Pour moi, tout a débuté fin février. "Tanissia, ça te dit de tester l’Hyrox et d’en faire un article ?". Oui, trois fois oui. Depuis un an et demi, je regarde l’engouement autour de cette compétition grandir, en pensant que jamais, non jamais, je ne serai capable de m’y inscrire.
Les premières personnes que je connais à y avoir participé sont deux coachs sportifs, Maë et Maxime. Taillé-e-s en V, ultra rapides, ultra musclés, iels savent tout faire : courir plus vite que la lumière, porter l’équivalent d’une voiture à mains nues et enchaîner 1 000 burpees en apnée. Autrement dit, ce sont des machines et moi une simple mortelle.
Et puis, sur Instagram ou au fil de discussions avec des amie-e-s, je me suis rendue compte que des personnes dont le sport n’est pas le métier participent aussi aux compétitions. C’est le cas de Carlos, 34 ans, attaché de presse dans la mode, qui a découvert l’Hyrox en 2023.
"C’est une coach de ma salle de sport qui m’a recommandé de m’y intéresser. La première fois que je m’y suis inscrit, c’était en duo. Depuis, j’ai fait l’épreuve en solo, en catégorie pro et en relais", raconte-t-il.
Comme lui, j’ai rendez-vous au Grand Palais le 20 avril 2025 pour me frotter à cette compétition à laquelle je participerai avec Jessica, une autre journaliste. Le concept est simple. Il s’agit d’enchaîner 1 km de course avec un exercice de force ou de cardio. Une formule à répéter huit fois avant de pouvoir se réclamer "Hyrox Finisher".
Ce qu’Hyrox appelle "des stations d’entraînement fontionnel" ? Dans l'ordre, 1 000 m de SkiErg (un appareil vertical de ski indoor), 50 m de sled push (ou poussée de traineau), 50 m de sled pull (un traineau lesté à tirer avec une corde), 80 m de burpees broad jump (des burpees suivis d’un saut vers l’avant), 1 000 m de rowing (le fameux rameur), 200 m de farmers carry (une marche ou course avec un poids dans chaque main), 100 m de fentes et 100 wall balls (un squat profond suivi de l’envoi d’une balle lestée sur une cible). Des exercices que les habitué-e-s des salles de sport connaissent bien, dont les charges varient en fonction de la catégorie des participant-e-s (homme, femme, mixte, pro ou amateur).
"Les fondateurs de l’Hyrox, Christian Toetzke et Moritz Furste, sont partis du constat que dans l’univers du fitness, il n’y avait pas de compétition qui correspondait à la pratique quotidienne des sportif-ive-s. Ils ont donc voulu créer un format de course qui comprenne des exercices accessibles à tous-tes, sans véritables barrières techniques ", explique Héloïse Pericard, chargée du marketing pour la filiale française l’entreprise.
En 2017, les deux hommes organisent la toute première édition de l’Hyrox à Hambourg, là où le siège de la société est aujourd’hui installé. Les participant-e-s sont peu à prendre part à l’événement : moins de 200 personnes font le déplacement. Ce qui n’empêche pas le duo de croire dur comme fer à leur concept et d’essayer de le développer au niveau international. Leur premier objectif, c’est de conquérir le marché américain. Un projet ralenti par la pandémie de Covid-19. Mais dès que les rassemblements reprennent, les entrepreneurs se remettent à l’attaque. D'autant que les mois de confinement ont révélé les aspirations sportives de la population, qui s’est entraînée de longues heures à la maison avant de retrouver avec plaisir la foule et les salles de sport.
De la porte de Versailles au Grand Palais
En France, le concept Hyrox met un peu de temps à débarquer. La première compétition a lieu en novembre 2023, au Parc des expositions de la porte de Versailles, à Paris. Précédé par sa notoriété, le concept, qui a déjà été adopté par les Britanniques et les Américain-e-s, réunit 3 500 athlètes. "Nous avions identifié des ambassadeur-rice-s qui étaient susceptibles d’apprécier cette pratique-là pour en parler sur leurs réseaux sociaux. L’événement suivant s’est déroulé à Bordeaux, en avril 2024, puis à Nice, une date qui a été sold out très vite. Au Grand Palais, 12 000 athlètes et 15 000 spectateur-rice-s ont acheté leurs tickets", détaille Héloïse Pericard. Un succès qu’elle assimile à un cercle vertueux : "Plus la renommée de l’Hyrox grandit, plus le grand public se rend compte que la compétition n’est pas aussi inaccessible qu’elle en a l’air de prime abord".
D’autant qu’il existe des formats différents : les pros ont leur session, les amateur-rice-s la leur. Il est par ailleurs possible de s’inscrire en solo, en duo ou en équipe de quatre. Ces deux dernières configurations permettent de répartir l’effort (en duo, le travail sur les stations peut être partagé à la guise des participant-e-s, en revanche, tout le monde court 8 km; en équipe, la course est découpée entre les participant-e-s).
Alors bien sûr, une personne qui n’a jamais mis les pieds dans une salle de sport sera bien en peine lorsqu’il faudra enchaîner les fentes lestées et les burpees broad jump. Mais en connaissant quelques mouvements de base et avec une préparation convenable au run, c’est faisable. C’est d’ailleurs la recette que j’ai suivie : en guise d’entraînement, ma pratique habituelle de la course (3 ou 4 sorties par semaine) et du renforcement musculaire (1 ou 2 séances hebdomadaires). Pas plus, pas moins que ma routine hebdomadaire, donc, et surtout, aucun entraînement spécifique.
C’est à peu près ce que m’a conseillé de faire Laura Epsztein, coach sportive qui a elle-même participé à l’Hyrox plusieurs fois. "Le mieux, c’est de former un binôme avec quelqu’un de ton niveau ou légèrement plus rapide. Ensuite, il faut avoir en tête qu’en duo, ce qui est le plus dur, c’est le run. Donc il vaut mieux axer la préparation sur la course et ajouter du renforcement musculaire pour les exercices type sled. Sans oublier de s’économiser sur les stations comme le rameur et le ski qui doivent te permettre de faire de la récupération active". Elle ajoute : "Les duos, c’est la meilleure configuration, parce que vous galérez, mais vous partagez votre galère et vous vous poussez pour aller à fond !"
Malgré ses bons conseils, quelques jours avant la date fatidique, l’inquiétude commence à se faire sentir. Est-ce que je n’aurais pas un peu présumé de mes capacités physiques ? La compétition se déroule du 18 au 20 avril, et dès le premier jour, les images sont partout sur Instagram. Des centaines de machines et des athlètes qui enchaînent les tours sous les verrières du Grand Palais. Mais pour découvrir l’ambiance folle qui a pris d’assaut l'institution culturelle parisienne, il faut s’y rendre.
Le lieu, qui accueille deux fois par saison les défilés de la maison Chanel, bourdonne sous les encouragements du public, venu encourager famille et ami-e-s à grand renfort de cris, de tatouages Puma – l’équipementier est l’un des partenaires d’Hyrox – et de pancartes en carton. À l’accueil, chaque sportif-ive se voit inscrire un numéro sur l’avant-bras avec son heure de passage et remettre une puce à accrocher à sa cheville. Ensuite, tout est timé : 30 minutes avant le départ, iel a accès à la zone d’échauffement, qui comprend tapis de course, poids, sleds et vélos d’intérieur. À H-10 minutes, il faut se rendre dans le sas et attendre le coup d’envoi pour rejoindre la piste, alors que d’autres participant-e-s parti-e-s dans une salve précédentes sont en train de courir.
Et puis… Let’s go. Pendant 1h33’41, Jessica et moi avons découvert le drôle de monde de l’Hyrox, les juges qui corrigent les positions litigieuses (attention aux pénalités !), les incertitudes quant au nombre de kilomètres parcourus à la course (il faut compter ses passages sous une arche jaune, c’est assez nébuleux), les litres de sueurs expulsés et tout autant de boisson énérgisante avalés.
Notre méconnaissance du format est flagrante : là où nos concurrentes savent comment se placer pour être le plus efficace et quel mouvement leur fait gagner en force, nous perdons du temps sur des détails, nous posons des questions aux arbitres, nous effectuons un tour de Grand Palais supplémentaire… Bref, nous sommes venues là en touristes, ne manquent que la banane et l’appareil photo. Résultat : nous nous classons 823e sur 989 duos féminins. Une performance à la hauteur de nos ambitions, à savoir boucler l’épreuve.
Pas de profil type
Autour de nous, les participant-e-s se félicitent et se tombent dans les bras. Sur tous les visages, la même joie – slash soulagement – d’être arrivé-e jusqu’à la ligne d’arrivée. Cette caractéristique commune mise à part, il faut le dire, personne ne se ressemble. Les finishers ont des âges et des morphologies très disparates, de la fit girl au timide débutant.
"C’est vraiment une discipline grand public, avec des femmes de 75 ans qui le finissent en 2h30, des coureur-euse-s qui performent, des fans de crossfit, des néophytes…", analyse Laura Epsztein. Héloïse Pericard abonde dans son sens : "Pour beaucoup, l’Hyrox est une façon de se mettre au sport avec un objectif palpable, celui de participer à la compétition. Comme les progrès sont mesurables, c’est très motivant."
Autre particularité : les personnes en situation de handicap prennent part à la compétition en même temps que les autres participant-e-s. Elles étaient une trentaine à s’aligner sur la ligne de départ à Paris, accompagnées d’un-e juge sur les différentes stations pour adapter les appareils si besoin.
Un mix d’inclusivité, d’adrénaline et de dépassement de soi, recette du cocktail addictif qu’est devenu l’Hyrox. Carlos, qui en est à sa huitième participation, témoigne : "À chaque fois que j’arrive sur le lieu de l’événement, je me demande ce que je fais, à courir en rond à 8 h du matin. Et puis, au fur et à mesure, l’excitation monte, l’envie de performer aussi. Comme les épreuves sont toujours les mêmes, je me challenge un peu plus à chaque fois. Dès que je passe la ligne d’arrivée, comme la plupart des concurrent-e-s, je récupère mon téléphone [ils sont interdits pendant la compétition, ndlr] et je regarde si j’ai amélioré mes temps".
C’est l’une des grandes réussites de l’Hyrox. Malgré un site Internet cryptique, l’entreprise allemande a réussi à mettre en place une page "Résultat" bourrée de datas, du genre à plaire aux trentenaires accros à leurs montres connectées et à leurs comptes Strava. Y figurent les chronos de chaque station, de chaque km et de chaque passage dans la Roxzone, espace de transition à traverser entre les différents rounds.
Pour les optimiser d’une compétition à l’autre, voire pour passer en pro, pas de secret : il faut s’entraîner. Ça tombe bien, de plus en plus de salles proposent des cours dédiés. C’est le cas du Vestiaire, studio de sport installé à Vincennes. "Depuis janvier 2025, nous proposons dix créneaux par semaine pour se préparer à l’Hyrox. La marque nous fournit des trames de training, nous met en avant sur ses réseaux sociaux et dispose d’une carte des clubs affiliés sur son site Internet", explique Clément Angot, le co-fondateur du lieu. Conséquence de cette exposition à 360° : "Les sessions sont bien remplies et ont permis à une nouvelle clientèle de découvrir le Vestiaire". L'adresse fait partie des 604 établissements sportifs affiliés (ils étaient 12 en 2023), parmi lesquels ceux de la chaîne Fitness Park, par ailleurs sponsor de la compétition.
Trainsweateat, l'application de fitness fondée par la coach Sissy Mua, est pour sa part partenaire digital de l'Hyrox depuis septembre 2024. Sur sa plateforme, des programmes d'entraînement sont désormais disponibles avec des explications vidéos que j'aurais mieux fait de consulter avant le jour J plutôt qu'au moment de la rédaction de cet article. Alors à mes courbatures et moi, il ne reste plus qu'une chose à faire : enfiler lesbottes de récupération de Therabody, spécialiste de la technologie bien-être et sponsor de la course pour la saison 2024/2025. Sans oublier de m'inscrire à la compétition qui se tiendra dans la capitale française à l'automne prochain. Rendez-vous le 23 octobre 2025 !