, un pendentif en or jaune, est commercialisé à 720 euros.
Vers un renouvellement de la clientèle ?
Reste à savoir s’il y a une cible prête à dépenser des centaines, voire des milliers pour un instrument d’écriture alors que taper ses emails sur son ordinateur ou son téléphone portable a remplacé depuis belle lurette la rédaction de lettres manuscrites.
"Même dans un monde ultra-connecté, le stylo conserve toute sa pertinence", affirme Alain Crevet, président-directeur général de S.T. Dupont. "Loin de disparaître, il se réinvente comme un objet de sens, d’émotion et de transmission". La firme, dont l’histoire débute à la fin du XXe siècle, crée son premier modèle pour Jackie Kennedy Onassis en 1973. Depuis, l’objet a été investi par des acteurs de la mode – le couturier Karl Lagerfeld et la marque Casablanca ont par exemple créé des pièces pour S.T. Dupont.
Un accessoire statutaire et onéreux, dont la clientèle toute trouvée semble composée d’hommes d’affaires cinquantenaires désireux de témoigner de leur bonne santé financière grâce à quelques jets d'encre crachés par une pointe en or massif. Pourtant, Alain Crevet assure que le profil des consommateur-rice-s est assez hétéroclite : "les collections plus contemporaines attirent un public plus jeune, plus féminin, en quête de pièces affirmées et porteuses de sens". Prêt à redonner à cet accessoire ses lettres de noblesse.