26 octobre 2022. Laurène, alias @laulevy sur TikTok, publie une vidéo parodique mettant en scène des conversations vécues avec des esthéticiennes d'un institut de beauté.
Des internautes ont par la suite partagé leur propre vécu, témoignant parfois d'une approche rude de la part des professionnel.les.
Les esthéticiennes sont-elles sensibilisées sur le respect des client.es quelles que soient leurs différences ? Des cours de bienveillance sont-ils donnés en formation ? La réponse est "non", nous explique Isabelle Fischer, directrice du Campus de l'Esthétique et du Spa. Et de préciser : "Nous partons du principe que le respect de chacun est censé être la base du métier. Toutefois, dès les premiers jours de formation, les professeurs leur expliquent qu’il existe toute sorte de morphologie, parlent de handicap et des différentes formes de pilosité et essaient d’en parler quasiment à chaque cours."
Mais alors, pourquoi ces remarques persistent ? "Cela dépend des personnalités de chacun et il y a des mauvaises personnes dans chaque corps de métier", regrette la directrice.
Des femmes blessées par des attitudes ou propos déplacés ont accepté de partager leur histoire avec Marie Claire. Témoignages.
Manon, 25 ans : "Ce jour-là, j’ai commencé à haïr mes jambes"
"Il y a dix ans, j’avais 15 ou 16 ans, et comme beaucoup de jeunes filles de mon âge, j’essayais de me familiariser avec mon corps, avec mes envies et mes complexes. Je me souviens très bien de cette journée. C’était l’été, et je voulais m’offrir une épilation dans un institut pour enfin oser sortir en robe ou en short, sans avoir honte de mes jambes.
Ce devait être un moment pour moi, une première étape vers une meilleure confiance. Mais cela a pris une tout autre tournure. L’accueil a été froid, presque brutal. Les regards des esthéticiennes étaient pleins de jugement, mais c’est surtout celle qui s’est occupée de moi qui m’a marquée. Une fois rentrée dans la cabine, elle m’a demandé pourquoi je voulais me faire épiler. Je lui ai expliqué simplement que je voulais pouvoir porter autre chose que des pantalons en été, que j’en avais assez de cacher mes jambes.
"Il faut déjà commencer par maigrir", a-t-elle lancé. Des mots qui m'ont beaucoup heurtée. Je n’ai pas compris tout de suite. J’ai essayé de répondre, de me justifier : je lui ai parlé de mes jambes, de ma rétention d’eau, de ce qui me semblait être une explication logique à leur aspect.
À l’époque, je ne savais pas que je souffrais d’un lipœdème, une maladie chronique qui, malheureusement, reste encore si peu reconnue. Mais elle a balayé mes mots avec une certitude glaçante : "Ce n’est pas de la rétention d’eau, c’est de la graisse. Vous n’avez même pas de chevilles."
J’étais pétrifiée, incapable de répondre. J’ai subi ces remarques en silence, mal à l’aise, dévastée. Ce qui aurait dû être un moment d’apprentissage et de soin pour moi s’est transformé en un moment humiliant. J’avais déjà des complexes, comme beaucoup d’adolescentes, mais jamais, je n’avais pensé que mes jambes étaient "horribles". C’est ce jour-là que le vrai complexe est né. Ce commentaire a eu un impact profond sur la relation à mon corps. J’ai commencé à haïr mes jambes et j'ai passé des années à les cacher, à éviter les jupes, les robes, les shorts. Même aujourd’hui, à presque 26 ans, ces mots résonnent encore."
Wiem 26 ans : "J'avais mal, elle râlait et me disait de prendre sur moi"
"C'était il y a deux ans. Je voulais me faire épiler avant de partir en vacances et j'ai précisé à l'esthéticienne que j'étais sensible au niveau du maillot, que j'avais des craintes. Malgré ces précisions, elle s'en fichait. Elle m'a fait mal au point où j'en pleurais. Elle n'a pas voulu arrêter et a continué jusqu'au bout. J'ai dû me lever pour dire stop.
Je n'ai pas eu de mots d'excuse, pas de signes de compassion. Au contraire, elle râlait et me disait de prendre sur moi, elle était méchante et malpolie. Première et dernière fois pour moi dans un institut".
Marjorie, 27 ans : "Je me suis sentie extrêmement gênée et mal à l’aise"
"À l'époque, je faisais de la pole dance, j’avais donc de nombreux bleus, notamment à l’intérieur des cuisses, du fait de devoir tenir la barre avec mes jambes. En allant me faire épiler, l’esthéticienne a fait de grosses allusions sexuelles à ces bleus en me lançant : "Je vois qu’il y en a qui s’amusent bien au lit !".
J’avais 19 ans, je me suis sentie extrêmement gênée et mal à l’aise. J’ai tenté de me justifier, mais je sentais qu’elle ne me croyait pas."
Elsa*, 21 ans : "Depuis, je n’ai plus envie de prendre rendez-vous avec une esthéticienne"
"J’étais en BTS esthétique et j’avais demandé à effectuer un stage dans un institut de beauté en Lozère. J’étais entourée d’esthéticiennes qui conseillaient les client.es sur les parfums, les crèmes, etc. Mais qui avaient également des rendez-vous tout au long de la journée pour épiler des clientes.
Très souvent, pour ne pas dire tout le temps, lorsqu'elles voyaient les noms des clientes qu’elles allaient recevoir dans l’après-midi, elles se mettaient à ricaner et à faire des remarques déplacées. Par exemple, elles critiquaient les clientes qui avaient pris du poids ou disaient : "Oh non, pas cette cliente, elle a de fortes odeurs."
Ce qui m’a le plus choquée, c’est ce qui s’est passé un jour, après qu’une cliente est partie. Une esthéticienne s’est tournée vers sa collègue qui venait de s’occuper de la cliente et lui a demandé : "Alors, cette fois-ci, elle n’était pas trop puante ?"
Ce à quoi elle a répondu en rigolant : "Ne m’en parle pas, je déteste l’épiler, elle a des odeurs tellement fortes. Une fois, elle s’est penchée et j’ai vu toutes ses pellicules tomber, comme si c’était de la neige. Ça m’a donné des hauts-le-cœur."
J’étais choquée par ces comportements. Depuis, je n’ai plus envie de prendre rendez-vous avec une esthéticienne de peur d’être moquée à mon tour. Ces professionnelles, obligées de faire bonne figure devant les clientes, se permettent ensuite de critiquer ouvertement leurs défauts au point que tout le salon est au courant de leur vie. Cela m’a poussée à me demander : pourquoi faire ce métier si c’est pour manquer autant d’indulgence et de respect ?"