Une prise de parole forte. Soutien sans faille du mouvement #MeToo, présente fin mars au procès de Gérard Depardieu, accusé d'avoir agressé sexuellement deux femmes le tournage du film Les Volets Verts (2021), l’actrice et peintre Anouk Grinberg publie ce jeudi 3 mars une autobiographie nommée Respect (éditions Julliard).
En amont, Médiapart a publié le 2 avril un témoignage vidéo fort d’une trentaine de minutes dans lequel Anouk Grinberg se confie à Lénaïg Bredoux et Laura Wojcik sur les violences sexuelles qu'elle a connues dès son enfance.
Après avoir été un soutien de taille des accusatrices de Gérard Depardieu et avoir, à maintes reprises, pris la parole pour soutenir Charlotte Arnould, première plaignante dans l'affaire Gérard Depardieu, elle parle pour la première fois du viol subi à sept ans, puis de l’inceste commis par son grand frère quand elle avait douze ans.
Si elle prend la parole aujourd’hui, c’est parce que "le travail de pédagogie de Médiapart [l’]a réveillée d’un espèce de sarcophage dans lequel [elle] vivai[t] depuis tant d’années", explique-t-elle au média d’investigation. C’est aussi un "cancer grave", qui "[l’] percutée", survenu en 2024, précise Médiapart, qui l’a poussée à parler.
Après des violences sexuelles subies dès l’enfance, l’emprise de Bertrand Blier
Parler de violences connues depuis le plus jeune âge et jusqu'à sa vie de couple avec un cinéaste reconnu. Dans les années 80 et 90, Anouk Grinberg a partagé la vie de Bertrand Blier, réalisateur des Valseuses notamment, décédé en janvier dernier. Une histoire pleine de traumatismes dont l’actrice n’a pas voulu parler pendant longtemps, et a accepté de dévoiler au fil d’entretiens avec Médiapart.
Avec une voix d'abord tremblante, puis limpide, elle confie pourquoi elle a choisi, pendant longtemps, le silence. "J’ai opté pour le silence parce que j’ai un fils avec Bertrand Blier, et c’était pour moi primordial de le protéger. C’était un tabou majeur de savoir et de comprendre ce que j’ai été faire dans cette histoire. J’y suis restée dix ans. J’ai fait un enfant avec lui, j’ai fait trois films avec lui. J’ai vécu jour et nuit avec un homme tordu et violent qui s’est servi de moi pour faire de la publicité sur sa perversité", explique-t-elle face aux caméras de Médiapart.
Elle estime que les trois films tournés avec Bertrand Blier dans les années 90 (Merci la vie, Un, deux, trois, soleil et Mon homme) ont fait d’elle "l’instrument de la culture du viol" : "j’ai été l’instrument de la culture du viol et je ne m’en suis pas aperçu".
La filmographie de Bertrand Blier, et en particulier le film culte Les Valseuses, ont été au coeur de plusieurs débats depuis l’apparition du mouvement #MeToo et surtout au moment de son décès, critiqués pour leur misogynie.
Évoquant Merci la vie, l’actrice souligne "le ramassis de violences" qu’elle n’a pas su voir et qu’elle a dû incarner à l’écran. Concernant Mon homme, leur dernière collaboration, elle parle d’un "film de torture". Si elle n’a pas quitté leur relation, c’est aussi parce que le couple venait d’accueillir un enfant, Leonard, ajoute-t-elle au média : "en étant responsable de quelqu’un d’autre, je suis passée d’objet à sujet".
À cette période, elle se rappelle avoir été "convaincue" par son compagnon de voir "un psychiatre de star" qui lui a prescrit des neuroleptiques.
Parler pour aider d’autres femmes
Si elle admet ne pas utiliser le terme de "violences conjugales" dans son livre, elle précise à Médiapart que "la violence conjugale était là du matin au soir". "Il était là, comme des millions d’hommes, à me violer autant qu’il voulait, comme il voulait. Je n’avais qu’à me soumettre à sa sexualité et c’était le seul moyen que j’avais d’avoir accès à l’amour, admet-elle.
À 62 ans, Anouk Grinberg met fin à des années de silence pour aider les autres, brandit-elle : "Si ce que j'ai dû traverser peut permettre à d’autres de mieux résister, tant mieux".
Venue présenter son ouvrage dans l’émission La Grande Librairie, le 2 avril, elle a évoqué le silence qui a régné après l’inceste qu’elle a connu à douze ans. "Il [son frère, ndlr] ne m’a jamais rien dit après et personne ne m’a jamais rien dit", partage-t-elle.
Des propos qu'elle partage aujourd'hui sans minimiser l’omerta connue pendant de longues années. "On vous fait passer pour folle, pour menteuse, pour mythomane, pour actrice, évidemment, comme si je cherchais la lumière", explique-t-elle face à Augustin Trapenard, avant de conclure : "il y a quelque chose d’incroyable avec le viol et l’inceste. C’est le seul crime où le coupable est protégé. Par contre, la victime est coupable".