"Tu as le contact des Jeunes Insoumis ?", "Tu sais si Ruffin revient sur Paris bientôt ?", "Je vais me maquiller un peu avant de tourner la vidéo"... Autant de phrases qui fusent au milieu de l’ambiance studieuse d’un café dans le nord de Paris.
Une dizaine d’influenceurs et militants sur les réseaux sociaux sont réunis autour d’une grande table pour trouver des idées de contenus et partager des informations. Créateurs de contenus féministes, écologiques, artistiques ou humoristiques, chacun et chacune réfléchit à des idées de publications pour mobiliser ses audiences.
Depuis les résultats des Européennes plaçant le Rassemblement national (RN) en tête dans 93% communes de France, et l’annonce dans la foulée des élections législatives anticipées, le choc a laissé place à la détermination pour Perrine Bon.
À la tête de l’agence de créateurs de contenus responsable Perrine AM, elle coordonne avec ses équipes plus de 300 influenceurs. Pour elle, l’engagement vient d’abord des créateurs de contenus, déjà mobilisés pendant la dernière campagne. "On avait fait un événement le 3 juin, avec une cinquantaine d’influenceurs pour inciter leur communauté à voter pour les élections européennes. Ce sont eux qui, à l’annonce de la dissolution, m’ont écrit pour me demander ce qu’on pouvait faire. J’ai répondu à l’appel et j’ai organisé le groupe de riposte d’influence."
Elle précise bien qu’il s’agit d’un travail militant et bénévole. Une seule priorité : mobiliser les communautés en ligne des influenceurs pour aller voter contre l’extrême-droite, et pour le Nouveau Front Populaire. “On a fait un gros travail avec des instituts de sondage, ainsi que des focus groupe, pour être efficace. Mon rôle, c’est de donner des directions, des stratégies, des ressources. Je récupère des infos et je les range, pour que les créateurs et créatrices de contenu puissent les retrouver facilement", détaille Perrine Bon.
Des contenus efficaces et largement relayés
D’après la communicante, plus de 8 millions de personnes ont déjà été touchées par les posts des créatrices et créateurs de contenus. "On reçoit beaucoup de messages de jeunes qui nous remercient, qui ont pris une procuration, ont parlé à leurs parents ou encore, s’engagent à faire du porte-à-porte. Les communautés nous disent merci, les créateurs reçoivent plein de messages !"
Il est capital que toute une partie de la jeunesse comprenne le péril de l’extrême droite et que des célébrités perçues comme neutres prennent la parole.
Cet engagement est d’autant plus important qu’il dépasse les influenceurs déjà engagés. Le youtuber Squeezie s’est exprimé dans un long post pour expliquer pourquoi faire barrage au RN, de nombreux autres personnalités publiques se sont également positionnées dans ce sens, à l’instar de Léna Situations ou MisterV.
"On arrive à un stade où les personnes qui sont déjà engagées ne sont plus écoutées, parce que leurs propos sont qualifiés d’extrêmes. À ce titre, il est capital que toute une partie de la jeunesse comprenne le péril de l’extrême droite et que des célébrités perçues comme neutres prennent la parole" juge Anna Toumazoff, militante féministe et animatrice radio.
Du militantisme 2.0 au terrain
Faire sa procuration, participer à du porte-à-porte, aller en manifestation, distribuer des tracts… Au-delà des contenus d’informations, les posts et vidéos sur les réseaux appellent à passer à l’action dans sa circonscription.
Mathilde Caillard, militante écologiste connue sous le nom de "MC danse pour le climat" détaille ses objectifs : "Je veux qu’à la fin de la lecture de mon post, les gens aient plus de pouvoir qu’au début". Ce jeudi 20 juin 2024, elle se rend dans la 3e circonscription de l’Oise avec le candidat du NFP pour faire du porte-à-porte. "Là où le RN a gagné à 1000 voix près, à cause d’une grosse abstention, on sera une cinquantaine à tracter, ce qui est énorme !"
Pour elle, les posts sont une première manière de susciter de l’engagement, qui se transforme en actions de terrain. "Il y a plein de gens qui n’osent pas sauter le pas, s’ils voient des personnes qu’ils suivent sur les réseaux le faire, ça motive. Des personnes qui n’ont jamais fait ça m’écrivent pour me dire qu’ils ont imprimé 50 tracts pour aller les distributeur dans leur village."