À 28 ans, elle a déjà marqué l’histoire du foot féminin par ses multiples exploits sur les terrains (elle est la meilleure buteuse de la Ligue des champions féminine, comme le rappelle le site de l'UEFA) et en devenant la première joueuse à recevoir un Ballon d’Or en 2018.
Pourtant, ces dernières années la joueuse norvégienne Ada Hegerberg a passé de nombreux mois loin des compétitions, tourmentée par différentes blessures (d'abord une rupture des ligaments croisés et une fracture de fatigue au tibia en 2020, puis d'une autre blessure, dont la nature n'a pas été précisée, en septembre 2022).
Aujourd'hui rétablie, elle dénonce un manque d’accompagnement et de connaissance du corps des athlètes féminines. Dans un entretien accordé au journal L’Équipe et paru le 11 février 2024, la footballeuse évoque "l’enfer" qu’elle a vécu, laissée seule face à la blessure, tant redoutée dans le sport de haut niveau.
Un "manque de recul concernant le corps des athlètes féminines"
"La vérité, c'est que j'ai vécu l'enfer, en souffrant du manque de recul concernant le corps des athlètes féminines", confie-t-elle dans les premières lignes de l’entretien. "Ça a été particulièrement compliqué parce que quand tu es une femme sportive de haut niveau et que tu as des problèmes de santé, il n’y a pour le moment pas beaucoup d’expertise", avait-elle déjà expliqué dans une interview donnée à SoFoot, en novembre 2023.
Tenue à distance des terrains pendant plusieurs mois, celle qui évolue à l'Olympique Lyonnais (OL) depuis 2014, porte un discours qui fait écho à celui de Michèle Kang, nouvelle propriétaire du club féminin.
"Le sommeil, la nutrition, les activités physiques... Toutes ces choses ont des conséquences différentes sur le corps des femmes et pourtant, elles sont entraînées comme si elles étaient des hommes de petite taille, ce qui crée de nombreux problèmes, et de nombreuses blessures... Nous n'aidons pas les athlètes à être à 100% de leurs capacités, parfois, c'est même dangereux pour elles", détaillait-elle, il y a quelques jours, auprès de Marie Claire, dans un entretien rare.
Si la femme d'affaires compte bien faire de la recherche et de la santé de ses joueuses une priorité désormais, l'athlète norvégienne avoue avoir dû "chercher les solutions" seule. "J'ai dû taper du poing sur la table. J'ai été en contact avec un pro dans le milieu de la biologie qui m'a donné des réponses, j'ai trouvé des références autour de moi", se remémore-t-elle.
Une blessure qui définit une carrière
Au-delà du poids des blessures physiques, l'attaquante souligne également l'importance de l’accompagnement psychique, pour les athlètes blessées.
"J'ai aussi consulté un psychologue norvégien, en fin de saison dernière, qui m'a beaucoup aidée. J'avais besoin de prendre du recul et d'un déclic. Je suis contente d'avoir quelqu'un d'autre que mon mari à qui parler. Les gens ne voient que les buts mais derrière, il y a tout un travail pour retrouver la confiance. Une fois mes problèmes réglés, je savais que j'allais revenir au plus haut", appuie-t-elle au micro de L'Équipe.
Ada Hegerberg confie avoir mal vécu cette période, aussi parce que l'étiquette de la "blessée" peut être difficile à assumer. "Les gens n'ont pas vu ce que j'ai vécu. On m'a mis dans un placard, dans la case 'fragile'. Je n'avais jamais été blessée avant et désormais, on ne me parle que de ça, mais ça ne définit pas du tout ma carrière. Ça m'a heurtée, ce n'est pas juste".
Une joueuse engagée
Au fil de l'interview, celle qui dénonce également la mise en place de playoffs en D1 Arkema, appuie que la lutte, quand on est une athlète féminine, ne prend finalement jamais fin. Pour se faire soigner, pour jouer dignement, pour être accompagnée et mise en lumière comme les hommes... Ses combats sont multiples.
En 2017, la vingtenaire avait ainsi refusé sa sélection en équipe de Norvège, "en raison des inégalités de traitement entre hommes et femmes en sélection". Une décision forte qui a poussé la fédération norvégienne à devenir la première (au monde) à aligner les salaires des footballeuses sur ceux de leurs homologues masculins quelques mois plus tard, comme le rapportait alors Ouest-France. Pour autant, la joueuse n'a signé son retour en équipe nationale qu'en 2022, "estimant que des améliorations significatives" avaient "été réalisées".
"Si je pouvais être juste concentrée sur le foot, ça m'irait très bien. Mais en tant que femme dans un sport dominé par les hommes, c'est notre responsabilité de le faire. J'ai bien gagné ma vie en tant que footballeuse, conquis plein de titres, et je ne vais pas tirer profit des combats qu'on mène. Mais cela doit être fait".