"Ce titre est savoureux, sucré… il a un goût de lait de maternité." C’est par cette jolie métaphore que Clarisse Agbégnénou a célébré en 2023 son sixième titre de championne du monde, moins d’un an après la naissance de sa fille, Athéna.
De quoi prouver à celles et ceux qui en douteraient qu’il est possible de lier reprise du sport et allaitement.
Car désormais, les athlètes font des carrières plus longues et elles ne souhaitent pas forcément attendre leur retraite sportive pour devenir mère. Se pose alors la question du post-partum et de l'allaitement. Un sujet qui est "de moins en moins une problématique", explique Carole Maître, gynécologue à l'INSEP.
Le choix d'allaiter ou non, une décision personnelle plus que sportive
Médaillée de bronze aux Jeux de Tokyo avec les Bleues, la basketteuse Valériane Vukosavljevic, 29 ans, a allaité sa petite Alani pendant 16 mois. "J’avais deux entraînements par jour : il fallait donner le sein dans les vestiaires", confie-t-elle. Pour la championne paralympique de judo Sandrine Martinet l’envie de donner le sein était aussi "quelque chose de viscéral".
Qu’importe le choix qu’une sportive fait, il doit être personnel et non imposé par un diktat.
À l'inverse, pour la championne de voile Camille Lecointre, le post-partum s'est fait autrement. Pour son ainé, Gabriel, aujourd'hui âgé de 6 ans, les montées de lait ont été absentes. "J’ai dû me faire une raison et laisser tomber", se souvient-elle. Alors quand sa fille Alma est née, il y a 16 mois, la médaillée de bronze en voile olympique en titre se tourne tout naturellement vers le biberon. "J’ai compris qu’on se centrait beaucoup sur l’allaitement alors qu’il y avait d’autres moyens de créer du lien avec son enfant."
"Qu’importe le choix qu’une sportive fait, il doit être personnel et non imposé par un diktat", rappelle Carole Maître. Car quand on ne suit pas ses envies, le risque de burn out maternel est accru. "Je me suis mis la pression toute seule, soutient Camille Lecointre, qui doit s’entraîner deux à trois heures au large. Et quand tout ne fonctionne pas, que le post-partum est compliqué, on se demande ce qui cloche chez nous."
L'allaitement des sportives, un enjeu de performance
Ce qui change concrètement pour les athlètes dans cette question de l'allaitement, c'est ce que celui-ci a un impact sur le corps de la mère en post-partum. Ainsi, donner le sein peut être par exemple un enjeu décisif dans les sports à catégorie de poids. Par exemple, quand Sandrine Martinet arrête l’allaitement, elle perd cinq kilos. "J’ai du changer de catégorie", se souvient-elle. Mais toutes les femmes ne perdent pas forcément du poids en allaitant.
Isabelle Yacoubou, basketteuse, avait pris 25 kilos pendant sa grossesse en 2018. "Ma fille était un grand bébé et je me réveillais la nuit pour tirer le lait, donc je me reposais pas assez et je perdais peu, se souvient la championne olympique. Mon club de Bourges commençait à montrer des signes d’impatience. Je pense que ça les embêtait de payer autant une joueuse qui n'était pas en pleine possession de ses moyens."
La place des mères dans les sports collectifs
Sans compter que certaines fédérations se sont demandé "si l’allaitement n’allait pas perturber le collectif", résume Carole Maître. Notamment lors des rassemblements, où la présence des enfants n'était pas forcément courante ou même autorisé. Certains staffs nationaux, c'est le cas notamment du handball, ont ouvert cette possibilité pour les joueuses de venir avec leur enfant, voire même de l’autre parent. Une impulsion qui a permis à d'autres disciplines de s'y mettre.
Être maman sportive peut parfois être une vraie galère donc c’est important de se sentir entourée.
Valériane Vukosavljevic, elle, a imposé son choix au staff de faire venir Alani. "Je n’allais pas tirer mon lait pour 12 jours". Et pendant les entraînements ? C'est le papa qui gardait la petite. Une expérience "incroyable" bien que "chronophage". La basketteuse a alors reçu beaucoup de soutien et de messages d'admiration de la part de jeunes mamans, et a également pu partager son expérience avec Clarisse Agbégnenou ou encore avec la footballeuse tricolore Amel Majri, qui a pu amener sa fille Mariam en Australie pour le Mondial en juillet dernier.
"Être maman sportive peut parfois être une vraie galère donc c’est important de se sentir entourée", rappelle Valériane Vukosavljevic.
Sport et allaitement, les lignes bougent
Dans d'autres disciplines aussi, la question de l'allaitement s'invite dans les discussions. C'est le cas par exemple de l’ultra-trail, où on oscille entre 8 et 12 heures de course, un défi pour les sportives qui allaitent.
Et les choses ont commencé à bouger le 1er septembre 2018, à Courmayeur, quand Alexis Berg photographie une participante en train d’allaiter son fils sur l’un des ravitaillements de l’Ultra-Trail du Mont-Blanc (UTMB), le sommet de la saison 2018, long de 168 km.
La femme sur la photo, c'est la Britannique Sophie Power. Cela faisait deux ans qu'elle postulait à la loterie de l’UTMB, en vain. Règlement oblige, la troisième fois, son inscription est donc automatique. Bien qu’elle allaite toujours son deuxième fils Cormac, trois mois, impossible pour elle de rater sa chance. C’est décidé : son compagnon lui transmettra la pompe à lait sur le parcours. "J’avais quand même prévu aussi du lait en poudre, au cas où, mais je m’inquiétais aussi de conserver assez de nutriments pour mon corps."
D’abord critique envers l’UTMB, Sophie Power, aujourd’hui maman de trois bambins, a travaillé avec l’organisation pour assouplir son règlement. "On donne aujourd’hui cinq ans aux femmes pour revenir, détaille Chloé Léger, responsable régénération du groupe UTMB à Chamonix. Parce que c’est dur de se remettre à l’entraînement".
La photo prise par Alexis Berg a changé la vie de Sophie Power, qui lutte désormais pour de meilleures conditions pour les femmes sur les plus importantes courses du monde. Via son initiative "She Races", l'ultra-traileuse propose des évolutions aux organisateurs. "Ajouter des espaces pour allaiter, se changer, mais aussi des toilettes, des protections hygiéniques… c’est simple et ça ne coûte pas cher. Chaque femme fait de son mieux donc c’est important de nous soutenir. Peu importe notre choix, on ne devrait jamais se sentir coupable", conclue-t-elle.
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