Une nouvelle sous-culture masculiniste prend de l’ampleur : les Incels (contraction d'"involuntary celibates", célibataires involontaires).
Tandis que de plus en plus groupes de discussion entre hommes à la rhétorique antiféministe fleurissent sur la Toile, la pop culture s’est emparée de ce préoccupant sujet de société. Adolescence est devenue la deuxième série anglophone la plus visionnée sur Netflix, avec plus de 141 millions de viewers, le documentaire Dans le monde secret des Incels, a été diffusé dès 2019 sur la BBC, ou encore Les Incels sont-ils condamnés à ne jamais trouver l’amour ? plus récemment sur Arte, et en librairie, le thriller Comme une pilule empoisonnée (éditions du 38) d'Ana Kori plonge depuis janvier dernier les lecteurs dans ce "monde des hommes qui détestent les femmes".
Elliot Rodger, le premier Incel
Remontons aux origines du groupe. Celui-ci naît dans les années 1990, et prend de l’ampleur dans les années 2000, avec le développement des forums en ligne. C’est en mai 2014 que ce phénomène prend une tout autre dimension avec Elliot Rodger. Cet Américain de 22 ans tue six personnes à Isla Vista, en Californie, et en blesse quatorze autres, avant de se suicider, se remémore la BBC.
Derrière lui, il laisse une vidéo YouTube - depuis supprimée - dans laquelle il explique son passage à l’acte : "Tout ce que j’ai toujours souhaité, c’est d’aimer et d’être aimé par les femmes. […] Je vais maintenant punir tout le monde et montrer au monde ma vraie valeur."
Elliot Rodger rédige également un manifeste de 140 pages dans lequel il définit les règles des célibataires involontaires. Il devient alors la figure de proue du mouvement incel.
Après cette première attaque, d’autres suivront. En 2018, à Toronto, un homme renverse 25 personnes. Dix d’entre elles, majoritairement des femmes comme rapporte France Info, perdent la vie. L’enquête révèle que le responsable, Alek Minassian, fréquentait des groupes de discussion incels.
En 2020, Tres Genco, un Américain de l’Ohio, est arrêté in extremis alors qu'il s’apprête à attaquer des sororités. Il laisse derrière lui un manifeste intitulé "Une hideuse symphonie", dans lequel il promet de" massacrer des femmes par haine, jalousie et vengeance". Qu'il signe : "Tres Genco, l’incel en exil social".
Une idéologie fondée sur la haine des femmes
Étroitement lié au masculinisme, le discours incel repose sur des croyances misogynes et déterministes, "l’idée que toutes les femmes sont intrinsèquement manipulatrices et cherchent à exploiter les hommes", selon les mots de Matthew (pseudonyme), un ancien membre interrogé par la BBC. Ainsi, leur célibat serait la faute des femmes, qui leur "veulent du mal".
"Les incels se basent sur les faits, ils sont pragmatiques, pour explique Alexander Ash, modérateur d’un des principaux forums incels et défenseur du mouvement, interrogé par Le Parisien. Ils considèrent que notre apparence et notre comportement découlent de nos gènes." Une vision déterministe selon laquelle leur échec amoureux serait une condamnation génétique.
Les incels croient aussi au concept d’hypergamie féminine : selon eux, les femmes ont trop de liberté, alors qu'eux, seraient "les grands oubliés de la société". Pour eux, "les femmes ne subissent aucune pression dans cette société. Elles sont sans cesse au centre des attentions : charge mentale, salaire, égalité…", analyse l’autrice Ana Kori. Parallèlement, ils glorifient le rôle de l’homme, qu’ils voient comme "le sauveur de l’humanité", car "sans toute cette testostérone, l’espèce humaine se serait éteinte", précise-t-elle.
Des forums masculinistes qui comptent de plus en plus d'adeptes
Ces hommes se regroupent sur des forums pour échanger. Le Center for Countering Digital Hate (CCDH) a mené une étude sur l’un d’eux pour en mesurer l’ampleur : "Le 'Forum Incel' (nom d’emprunt) reçoit en moyenne 2,6 millions de visites mensuelles, avec 17 000 membres. Le discours est animé par 406 'utilisateurs expérimentés', qui produisent 74,6 % des messages. Certains y passent plus de 10 heures par jour. Des garçons d’à peine 15 ans sont parfois entraînés dans cette spirale de haine."
Une autre étude du CCDH, menée en 2025, révèle que le nombre d’hommes sur ces forums "a presque doublé depuis 2022, atteignant 30 000 membres". Le rapport note également "2,7 millions de visites au premier trimestre 2025, un pic inédit".
Pour Ashley Mattheis, chercheuse en sciences sociales à l’université de Caroline du Nord interrogée par Le Parisien, la montée en puissances des incels résulte d’une réaction au féminisme : "Les incels pensent que l’émancipation des femmes menace les droits des hommes."
- Votre magazine en version numérique en avant-première (+ les anciens numéros)
- Tous les contenus du site en illimité
- Une lecture zen avec publicité réduite
- La newsletter spéciale abonnées qui vous fera part :
- Des jeux-concours exclusifs
- De nos codes promos exclusifs
- Des invitations aux événements Marie Claire
VOTRE PACK BEAUTÉ & BIEN-ÊTRE
- 10 € de réduction sur la Box Beauté Marie Claire du moment
- 3 mois gratuits sur Le Tigre : Yoga, pilates, relaxation ... sans modération !