Le samedi 14 octobre dernier débutait le Half Marathon des Sables (HMDS) du Maroc. 

Parmi les 530 participant.es arrivé.es de 39 pays différents, des profils aux multiples histoires, souvent partagées au coin du feu après une longue journée de course, quand l'heure est au dîner dans les bivouacs. 

Deux de ces histoires ont résonné particulièrement fort cette année. Celles d'Arzelle et d'Aline. Deux mamans qui ne se connaissent pas, qui n'ont pas couru ensemble, mais qui ont pourtant été portées par la même force : celle de se dire "je suis plus forte que la maladie". 

L'une a eu un cancer du sein en 2015, l'autre est atteinte d'une rectocolite-hémorragique. Pourtant, les baskets embourbées dans le sable, elles se sont battues "comme tout le monde". Journaux de bord de deux championnes anonymes. 

Arzelle, 49 ans, diagnostiquée d'un cancer du sein en 2015

Quand Arzelle, 49 ans, nous conte son épopée marocaine quelques jours après son retour de course, son sac trône encore au milieu de son salon, signe que le prochain départ en compétition ne se fera pas dans si longtemps... Pourtant, durant la plus grande partie de vie, l'hôtesse de l'air et maman de trois enfants n'était pas une adepte des sorties baskets. 

"Quand on rentre dans la vie active ça devient plus dur de s'y mettre (rires). Finalement, ce qui m'a remise au sport, c'est mon cancer

Fin septembre 2015, je sens une grosseur dans mon sein sous la douche. Je n'avais pas d’antécédents dans ma famille, j’allais faire ma mammographie tous les ans, je ne fume pas, je ne bois pas… Il n’y avait aucune alerte. 

Sur le moment je me suis dit que j’allais mourir. Après le diagnostic, je suis arrivée chez mon ami Nicolas qui m'a enveloppé de tout son amour. Et puis je suis tombée sur une équipe soignante au top. Mais c'est mon oncologue qui m’a sauvée la vie. Sur mon protocole de soins, la seule chose que j'ai comprise parmi tout ce brouhaha médical, ça a été 'activité physique recommandée' et je me dis 'ok, là je peux intervenir'.

J’étais fatiguée parce que je faisais du sport et pas parce que j’étais malade. 

J’ai commencé par marcher, puis courir et je n’ai jamais arrêté. Dès les lendemains de chimio j’étais dehors. Je courais 4km et c'était comme si je faisais les JO. J’étais fatiguée parce que je faisais du sport et pas parce que j’étais malade. 

En convalescence, j'ai intégré le forum des hôtesses de l’air contre le cancer. Une hôtesse a fait le Raid Amazones et m'a donné envie. Et en 2018, de retour au travail, j’ai eu l’occasion de faire moi aussi cette compétition avec cette même hôtesse, Stéphanie, devenue mon amie. Nous avons même créé une association ensemble : les Sky Angels, pour la promotion de la sport thérapie dans la lutte contre le cancer. 

De fil en aiguille j'ai fait une compet', puis deux, puis trois… Quand on s'arrête, on se sent vide. Et je peux dire qu'aujourd'hui, guérie, je me sens plus forte qu’avant la maladie. Surtout quand je me dépasse. 

Aline, 40 ans, en rémission d'une rectocolite-hémorragique

C'est avec un grand sourire dans la voix qu'Aline, 40 ans et maman de trois enfants, raconte sa première compétition post-rémission. Cette sportive dans l'âme a été coupée dans son élan voilà maintenant six ans après avoir été diagnostiquée d'une maladie dont on parle peu : la rectocolite-hémorragique. 

"J’ai toujours aimé le sport, j’ai attaqué très jeune avec la danse et les arts martiaux. Quand je suis tombée malade j’ai dû tout arrêter et ne garder que quelques séances de yoga par ci, par là. 

Mes premiers symptômes sont apparus en 2017, mais mon traitement de première intention a très bien fonctionné. Si bien qu'on l'a arrêté pensant 'seulement' à une rectite. Mais les choses ont empiré rapidement et les médicaments n'avaient plus d'effets. 

La rectocolite-hémorragique est une maladie inflammatoire chronique des intestins qui touche le rectum et le côlon et qui se caractérise par des diarrhées sanglantes, des fausses envies d’aller aux toilettes, une grande fatigue ou encore une anémie… Au pic de la maladie, j’avais plus de 20 selles sanglantes par jour, je ne pouvais rien prévoir à deux minutes près. J'ai été longtemps isolée, je n'avais plus le goût de rien. 

Après deux années très douloureuses, j’ai remonté la pente fin 2019, notamment grâce au sport. Quand la maladie a diminué, j’ai découvert que la course me faisait beaucoup de bien, ça me vidait la tête et même physiquement ça m’a permis de m'ancrer".

1/6

Arzelle : "Au contrôle médical, je ne cache pas mon cancer. Il fait partie de moi'

Arzelle Saighi

"Quand j’ai vu la bande-annonce du Marathon des Sables sur Instagram l'année dernière, je me suis mise à pleurer. J'ai pensé : 'j'ai trouvé un nouveau challenge'. 

Pour me préparer, ça a été simple. J’ai la chance d’habiter au bord de la mer, alors j'ai enchaîné les kilomètres dans le sable en faisant toujours le même chemin pour apprendre à ne pas m’ennuyer. 

Puis, je me suis renseignée auprès d'une de mes collègues qui avait déjà participé à la course. Elle m'a d'abord conseillé le Pérou. Alors, j'ai sauté dans un avion avec Stéphanie et une autre amie. Je suis revenue avec de l'argent pour l'association et beaucoup de fierté. 

À mon retour, Nicolas, mon ami qui m'a soutenue pendant mon cancer m'a dit qu'il voulait faire la même chose. Entre-temps, il a été diagnostiqué d'une tumeur au cerveau, il avait besoin de se dépasser aussi. 

Alors, il y a quelques jours, on est partis ensemble, plus forts que tout, avec quatre autres amis. Au premier jour, quand on est passés devant les équipes médicales, nous avons présenté nos certificats.

Je ne cache pas ma maladie, elle fait partie de moi. Je porte même un ruban rose sur mon sac à dos. Il n'y a pas de surveillance particulière comme je ne suis plus atteinte du cancer, seulement des choses à savoir, car je ne peux pas recevoir de soins au bras droit par exemple. 

Pour Nicolas, les médecins ont un peu plus tiqué. Ils nous ont pris à part, nous rappelant que sa tumeur était grave et que le parcours était intense. Il a été hyper surveillé tout au long de la course pour ça, mais ce soir-là, il était tout aussi motivé que moi à courir dans le sable. 

2/6

Arzelle : "Au deuxième jour, je me lance le défi de faire 120km de course"

Arzelle Saighi

"Mon objectif du Maroc était de choisir le plus long parcours, au deuxième jour de course.

Au Pérou, je ne m'étais pas sentie capable de faire la plus grande distance, j'avais donc tablé sur l'intermédiaire (au HMDS, les participant.es doivent choisir entre une course de 70, de 100 ou de 120 kilomètres, ndlr). Le chrono ce n'est pas mon truc, mais les 120 km, c'était mon objectif.

Cependant, la première journée a été très rude pour Nicolas, qui a beaucoup souffert sur les 25 premiers kilomètres. Je ne me sentais pas de le laisser le lendemain, jour où il fallait choisir la distance de son étape personnelle.

Pourtant, au matin du second jour, après 10 premiers kilomètres courus tous ensemble, nous nous sommes séparés. Mes amis m'ont poussée à les quitter pour réaliser mon goal, pour me faire plaisir. Moi j’avais faim de challenge et je me sentais au meilleur de ma forme. 

3/6

Arzelle : "À l'arrivée, la sensation est extraordinaire, surtout quand on sait d'où on vient"

Arzelle Saighi

"Au fil des jours, j'ai trouvé tout ce que j'étais venue chercher : du sable, de la semi-autonomie et des rencontres qui nous font avancer encore plus loin, encore plus fort. 

À l'arrivée, la sensation est extraordinaire, surtout quand on sait d'où on vient. Je n'ai pas peur de dire que ma maladie m'a rendue plus forte. Jamais plus je n'aurai envie de lâcher. 

Nicolas (à droite d'Arzelle sur la photo, ndlr) aussi a passé la ligne d'arrivée. C’est ma plus grande victoire. Pas sportif et avec une tumeur au cerveau, il est parvenu à faire quelque chose de fou en plein milieu du désert. 

Quant à moi , j’ai déjà l'œil sur une autre course, même si à chaque fois je me dis que c’est la dernière (rires)".

4/6

Aline : "C'était moi avec moi-même et pas moi avec la maladie dans le désert"

Aline Perez

"Mon médecin savait que j’allais bien et que je me préparais aussi sur le plan nutritionnel depuis quelque temps, donc elle ne m'a qu'encouragée pour cette course qui était ma première !

Elle sait que la pratique sportive a considérablement amélioré ma condition de santé, notamment parce que les endorphines aident avec les maladies inflammatoires.

Sur place, les médecins étaient au courant de ma condition, mais je n’ai pas eu d’accompagnement. Je me suis gérée en solo, et c'est exactement ce que je voulais : moi avec moi-même et pas moi avec la maladie. 

Toutefois, il y a certaines choses qui ont plus d'impact sur moi. Il y a eu un petit souci d’intoxication alimentaire le dernier jour et je suis infectée de deux bactéries qui ont déjà touché mes muqueuses intestinales. J’aurais aimé que l’organisation communique dessus pour anticiper les choses, parce que je dois réagir très vite dans ces cas-là.

C'est un facteur à prendre en compte avec la rectocolite-hémorragique. 

5/6

Aline : "Il y a quelques année je voulais mourir. Aujourd'hui je viens de terminer une course"

Aline Perez

"Ma maladie est très peu connue et je voulais la faire vivre au travers de cette course. 

Le plus important pour moi, c'est de montrer aux gens qui en sont atteints qu’il ne faut pas perdre espoir. Dans ma période la plus sombre, je me disais que je préférerais mourir. Aujourd'hui je viens de terminer une course. 

Sur le bivouac, j’en parlais à tous mes compagnons de l’alvéole. Ils avaient tous la même réaction : 'Oh mais comment tu fais ?', 'Tu es courageuse !'. J'ai bien compris que les gens ne connaissent pas la maladie. Et ça m'a fait tellement de bien de l'expliquer. J'ai fait de la prévention en courant (rires). 

6/6

Aline : "Après quatre jours de folie, j'ai terminé 24ème féminine"

Aline Perez

La course en elle-même a été extraordinaire, j’ai traversé des paysages magnifiques. Bien-sûr, c'était dur. 

Dimanche, nous avons été déposés dans le désert pour une première soirée en auto-suffisance. Puis une étape de 30 kilomètres le lundi, une grosse course de 60km le mardi, du repos le mercredi et une dernière étape éprouvante le jeudi.

Un challenge fou et pourtant, je me suis classée 24ème féminine ! Et je n'ai pas pensé une seule fois à la maladie

À peine rentrée, j’ai envie de partir pour d’autres aventures, de continuer à puiser dans mes ressources, comme j'ai pu l'apprendre ces dernières années. Mais cette fois-ci, c'est moi qui choisis pourquoi". 

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