Le 9 mars 2025, deux événements avaient lieu en simultanée dans les rues de la capitale. C’était le septième jour de la fashion week automne-hiver 2025-2026. Pendant que les gens de la mode assistaient au défilé Lacoste qui se tenait dans l’enceinte de Roland-Garros, 48 000 personnes prenaient le départ du plus grand semi-marathon du monde, à Paris. Pendant 1h00'16 secondes pour le coureur le plus rapide, 2h en moyenne, elles ont foulé les routes goudronnées du bois de Vincennes, arpenté les quais de Seine avant de finir sous les applaudissements du public sur les pavés de la Bastille.
La particularité de cette édition ? Elle était, pour la première fois de son histoire, sponsorisée par Hoka. Un partenariat pensé pour accroître la renommée de l’équipementier en France. À regarder les pieds des runner-euse-s aligné-e-s sur la ligne de départ, la marque n’est pas inconnue de la communauté sportive tricolore. Il faut dire que c’est au sein des frontières hexagonales, et plus précisément à Annecy, que l’entreprise a été créée en 2009. Ses fondateurs ? Deux passionnés de trail, Jean-Luc Diard et Nicolas Mermoud, passés par l’entreprise savoyarde Salomon. Le duo, qui participe alors souvent à des courses en Europe, s’inscrit à une compétition sur l’Etna, en Italie. A l’arrivée, surprise, ils ont considérablement amélioré leurs records personnels.
Très intrigués par leurs performances, ils décident de l’étudier et se rendent compte que le jour de l’événement, une fine couche de roche s’était posée sur le tracé. Dès lors, ils développent une idée fixe : reproduire l’épaisseur et l’amorti de la pouzzolane, c’est le nom de ces fragments de minéral naturel, sur une chaussure.
Ce coup de génie n’est pas, mais alors pas du tout dans l’air du temps. Ce qui est en vogue, à l’époque, c’est le minimalisme total et les Fivefingers de Vibram qui donnent à leurs propriétaires l'impression de courir pieds nus, quand ces dernier-ère-s ne font pas, justement, le choix de s’entraîner sans chaussures (à ce sujet, lire l’enquête Born To Run de Christopher McDougall). Autant dire que les baskets à grosses semelles de Jean-Luc Diard et Nicolas Mermoud ne sont pas taillées pour susciter l’enthousiasme.
Pourtant, les deux hommes y croient et décident de lancer leur première basket sous le label Hoka One One (prononcer "oné oné", nom qui a pour signification en maori "planer sur terre"). Elle réunit trois éléments : une semelle intermédiaire oversize appelée Cushion Midsole, une semelle rocker très prononcée en forme de banane inspirée du freeski pour faciliter la foulée et une semelle intérieure creusée pour un effet siège baquet. Son nom ? La Mafate, en clin d’œil au cirque naturel du massif du Piton des Neiges, sur l’île de la Réunion.
Contre toute attente, elle plaît beaucoup, surtout aux pros du trail, qui enchaînent les performances en compétition. Si personne n’a rien à redire sur la technicité de la chaussure, son design interroge. Couleurs criardes et semelles XXL valent à la marque les critiques des coureur-euse-s et de la presse. Les Mafate, elles, sont estampillées "ugly shoes". Exactement comme les bottes fourrées Ugg et les sandales de trek Teva que possède une boîte états-unienne du nom de Deckers. Alors en toute logique, l’entreprise s’offre Hoka quatre après la création de la marque. Un pari visionnaire, puisqu’en 2024, la petite frenchy a réalisé 1,87 milliard de dollars de ventes, un chiffre d’affaires en hausse de 28 % par rapport à l’année fiscale précédente.
L'une des marques de sport les plus performantes de l'histoire
Une réussite qui place Hoka sur le podium des marques de sport performance à la plus forte croissance de l’histoire. La recette de ce succès ? Jean-Luc Diard et Nicolas Mermoud, accompagnés de Christophe Aubonnet, encore aujourd’hui directeur de l’innovation de l’équipementier, s’entourent d’athlètes qui, Bondi aux pieds, enchaînent les victoires et les têtes de classement lors des compétitions. Un vrai gage de confiance pour le grand public, qui se prend de plus en plus de passion pour la course à pied.
Les raisons de cet engouement sont multifactorielles : les confinements dus à la pandémie de Covid-19, les messages de santé publique sur la sédentarité de la population, l’essor d’applications sportives ludiques comme Strava et les Jeux olympiques de Paris pour ne citer qu'eux. En 2024, la part de la population française qui déclarait avoir une activité physique régulière était 6 point supérieure à celle de 2018. La course à pied, discipline dont la pratique est gratuite (à l’exception de l’équipement, notamment des fameuses baskets) a le vent en poupe. Les compétitions se multiplient : une cinquantaine sont prévues dans la capitale au cours des douze prochains mois, d’après le site Finishers.
Let's Fly Paris
Le semi-marathon de Paris n’est pas la première épreuve qu’Hoka sponsorise. Depuis 2022, la marque soutient l’UTMB, Mecque des traileur-euse-s et d’un public ultra-spécialisé, qui se tient chaque été à Chamonix. En novembre 2024, c’était au 10 km de Paris Centre qu’Hoka associait son nom. Une distance en plein essor pour son accessibilité – avec un entraînement régulier, boucler la distance est possible pour les débutant-e-s. Le semi-marathon et ses 21,097 km ont cette fois l’avantage de s’adresser à un public large qui, à Paris, se féminise d’année en année (en 2025, 44 % des participant-e-s étaient des femmes contre 35 % en 2022). Pour Hoka, cette distance est aussi l’occasion de déployer sa présence (T-shirts offerts aux coureur-euse-s à leur inscription, arches, dossards, etc.) sur un parcours deux fois plus long que celui d'un 10 km.
En réalité, faire découvrir Hoka au grand public est ce à quoi s’emploie la marque depuis plusieurs années, désormais. Par un drôle alignement des planètes, depuis la deuxième partie des années 2010, le sportswear brille plus fort que jamais sur la scène mode, porté par des figures comme le créateur Virgil Abloh. La ferveur autour des sneakers, de plus en plus imposantes, de plus en plus marquées, concoure à cette popularisation. Son acmé : la tendance des dad shoes, circa 2018, relevées par un peu de gorpcore, cette mouvance qui fait la part belle aux pièces de randonnée à la ville.
"La dad shoe, c’était une première étape, qui a habitué l’œil à ces baskets XXL. L’engouement autour de la course à pied que le Covid-19 a engendré a fait le reste", confirme Benjamin Maechling, acheteur sneaker au Bon Marché Rive Gauche.
Sur la route du succès
En réalité, les cendres de l’Etna ont commencé à faire leur travail un peu avant que le monde ne fasse la connaissance du coronavirus. Pour que les braises prennent également dans l’univers du lifestyle, Hoka initie des collaborations avec des acteur-rice-s de la mode. C’est d’abord le jeune créateur londonien Kiko Kostadinov qui fait monter l’équipementier sportif sur le podium de son tout premier défilé, chaussant tous ses mannequins de la même basket de randonnée noire. Dans la foulée, la propriété de Deckers noue son tout premier partenariat avec la marque new-yorkaise Engineered Garments. Le fondateur de la griffe, Daiki Suzuki, est lui-même fan d’Hoka depuis plusieurs années. En mars 2018, il réinvente le modèle Hupana en six coloris différents, puis, quelques mois plus tard, revisite la Tor Ultra Lo. C’est le début d’une longue liste de collections capsule avec des créatif-ive-s et des marques pointues. Comme les labels Moncler, Reformation et Satisfy Running, mais aussi la designer américaine Nicole McLaughlin ou encore la créatrice britanno-irannienne Paria Farzaneh.
En parallèle, Hoka commence à développer en interne un pôle dédié au lifestyle. En 2022, l’équipementier se dote d’un directeur produit, Travis Wiseman, et décide de se focaliser sur l’élaboration de chaussures aux mêmes caractéristiques (confort et utilité) que les baskets de trail ou de running, avec ce petit twist en plus susceptible de séduire les modeux-euses. "Cette notion d’esthétisme se retrouve dans le choix des matériaux et des couleurs. Parfois, nous modifions même légèrement la sneaker pour qu’elle corresponde davantage à un produit lifestyle", explique Travis Wiseman. Reste que quoiqu’il arrive, Hoka a en tête la fonctionnalité de chacun de ses modèles.
"Toutes les chaussures que nous fabriquons ont celle semelle type rocker qui propulse vers l’avant", détaille le dirigeant. À l’inverse, les équipes performance empruntent-elles quelques idées à celle de Travis Wiseman ? "De plus en plus souvent. En plus d’être rapides et d’offrir une bonne tenue de pieds, les baskets de course doivent avoir l’air cool, désormais", confirme l’intéressé. "En fait, il y a un échange de connaissances et d’informations entre les deux teams pour être sûr de combler les besoins de la clientèle de manière différente, mais aussi d’un point de vue holistique", poursuit-il.
Ruddy Trobrillant, ambassadeur de la marque, confirme : "Si je consomme des articles Hoka, c’est que je veux performer mon lifestyle autant que je souhaite performer lorsque je cours un trail". Le jeune homme, qui a monté Power Up, un "mouvement de personnes qui se retrouvent pour partager des émotions autour du sport", insiste : "Une même paire de baskets Hoka me sert aussi bien dans la vie de tous les jours que pour m’entraîner".
Au Bon Marché Rive Gauche, le constat est un peu le même : "Les modèles que nous vendons le plus sont la Mafate [une basket de trail, ndlr], la Bondi et la Clifton [deux produits pour la course sur route, ndlr], présentés dans l’espace souliers du grand magasin", précise Benjamin Maechling.
Cap sur Paris
Chez Hoka, Travis Wiseman constate que ces pièces trouvent une résonnance toute particulière dans les grandes villes de la mode, New York, Séoul et Paris pour ne citer qu’elles. La capitale française joue d’ailleurs un rôle essentiel dans la crédibilité d’Hoka. C’est là qu’au cours de la fashion week homme, la marque organise chaque saison son showroom. Là aussi qu’en 2024, Hoka a ouvert son tout premier magasin hexagonal. Une adresse de 140 m2 installée au 35, boulevard des Capucines, en lieu et place d’une ancienne boutique Bally, emblème du quiet luxury suisse. Rebelotte en février 2025, avec l’inauguration, cette fois, d’un espace dans le Marais qui a par le passé accueilli la marque Comptoir des Cotonniers avant de servir de pop-up store longue durée à la très en vogue griffe de sacs à main Polène.
Deux localisations qui illustrent, une fois de plus, le fait que le sport est désormais considéré comme un élément culturel et lifestyle au même titre que la mode ou le luxe. Deux écrins rêvés, aussi, pour distribuer la collaboration la plus exigeante d’Hoka à ce jour, révélée au cours de la semaine de la mode milanaise. Cette fois-ci, c’est avec la marque italienne Marni que l’équipementier s’est associé pour imaginer une Bondi B3LS monochrome aux volumes exagérés et aux couleurs pop. La date de sortie de ce modèle ? Le 3 avril 2025. Il va falloir courir vite pour réussir à s’en procurer un exemplaire.