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Inceste : quand l'agresseur et la victime font partie de la même fratrie

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Si l'inceste est une réalité que la société ne veut toujours pas voir, celui qui se produit entre frères et/ou soeurs n'est presque jamais dénoncé. Les violences sexuelles entre mineurs au sein d'une même famille sont très complexes à aborder et à repérer. Face à la révélation, nombreux parents ne savent pas comment réagir et sont confrontés à l'inimaginable : protéger son enfant victime de son autre enfant bourreau.

Le quasi-néant. C’est l'étendue des informations, articles ou études existants sur l’inceste au sein de la même fratrie. Cette recherche infructueuse pousse à questionner l'existence même du phénomène. Or cet inceste, encore plus bâillonné et censuré que l’inceste commis par un père, un beau-père, un oncle, un grand-père ou même une mère, existe et détruit des familles.

L’inceste au sein de la fratrie est un tabou ultime, il est l’inconcevable des violences sexuelles, l’impensable et l’inimaginable inceste. Pour Édouard Durand, juge pour enfants et président de la Ciivise (Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants), c'est "une réalité sous-estimée dans le nombre et la gravité".

Selon le rapport final de la Ciivise sous la coprésidence du magistrat et de la travailleuse sociale Nathalie Mathieu, et rendu à la secrétaire d'État chargée de l’enfance, Charlotte Caubel, le vendredi 17 novembre 2023, 19 % des 30 000 personnes interrogées ont été agressées par leur frère.

À travers 600 pages, le texte donne 82 préconisations pour lutter contre les violences sexuelles faites aux enfants et pose la question suivante : comment agir, réagir en tant que parent lorsque son enfant a été agressé par son autre enfant ?

L’inceste dans la fratrie n’est pas du "touche pipi"

C'est un "sujet brûlant" de notre société selon Anne Clerc, déléguée générale de l’association Face à l’inceste qui estime qu'il "n'y a ni enquête, ni action de l’État". Alors, quand un parent est confronté à cette situation, il arrive souvent qu'il minimise les faits. Manuela Braud, psychologue, chercheuse en sciences de l’éducation et fondatrice de Planète Résilience assure qu’elle a à plusieurs reprises accompagner des parents qui qualifiaient des agressions sexuelles de "touche pipi". L'experte ajoute que "certains pensent que l’enfant cherche à attirer l’attention sur lui", et sont donc "dans la négation des faits".

Lucile, 40 ans, a été incestée par son père et son frère vers l’âge de 8 ans. Plusieurs fois lorsqu’elle a parlé des violences subies, son entourage lui a rétorqué : "Mais tu es sûr que ce n’était pas des jeux d’enfants ?". Elle en est pourtant certaine : elle ne jouait pas. "On a l’impression que ce n’est pas si grave parce que c’est entre mineurs sauf qu’il y a une ascendance", insiste-t-elle.

Hélène Romano, psychologue et autrice du livre Inceste, quand les mères se taisent (Éd. Larousse), souligne que les soignants peuvent eux aussi banaliser cet inceste et le comparer à "des jeux sexuels". Sauf que, "quand on a plus de 3, 4 ans ce n'en sont pas, ni une découverte du corps de l’autre, ce sont des agressions sexuelles", définit la psychologue.

Élodie*, 50 ans, est mère de jumeaux qui ont été victimes d’inceste. En 2021, l'un de ses fils alors âgé de 5 ans lui apprend que son demi-frère de 14 ans lui fait des fellations. Lorsqu’elle prévient le père de son enfant, de qui elle est désormais séparée, il n'accepte pas l'information et rétorque que "ce n’est pas vrai" et qu’à cet âge "les enfants disent n’importe quoi". Plus tard, quand ses anciens beaux-parents viennent la voir, la minimisation des faits est totale. Ils lui lancent : "Ce n’est pas grave, ça arrive entre frères." Elle déplore que "pour eux, il était normal qu’un garçon de 14 ans s’amuse à sucer le sexe (sic) de son frère. Ils ont même dit que c’était eux qui décidaient, qu’il ne fallait donc pas en parler et qu’il réglerait l'affaire en famille".

Parent d'une victime et de son agresseur à la fois

Au-delà des idées reçues sur l'inceste infusées par la culture du viol et à la négation de la parole des enfants, si l’inceste entre frères et/ou soeurs est aussi complexe à aborder, en témoigne la difficulté à trouver des parents qui acceptent de prendre la parole, c’est aussi car ces derniers se retrouvent dans une situation "horrible", décrit Annabelle*, 50 ans, originaire du Limousin.

La mère de quatre enfants pense que "l’inceste au sein de la fratrie est encore plus tabou car c’est [son] propre enfant le coupable". Sa fille, très jeune, a été incestée par son frère de trois ans son aîné. "Si ça avait été mon père ou mon frère, j’aurais eu beaucoup de peine pour ma fille, mais pas pour l’agresseur", confie-t-elle avant d'expliquer qu'en tant que parent "on partage la peine de la victime" qui s’additionne à la souffrance d’avoir un enfant agresseur.

Pour elle, cette violence incestueuse n'a aucun sens : "Il est inconcevable qu’un être que vous avez porté, élevé, aimé détruise un autre être qui a autant d’importance que lui". Et pose cette question complexe : comment peut-on imaginer, en tant que parent, que le danger soit dans sa propre maison ?

Lorsqu’un parent apprend que l'un de ses enfants a agressé sexuellement un autre de ses enfants, il peut être dans le déni par mécanisme de défense ou dans un état de sidération, entraîné par un choc émotionnel empêchant toute réaction. Antoine*, 37 ans, est le père de deux garçons de 12 et 9 ans, et d’une fillette de 6 ans. L’aîné, diagnostiqué déficient mental léger, a agressé sexuellement ou violé (les faits n’ont pas encore été établis) sa sœur de 6 ans et demi. Son ex-compagne a été trois ou quatre semaines dans le déni : "Un jour, elle s’est accroupie devant notre fille pour vérifier dans ses yeux si elle mentait ou pas", regrette-t-il. Son déni s’est arrêté le jour où leur fillette a été interrogée par la cellule de recueil des informations préoccupantes : "Elle pleurait à chaudes larmes."

Les parents protecteurs sont complètement effondrés, écartelés entre leurs deux enfants.

À l'inverse, Annabelle raconte avoir "tout de suite cru" sa fille au moment où elle a libéré sa parole : "Ma première réaction fut de dire à mon fils que s’il touchait encore sa sœur il quitterait la maison définitivement." Mais le déni est venu après. "Je n’ai rien dit à mon mari, à personne. C’est la première grosse erreur et l’autre énorme erreur c’est de n’en avoir pas parlé à son médecin. Je me suis convaincue que c’était des jeux d’enfants", se rappelle-t-elle.

Pères ou mères "effondrés" et désoeuvrés

La plupart du temps, comme expliqué dans cet article Marie Claire, les parents ont tendance à protéger l’agresseur plutôt que la victime pour, par exemple, protéger le foyer ou ne pas être confronté à leurs propres traumatismes. "Avec d’autres de mes collègues on a remarqué que c’est tellement indicible, tellement insupportable de se dire que ses propres enfants ont transgressé un interdit fondamental que l’agressivité se retourne sur l’enfant victime", ajoute la psychologue qui admet que paradoxalement "c’est souvent le mineur agressé le plus en danger au sein de la fratrie."

Hélène Romano explique qu’il y a, selon ses observations, "un point commun à toutes les situations". Elle développe : "Les parents protecteurs sont complètement effondrés, écartelés entre leurs deux enfants et souvent ils ne savent pas quoi faire, ne savent pas comment intervenir." Certains vont appeler le 119 [Service National d’Accueil Téléphonique de l’Enfance en Danger, ndlr] mais presque tous seront dans un "état de choc" et ressentiront "un sentiment d’impuissance et de culpabilité" décrit la spécialiste.

Annabelle, par exemple, a le sentiment d’être "une mauvaise mère" et se sent avec son époux, "responsable de n’avoir rien vu, de n’avoir pas su protéger, soutenir [leur] fille" et "d’avoir mal éduqué [leur] fils". Antoine, lui, même s'il a été soutenu par ses amis, se sent "coupable", car en tant que parent il est responsable de ce qui arrive à ses enfants : "Mais au final, je n’aurais rien pu faire. Ce serait bien de trouver une solution directement pour tout le monde, mais ça n’existe pas."

Le père de famille confie qu’il "compartimente" ses émotions et libère sa parole avec sa compagne et à La Tanière qui accompagne les auteurs mineurs de violences sexuelles et leurs parents : "J’essaie de beaucoup extérioriser. Je ne me sens pas seul."

Incesteurs incestés et familles dysfonctionnelles

Les causes d’un inceste au sein d’une fratrie sont "très variables selon les contextes", indique la psychologue Hélène Romano. Certains enfants agresseurs peuvent par exemple avoir été eux-mêmes victimes d’inceste par un adulte et "répéter les agressions entre eux". Parmi ses patients, deux mineurs ont aussi "été violés par un ami de la famille qui les contraignait à s’agresser sexuellement et qui les filmait". À leur domicile, les enfants ont reproduit ces actes. Dans ce contexte, ils étaient à la fois auteurs et victimes.

La spécialiste ajoute qu’un enfant victime d’inceste par un adulte peut aussi reproduire ce qu’on lui a fait afin de dénoncer, inconsciemment, "lui-même ce qu’il a vécu" et "tester ainsi ce qu’il a le droit de faire et de ne pas faire". Si cette possibilité existe, cela ne veut pas dire qu’elle est systématique et qu’elle justifie le passage à l’acte. "Toutes les personnes qui ont été victimes d’inceste n’ont pas reproduit les faits", martèle Anne Clerc. Dans une étude réalisée par Face à l’inceste et publiée en octobre 2023, une victime sur 10 - 1 556 personnes ont témoigné - a déclaré que son agresseur lui-même avait subi de l'inceste.

Un enfant auteur pourrait également être "le témoin de secrets de famille", car un inceste silencié contamine tout le foyer. C’est ce qu’on appelle l'inceste transgénérationnel. "Ça m’est arrivée plusieurs fois d’avoir des enfants qui devenaient agresseur parce qu’il sentait qu’il y avait des choses qui n’avaient pas été dites [au sein de leur famille, ndlr]", témoigne Manuela Braud.

L’inceste se produit parfois dans des familles où la violence (psychologique, physique) est déjà présente. Lucile, 40 ans, ne sait pas si son frère - contre qui elle a déposé plainte en mai 2023 pour viol - a comme elle été victime de leur père, qui a incesté deux de ses cousines avant elle. La femme, aujourd’hui mère d’une petite fille de trois ans, voyait enfant son paternel "régler les problèmes par les coups". Son frère et elle ont tous les deux vécu dans un "climat malsain, violent et incestuel [un climat incestuel signifie qu’un enfant est exposé à la sexualité d’un/des adultes par des images, des conversations, des films pornographiques… ndlr]".

Tout comme Élisa, 57 ans, incestée par trois de ses demi-frères et son père. La thérapeute psychocorporelle qui souffre aujourd’hui de stress post-traumatique (trouble anxieux sévère généré par un événement traumatisant) et qui a du mal à se "situer dans le temps" ne sait pas si sa fratrie a subi des violences sexuelles de la part de son père. Elle est cependant certaine qu’ils ont vécu "une enfance effroyable", victimes "de maltraitances physiques et de non-amour".

Dans d’autres cas encore, il peut y avoir des incestes dans des familles dites "carencées", où il y aura une "forme de raccrochage affectif", ajoute Hélène Romano. "Non pas que les parents ne les aiment pas, mais ils ne sont pas disponibles à ce moment-là dans le quotidien de l’enfant pour l’accompagner au mieux. Les enfants se raccrochent alors entre eux avec souvent des passages à l’acte", informe-t-elle. Il n'existe donc pas un inceste définitif au sein d’une famille mais des incestes "et des façons de s’agresser extrêmement différentes", conclut-elle.

Annabelle pense par exemple que l’agression de son fils envers sa fille peut être liée à la mort in utero d’une de leurs sœurs. Elle est décédée 18 mois avant la naissance du garçon, la famille était alors en plein deuil périnatal (décès d’un bébé à la naissance, dans les jours ou les semaines après sa naissance) : "Ce n’est peut-être pas par hasard que ce soit arrivé. Il y a 20 ans, le deuil périnatal était tabou et notre famille était sans doute dysfonctionnelle sans même que j’en sois consciente."

Antoine analyse aujourd'hui que l'une des possibles causes de l’inceste infligé à sa fille par son frère pourrait résider dans sa séparation avec la mère de ses enfants. "Mon ex était en colère contre moi, mon fils s’est beaucoup identifié à son ressentiment. Pour me faire du mal, il s’en est pris à sa soeur, mais surtout à ma fille", confie-t-il.

La délicate gestion de l'inceste dans le foyer

Élodie se souvient parfaitement de ce 15 juillet 2021 où l'un de ses enfants a révélé avoir été agressé par leur demi-frère : "Je l’ai sous mes yeux la scène, elle est gravée au fond de ma mémoire. Il était aux alentours de 19h30-20h, je rentrais du travail. Mon fils était en train de jouer avec mon frère et il est venu me parler la tête dans les épaules, un peu embêté… Et me dit 'Il me suce dans le lit et je n’aime pas ça'. C’était un choc thermique, j’étais sidérée."

Trois jours plus tard, son deuxième fils lui raconte que ce même demi-frère "lui a fait pipi dans sa couche, qu’il avait dû se laver la bouche et que c’était dégoûtant". Après avoir partagé ces révélations, le 20 juillet, son compagnon de l'époque l'a "mise dehors". Sans hébergement, elle perd alors ses deux emplois et dépose plainte le 5 août suivant contre le demi-frère de ses jumeaux pour "attouchements sexuels".

Un procès a eu lieu en mai 2022 - un autre en appel doit encore se tenir mais la date n’a pas été dévoilée - et le garçon a été reconnu coupable en première instance. Il est en revanche toujours autorisé à voir les jumeaux et n’a pas l’obligation d’être suivi psychologiquement. Élodie se dit tout de même "soulagée" car lorsque son ex conjoint à leur garde, il ne les met plus en contact avec leur agresseur.

Antoine et son ancienne compagne ont, comme Élodie, mis en place un système d'évitement des deux mineurs. Lorsqu’ils ont appris que leur fils avait incesté sa soeur, ils les ont directement séparés : "Quand elle est chez sa mère, il est chez moi et inversement", explique-t-il. Ils sont aujourd'hui suivis séparément par un pédopsychiatre.

Souad Amidou, présidente de l’association La Tanière, est mère de deux petites filles de l’âge de 12 ans. L’une d’entre elles, alors âgée de 4 ans en 2016, révèle avoir été agressée sexuellement par le fils de la compagne de son père, de 3 ou 4 ans son aîné. "Ils sont considérés comme des frères et sœurs d'éducation au niveau de la protection de l’enfant", indique-t-elle. À l’instar d’Élodie, elle se souvient parfaitement du jour où elle a appris le pire.

Ses filles se disputaient pour prendre la télécommande de la télévision et choisir le programme. L'une d'elle vient s'en plaindre, la mère lui suggère de faire confiance à sa soeur. La fillette s'interroge alors sur le mot "confiance" et Souad lui donne un exemple : "C'est quand tu me dis un secret et que tu sais que je ne vais pas le répéter". La petite fille répond alors "Sam* et moi ont fait des choses du sexe et de l’amour et j’aime pas". Sous le choc, Souad Amidou lui demande de répéter ce qu’elle a dit et enregistre avec son téléphone la conversation. "Elle m’explique que son demi-frère lui met son zizi dans la bouche quand la compagne du père de mes filles leur donne le bain, ou la nuit quand il vient la réveiller dans son lit." Ces révélations font l'effet d'une "claque" pour elle : "Le monde ne tourne plus, il s’arrête."

Depuis, Saoud a porté plainte contre le garçon pour "agression sexuelle" sur mineur de moins de 15 par un autre mineur de moins 15 ans, classée sans suite, et menace de mort sur mineur de moins de 15 ans - il aurait cassé le bras de la fillette alors qu’elle voulait parler des faits d’inceste à son père -. Après des années de batailles judiciaires, la militante, comme beaucoup d’autres mères qui dénoncent des faits d’inceste (voir l’affaire Priscilla Majani) a perdu la garde de ses enfants et ne les voit plus que lors de visites médiatisées (avec des éducateurs spécialisés ou des tisf (technicien de l'intervention sociale et familiale). Elle n'a vu ses filles que 24h en trois ans et demi.

L’urgence de soigner l’auteur comme la victime

Dans les cas d’inceste au sein d’une fratrie, il est nécessaire que la victime comme l’auteur des agressions sexuelles soient suivis par un pédopsychiatre. "Dans l’idéal, il faudrait prendre en charge tout de suite les enfants. L’agresseur doit intégrer que c’est grave et accéder ainsi à la culpabilité", développe Hélène Romano. Il est aussi important que le parent lui dise que "c’est inacceptable, interdit" et que la loi, adaptée à l’âge de l’enfant, soit rappelée : "C’est fondamental qu’il y ait un relais de la justice."

Hélène Romano regrette cependant qu’en France il n'y ait "quasiment aucun lieu de prise en charge" pour les auteurs mineurs de violences sexuelles contrairement au Canada qui a des hôpitaux spécialisés. Aussi, se désole-t-elle, "les enfants agresseurs font peur, peu de professionnels les prennent en charge". Pour Souad Amidou, le risque évident de ne pas prendre en charge les auteurs mineurs de violences sexuelles est le risque de récidive. À La Tanière, les bénévoles accompagnent des enfants auteurs et échangent avec eux notamment sur le "consentement". Même discours pour Élodie qui enrage de voir l’agresseur de ses fils non-suivi par un soignant : "Je pense que ce garçon est une bombe à retardement et ce qu’il a fait avec mes enfants il peut le faire avec d’autres."

Antoine témoigne de la difficulté qu’il a eu de trouver un pédopsychiatre pour son fils. Aidé par l’association La Tanière et après avoir appelé entre 30 et 40 spécialistes assure-t-il, ce père de famille a fini par en trouver un qui vit à 1h45 de route de chez eux et qui n'a finalement pas pu le prendre en consultation. "Il n’y a personne qui nous aide, on n’a pas de numéro à appeler. Même la cellule d'informations préoccupantes m’a dit 'Mais on ne sait pas quoi faire, ce que vous avez fait on ne peut pas faire mieux'", s’insurge-t-il. D’après lui, ce n’est pas que "les pédopsychiatries ne veulent pas prendre en compte les agresseurs, mais c’est qu’il n’y a même pas de réseau, d’organisme spécialisé" sur l’inceste entre frères et/ou soeurs.

La secrétaire d’État chargée de l’enfance, Charlotte Caubel, avance qu’elle et son équipe travailleraient sur la mise en place "de parcours de soins beaucoup plus construits pour les enfants et pour les adultes" qui ont vécu l’inceste. Concernant les auteurs mineurs "la protection judiciaire de la jeunesse" aurait, selon ses dires, relancé "des travaux" pour "travailler spécifiquement" avec eux.

Selon Hélène Romano, une thérapie familiale, en plus d’un suivi personnalisé, peut être nécessaire : "Dans un premier temps, on peut voir l’enfant victime avec ses parents. Et après avec l’auteur mais cela dépend de la dynamique familiale et de la reconnaissance de l’acte du mineur. On ne va pas mettre au même niveau l’enfant victime et l’enfant qui a agressé."

Participer à une thérapie familiale est "important" car cela signifie que les parents "partent du principe qu'il y a quelque chose qui a déraillé, un problème qui ne s'est pas bien intégré dans la dynamique familiale et qui fait qu’au lieu d’être protecteurs les frères ou soeurs ont été agresseurs". Par ailleurs, il arrive que les parents concernés finissent par se séparer : "Le couple implose. La situation est tellement violente, insupportable qu’ils se renvoient la responsabilité."

Les parents dénoncent une inaction du gouvernement

Antoine, comme tous les autres parents qui ont témoigné ici, se sont sentis "lâchés" par les institutions : "Il n’y a pas de procédure. Je voudrais que le gouvernement nous aiguille", défend-t-il. Élodie, qui fait maintenant partie d’une association de mères protectrices, est lassée de l’absence d’aide : "On peut appeler le 119 mais qu’est-ce qu’il y a derrière ? Rien", enrage-t-elle.

Anne Clerc souhaite que soit mise en place "une formation professionnelle initiale et continue obligatoire pour les gendarmes, les policiers, les magistrats, les enseignants, les pédiatres, les médecins et toutes celles et ceux qui vont côtoyer des enfants" et qui pourront révéler des faits d’inceste. Car ne pas être cru, ne pas être écouté, protégé, est une violence qui surplombe, parfois, la violence de l'inceste.

Élisa, lorsqu’elle était en maternelle, a été traumatisée par un rendez-vous avec un psychologue scolaire. Si elle ne se souvient pas de la conversation, elle se rappelle parfaitement sa "physiologie" et de ses mots violents : "Tu sais que c’est vilain de mentir. Est-ce que ce ne serait pas toi qui fantasmerais sur ton père ?". Petite fille, elle n’avait pas compris la définition du mot "fantasme" mais à l'intonation de sa voix et à son regard, Élisa a compris que le soignant face à elle niait sa parole : "Ce psychologue m’a projetée dans des années d’enfer."

Pour elle, les institutions françaises ne sont donc pas "une source de confiance". Elle réclame : "Dans un monde hypothétique où un gouvernement s’intéresserait à la condition de l’enfance et pas que de façon marketing mais réelle, il faudrait mettre en place de vraies structures à tous les niveaux, de la prise en charge de la parole de l’enfant à la formation des gendarmes." Élisa précise cependant que "beaucoup font un travail formidable" mais qu’ils manquent de "moyens".

En plus des formations, il faudrait faire de la prévention, donner des repères aux parents sur "l’éducation à la sexualité" et organiser "plus d’espaces d’accompagnement à la parentalité", ajoute ainsi Hélène Romano.

Du côté du gouvernement, Charlotte Caubel indique que "la formation dans les écoles existe déjà" et qu’elle a été "renforcée et précisée par les travaux de la Ciivise". Le numéro 119 pro destiné à l’ensemble des professionnels (culture, médecine, sport…) sera également bientôt mis en place, promet-elle. Celui-ci leur permettrait de mieux comprendre et repérer l’inceste. Davantage d’unités d'accueil pédiatrique dans les hôpitaux pour recueillir la parole de l’enfant doivent aussi être déployées. La femme politique affirme que ces lieux sont beaucoup plus adaptés qu’un commissariat.

* Les prénoms affichés sont des prénoms d'emprunt.

[Dossier] Inceste : l'indicible fléau qu'il nous faut regarder en face - 44 articles à consulter
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