Le procès du meurtrier de Chahinez Daoud, assassinée en 2021, a rappelé que parmi les victimes de féminicide, 20 % avaient déjà signalé des violences antérieures. Après le Grenelle des violences conjugales en 2019, qu'en est-il de leur protection ? Éclairage de la présidente du Centre Hubertine Auclert, qui forme les forces de sécurité.
Marie Claire : Vous avez réalisé une étude sur la police nationale. Quels sont les obstacles à une meilleure prise en charge des victimes de violences conjugales ?
Charlotte Baelde : En ce qui concerne le système judiciaire en France, contrairement à l'Espagne, nous n'avons pas assez de tribunaux dédiés aux violences intrafamiliales. Malgré l'annonce de leur déploiement par Isabelle Rome (alors ministre chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l'Égalité des chances, ndlr). en 2023, il n'en existe que deux, à Versailles et à Troyes.
Un vrai suivi entre justice et police reste donc compliqué. Notre étude a identifié des failles au sein de la police et des forces de sécurité, qui ont deux outils obligatoires sur lesquels s'appuyer : le "masque de plainte" (un questionnaire qui aide à qualifier judiciairement les faits) et la grille d'évaluation du danger.
Avec des questions préétablies, le masque de plainte n'est pas complètement adapté à la réalité. Quant à la grille d'évaluation, à partir du moment où une femme se déplace, ou que des forces de l'ordre vont à sa rencontre, c'est qu'il y a danger. Un danger à ne jamais minimiser dans les affaires de violences conjugales.
Une femme sur cinq est surveillée à distance par son partenaire ou son ex via un logiciel espion.
Les cyberviolences, omniprésentes dans le cadre des violences conjugales, sont absentes du référentiel de prise en charge des victimes. C'est un angle mort. Nous nous battons pour faire recueillir les preuves de cyberviolences, sources de danger, notamment lors du dépôt de plainte.
Peut-on dire que les victimes de violences conjugales sont désormais mieux protégées ?
Le dépôt de plainte, moins tabou, se fait plus naturellement. Tout est fait dans certains commissariats pour accueillir la parole. Celui du 20e arrondissement de Paris, par exemple, a une chambre réservée pour permettre à la victime de se poser avant de parler. La société a changé, les forces de l'ordre sont sensibilisées.
Notre objectif est que, dans les cas de violences, la comparution immédiate soit prioritaire, ce qui déclenche une protection immédiate. Soyons positifs : elle est de six mois minimum en France, alors qu'en Espagne, il faut la renouveler tous les trente jours. Et puis, sur le volet judiciaire, il y a le téléphone "grave danger" et le bracelet "anti-rapprochement", deux outils cruciaux à déployer.
C'est encore et toujours une question de moyens...
Oui, la région paie l'accompagnement des téléphones "grave danger", car les associations ne sont pas financées pour cela. En trois ans, nous avons formé plus de 1 400 personnes au sein des forces de l'ordre en Île-de-France. Demain, si le ministère de l'Intérieur nous demandait de former l'ensemble du territoire, nous pourrions le faire. Mais je suis très inquiète, les annonces faites le 25 novembre dernier ne sont pas suivies d'effet*.
*Le Premier ministre Michel Barnier avait annoncé, entre autres, la création d'une Maison des femmes dans chaque département avant fin 2025, la possibilité de déposer plainte dans les hôpitaux et le lancement d'une mission au sujet de la soumission chimique.
Interview publiée dans le magazine Marie Claire n°873, daté juin 2025.
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