Lauréate du prix 50 over 50, Chékéba Hachemi milite pour celles qu’on réduit au silence.

Par Publi-rédactionnel
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L'Oréal Paris
Militante infatigable pour les droits des femmes afghanes et cofondatrice de Stand Speak Rise Up!, Chékéba Hachemi fait partie des lauréates du prix 50 over 50 de Forbes France et L’Oréal Paris. Un hommage à une vie de combats et de transmission.

Réfugiée à 11 ans après avoir fui l’Afghanistan en guerre, Chékéba Hachemi a transformé la violence et l’exil en moteur d’engagement. À 23 ans, elle fondait Afghanistan Libre, une ONG qui a permis à plus de 350 000 filles d’avoir accès à l’éducation. Aujourd’hui, à tout juste 50 ans, elle milite toujours, transmet, et se bat pour que chaque femme, chaque génération, trouve sa force et sa voix quelque de quel côté de la planète elle se trouve. Entretien avec une femme optimiste, libre, et déterminée à ne jamais baisser les bras.

Que représente pour vous le fait d’être lauréate du prix 50 over 50 de Forbes France et L’Oréal Paris ?

C’est une véritable reconnaissance à titre personnelle évidemment mais cela permet surtout de donner de la visibilité à mes actions et mes combats. Et bien sûr, je suis toujours ravie de voir toutes les autres femmes à mes côtés parce que j'ai une espèce de mantra depuis toujours qui dit “ensemble on est plus fortes !”

Pensez-vous que les femmes de plus de 50 ans sont enfin en train d’être revalorisées dans la sphère publique ?

Malheureusement pas suffisamment, le chemin est encore long… Je fais partie de l'association ACTIVES qui a été créée par Marlène Schiappa et dont le but est de promouvoir la réussite professionnelle des femmes, en particulier en les aidant à accéder aux postes de direction des grandes entreprises. Parce qu’on se rend compte que dans les conseils d'administration, contrairement à ce que l’on pourrait croire, il n’y a pas beaucoup de femmes de 50 ans et plus.

Vous avez fui l’Afghanistan à 11 ans. Comment cette expérience a-t-elle façonné votre engagement pour les droits des femmes ?

A l’âge de 11 ans je dois quitter mon pays, je suis séparée de ma maman dès le premier check point par les soldats russes, puis commence une fuite de 15 jours dans les montagnes Afghanes avec un passeur. En tant que petite fille, j'ai pris conscience tout de suite que mon premier combat était là : ne pas me laisser faire par ce passeur qui m'aurait gardé. C’était un homme pauvre qui avait tout perdu et moi j’étais la petite bourgeoise qui fuyait vers un avenir meilleur. Je me suis dit que je ne laisserai aucun homme me parler comme il m'a parlé la première fois, me menacer de me vendre à des nomades…

Je pense que ma personnalité s’est forgée dans ces montagnes, pendant ces 15 jours. En voyant des corps d’enfants calcinés, des villages entiers bombardés par les Russes, toute cette injustice de la guerre… Je me suis dit, je reviendrai, j'aiderai ce pays.

Qu'est-ce que vous aimeriez lui dire à cette petite fille justement de 11 ans, qui était dans les montagnes ?

 Alors j'aimerais lui dire, “n'aie pas peur”, j'aurais aimé que quelqu'un lui dise “tu vas y arriver, tu as cette niaque qui va t'aider à t'en sortir et à aller au-delà”… Et surtout tu vas embarquer avec toi des centaines de milliers de personnes formidables et il faut que tu t'en sortes...

En 1996, vous créez Afghanistan Libre en pleine montée des talibans. Qu’est-ce qui vous a donné cette audace à 23 ans ?

J'ai créé l’association Afghanistan Libre qui a permis à plus de 350 000 filles d'aller à l'école et aux femmes de travailler. Parce que l'éducation c'est pour moi la chose la plus importante. Je me dis souvent que si j'avais été une petite fille analphabète dans les montagnes entre les mains de ce passeur, je ne me serais peut-être pas imposée autant et que je ne serais peut-être pas là aujourd'hui pour en parler… En arrivant en France, j'ai eu accès à l’éducation et j'ai pu changer les choses. L'éducation et l'accès au savoir m'a permis d'exister et d'être celle que je suis et je n'avais pas le droit d'abandonner les autres qui sont du mauvais côté de la planète.

Quel message souhaitez-vous transmettre aux jeunes générations, et à leurs aînées ?

C'est aussi un message pour moi même parce que j'ai tout juste 50 ans et se dire que ce n’est pas fini au contraire c'est maintenant les plus belles années ! Nous vivons du bon côté de la planète, nous avons accès à tout, nous sommes dans la fleur de l’âge alors qu’en Afghanistan l'espérance de vie des femmes est de 44 ans. On n’a pas le droit de se dire que c’est la fin… Pour moi, c'est chaque jour une chance. Je parle toujours à la jeune génération parce que j'aime transmettre l'engagement aux jeunes. Il ne faut pas avoir peur de dire qu’on va pratiquer la sororité au quotidien. C’est formidable d’être des rôles modèles et de transmettre, à commencer par ma fille, mais aussi mes nièces, et toutes les jeunes filles et les jeunes hommes qui sont autour de moi.

À 50 ans passés, Chékéba Hachemi continue de tracer un chemin de lutte et d’espoir. Engagée, libre, tournée vers les autres, elle rappelle que l’âge n’est pas un frein, mais une force — surtout quand on choisit de marcher ensemble.

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