Des granules sucrés fondants. Des petits tubes colorés estampillés de chiffres et des célébrissimes lettres capitales, CH. Est-ce le côté ludique de l’homéopathie qui séduit tant les Français? Ou son principe de médecine douce nimbée de la magie d’actifs si dilués qu’on se demande comment ils font effet ?
Malgré la théorie de l’effet placebo colportée par un grand nombre d’études scientifiques et les différentes campagnes visant à destituer (et dérembourser) l'homéopathie, "les Français sont de moins en moins sceptiques. Plus de 40% d’entre eux y ont recours, régulièrement ou non", constate le médecin homéopathe et enseignant Franck Choffrut interrogé en 2017, qui explique cet engouement par l’efficacité de ce mode de soin.
Homéopathie : des traitements sans effets secondaires
"Ne présentant aucun effet secondaire ou indésirable, l’homéopathie est très prisée chez l’enfant et la femme enceinte. Elle marche aussi pour certaines maladies chroniques sur lesquelles l’allopathie peine, tel les otites à répétitions chez l’enfant, les infections ORL ou respiratoires récidivantes." Les mini granules sont appelées à la rescousse en cas de règles douloureuses, ou de maux liés à la péri ménopause. "L’homéopathie ne supprime pas tous les symptômes mais en atténue l’intensité et la fréquence", cadre le médecin.
À l’inverse, elle est inefficace sur les maladies comme une insuffisance rénale, un problème de thyroïde important, un cancer. Certains services de cancérologie intègrent toutefois l’homéopathie dans le protocole thérapeutique afin de soulager les effets secondaires des anti cancéreux, par exemple les vomissements.
La loi de la similitude : à chaque symptôme, une substance active
Comment ça marche ? Grâce à trois principes mis au point à la fin du XVIIIe siècle par Samuel Hahnemann. Le médecin allemand découvre qu’une même substance provoquant une série de symptômes chez une personne en bonne santé guérira un malade ayant des symptômes identiques. C’est la loi de la similitude.
Il teste alors de nombreuses substances d’origine minérale, végétale ou animale sur des individus sains, et étudie les manifestations qu’elles provoquent. Ainsi, la caféine préviendrait des insomnies. Le venin d’abeille agirait contre les piqures et les allergies.
Une médecine holistique sur mesure...
Seconde loi majeure de l’homéopathie : l’individualisation. Le patient doit être examiné de manière holistique, aussi bien côté corps que mental ou émotionnel. "L’interrogatoire du médecin s’intéresse aussi à l’hygiène de vie, aux problèmes digestifs, cutanés, au sommeil sans oublier le moral", détaille le médecin.
Ce "portrait robot de la maladie" permet de lui associer un médicament homéopathique parfois en panachant les actifs et les dilutions, qui corresponde précisément au patient traité. Autrement dit, deux malades souffrant du même rhume pourront avoir besoin de traitements différents. De même, une maladie ne sera pas abordée de manière identique selon qu’elle présente des symptômes ponctuels, récurrents ou chroniques.
... qui fonctionne comme les vaccins
Autre principe cher à l’homéopathie : la dilution. "Hahnemann considérait la maladie comme un déséquilibre bouleversant l’organisme", explique Franck Choffrut. Pour le médecin homéopathe "L’idée était de faire intervenir une force extérieure plus forte pour la chasser. Exactement comme le fait la vaccination : on apporte à l’organisme une maladie artificielle plus forte que la maladie naturelle en diluant l’actif pour ne pas créer de dégâts". Ce que racontent les fameux degrés de dilution au centième, chiffrés en CH sur les tubes. "1 CH équivaut à mettre 1% d’une macération de la substance dans 100% de solvant neutre que l’on secoue très fort pour la dynamiser".
Quant au sucre, la dose reste minime, elle ne déclenche pas d’intolérance au lactose ni de souci en cas de diabète. Il se dissous très vite sous la langue, permettant aux actifs d’être assimilés par le système de circulation sublingual.
On conseille une prise à jeun pour plus d’efficacité. Une fois les granules fondus, on mange ce qu’on on veut. La menthe, le café ou l’alcool ont la réputation d’être vaso constricteurs. Il suffit d’attendre 20 minutes après leur consommation. De même après l’utilisation d’un dentifrice mentholé.
L’auto-prescription homéopathique sous certaines conditions
Les granulés sont remboursés à hauteur de 30 % par la Sécurité Sociale, mais de nombreuses personnes les achètent en pharmacie sans ordonnance pour soigner les petits maux au quotidien. Franck Choffrut a écrit un livre de référence sur le sujet : Guide d’homéopathie pour l’auto-prescription (ed. Dangles).
"L’auto-prescription en homéopathie est envisageable pour guérir essentiellement les "petites maladies" de types aigues et accessibles à l’auto diagnostic, conclut notre spécialiste. Il n’est donc pas question de s’auto médicamenter, par exemple, en cas d’otite, celle ci requérant un examen du tympan. Comme on ne s’amuse à jouer les apprentis sorciers en cas de récidive ou de symptômes qui trainent. Il faut un traitement de terrain".
Informations importantes
La médecine conventionnelle repose sur la prescription de médicaments dont l’efficacité a été démontrée et validée scientifiquement par des essais cliniques dans les indications considérées. Les médicaments homéopathiques ne s’appuient pas sur la médecine basée sur les preuves, mais sur la notion d’usage traditionnel. Afin de pouvoir être commercialisés, les médicaments homéopathiques doivent avoir fait l’objet d’un enregistrement ou posséder une autorisation de mise sur le marché (en savoir plus sur http://solidarites-sante.gouv.fr/).
Pour des pathologies graves (cancer) ou chez les personnes à risque (nourrisson, enfant, personnes âgées ou atteintes de maladies chroniques), l’homéopathie peut être utilisée en complément mais jamais en remplacement des médicaments non homéopathiques prescrits par un médecin. L’arrêt de ces derniers au profit de médicaments homéopathiques pourrait interférer de façon préjudiciable sur l’évolution de ces pathologies.
Au moindre symptôme et avant toute prise d’un traitement, il est nécessaire de consulter un médecin inscrit au tableau du Conseil de l’ordre des médecins.