Comme toutes les disciplines internes, la gymnastique sensorielle concentre notre attention sur ce qui se passe sous la frontière de la peau, loin des sirènes du dehors. Proche du Tai Chi Chuan et de la méthode Feldenkrais, elle permet d’approcher le geste à partir des sensations organiques afin de mieux le coordonner avec le corps physique.
Promesse de reconnexion à soi, cette "pédagogie perceptive du mouvement" - son autre nom, a été inventée dans les années 90 par le professeur Danis Bois. Le kinésithérapeute et ostéopathe agrégé en sciences de l'éducation, souhaitait ainsi compléter la fasciathérapie, dont il est le créateur.
Ses séries d’exercices où rien n’est laissé au hasard développent l’équilibre corporel et psychique, les capacités d'adaptation mais aussi la créativité.
Amplifier le mouvement interne des fascias par la gymnastique sensorielle
"Alors que le Tai Chi Chuan se synchronise sur les flux propres aux méridiens énergétiques, la gymnastique sensorielle suit le mouvement interne des fascias.
Ces tissus conjonctifs traversent et enveloppent toutes les structures du corps, depuis l’intérieur des os jusqu’à la peau, de la tête aux pieds", explique la fasciathérapeute Nadine Quéré. Selon l’auteure de Soigner son corps avec les fascias (Ed. Le Dauphin), la science s’intéresse de plus en plus à cet ensemble qui serait le plus grand organe du corps.
Les fascias joueraient en effet un rôle fondamental dans la santé : en agissant au cœur même de la matière, ils réguleraient par exemple le tonus global en libérant les tensions. Le mouvement subtil qui les parcourt peut se percevoir à l’intérieur du corps… et, pour peu qu’on se mette à l’écoute, il est possible de l’amplifier dans un geste.
Les exercices de la gymnastique sensorielle permettent d’éveiller le corps dans son intégralité.
"Que l'on soit debout, allongée ou assise, l'impulsion énergétique des tissus peut faire bouger le bras, la jambe ; les emmener dans une direction", explique Nadine Quéré.
Ensuite, il s’agit de faire correspondre ces gestes issus de l’intérieur avec certains trajets codifiés. Danis Bois a créé des enchaînements de différents degrés, qui se pratiquent en une vingtaine de minutes et mettent en œuvre des mouvements qui visitent tous les plans et les axes, de manière très agréable.
"Alors que dans le danse libre ou la danse intuitive, la personne évite souvent inconsciemment d'aborder certaines zones du corps afin de contourner des blocages, les exercices de la gymnastique sensorielle permettent d’éveiller le corps dans son intégralité", détaille la pro.
Des mouvements très lents, sur des axes linéaires précis
Concrètement, les exercices s’articulent autour de mouvements linéaires de la colonne vertébrale (par exemple sur l’axe avant-arrière, droite-gauche ou haut -bas).
Ceux que le corps emprunte majoritairement dans les activités quotidiennes. L’idée : effectuer des déplacements très lents, avec des intentions directionnelles claires, en se synchronisant avec le fameux "mouvement fondamental" des fascias.
Ce dernier circulerait à travers tout le corps à raison d’environ 2 cycles par minute.
Quand ces segments linéaires ont été bien intégrés, la pratique peut s’enrichir d’exercices simples suivant des trajets circulaires pour améliorer davantage la coordination du corps.
Du corps mécanique au corps sensoriel
Pour bien comprendre la gymnastique sensorielle, il faut distinguer trois manières d’appréhender le corps, qui s’entremêlent à l’image de poupées russes : il peut être considéré dans sa dimension organique et mécanique la plus évidente - dans le sport par exemple. On parle alors de corps "objet".
Le corps "sujet" est, pour sa part, saisi dans ses états sensitifs (douleur, plaisir, détente…). Enfin, notre attention peut se focaliser sur la relation qui se tisse entre perceptions organiques et conscience de soi. C’est ce corps sensoriel conscient que Danis Bois encourage à éveiller par la lenteur et l’écoute fine.
Une fois qu’on parvient à embrasser cette sorte de pulsation profonde et régénérante, la pratique procure ancrage, respiration naturelle, ajustement sensible à la colonne vertébrale ou aux viscères… une régulation autonome qui favorise la santé globale, physique, émotionnelle et psychique.
Un travail doux et efficace sur les troubles musculo-squelettiques
Les outils de la gymnastique sensorielle permettent de faire évoluer le corps objet vers le corps sujet puis vers ce corps conscient, duquel on se coupe souvent, en partie ou totalement.
"Au cours de l'existence, les chocs et les émotions réprimées figent certaines parties du corps qui deviennent comme muettes, absentes", pointe Nadine Quéré. La gymnastique sensorielle permet de nous ouvrir de nouveau à ces zones. Par la conscience, on leur permet de redevenir sensibles, voire mobiles.
Le secret de son efficacité : ressentir avant de faire ; puis en faisant.
S’ouvrir à la fluidité, la tension, la relaxation, la résistance des muscles, des tissus. Parfois à l’absence de sensation, aussi. Cette perception active "la force vitale qui libère les résistances, unifie et améliore la relation au corps", analyse l’enseignante Valéria Loro Milan.
Selon la créatrice de la méthode fasciadynamic, qui croise mouvement sensoriel et Pilates, on apprendra ensuite à doser, déployer, habiter le geste.
Une éducation somatique accessible à tous.tes
D’après le fasciathérapeute Nicolas Luc Lève, cet outil puissant aide à corriger de nombreux troubles posturaux et gestuels.
"Parfois, des déséquilibres que nous portons depuis des années peuvent être réalignés par une pratique attentive et régulière", écrit ce spécialiste en mouvement thérapeutique sur son site internet.
"Dès la première session, la dimension perceptive du mouvement est amplifiée et certains couacs rectifiés". Inclusive, accessible à tous, indépendamment de l’âge ou de la condition physique, la gymnastique sensorielle peut être pratiquée de façon individuelle ou lors de sessions collectives.
On les fait en sensitivité et conscience, jamais en force. C’est la qualité du mouvement qui compte, pas sa quantité.
"Elle est excellente pour prévenir le mal de dos ou soulager les arthroses et autres douleurs musculo squelettiques", abonde Nadine Quéré. "Par exemple, une vertèbre peut être bloquée car elle n'arrive pas à avancer et à reculer dans le trajet linéaire. Plutôt que de travailler directement sur la vertèbre, il suffit de débloquer son mouvement".
Bassin, lombaires, genoux, hanches… une fois que la personne a appris à faire ce genre d'exercices, elle peut entretenir par elle-même sa mobilité, à tous les niveaux.
Aussi, la fasciathérapeute et formatrice donne souvent à ses clients un exercice à faire chez soi, afin de prolonger le travail réalisé en séance. "Ils peuvent être refaits trois fois d’affilée, en intégrant des étapes de progression ; on les fait en sensitivité et conscience, jamais en force. C’est la qualité du mouvement qui compte, pas sa quantité, affirme la thérapeute. "C’est court - une petite dizaine de minutes, mais cela permet à chacun d’être acteur de son soin".
Du mouvement sensoriel à la danse thérapeutique
"Une fois qu’on a terminé l’enchaînement, on se sent extraordinairement libre, ce qui peut mener à une danse intuitive guidée par l’intelligence du corps", évoque Nadine Quéré.
Les récentes découvertes sur les fascias nourrissent de nouvelles manières de bouger, entre soin thérapeutique et méditation en 3D. "Les chercheurs parlent de biotenségrité, un modèle architectural du vivant qui montre que faire bouger une zone du corps impacte tout l’organisme", complète l’experte qui co-anime avec la danseuse professionnelle Martha Rodezno des stages et formations de danse organique.
Principe ? Amplifier les impulsions profondes de la matière pour mieux les suivre. "Progressivement, les gestes se synchronisent entre eux et la danse se fait thérapie", s’enthousiasme Nadine Quéré.
Coordination, intériorité, créativité … le mouvement intérieur agit puissamment ! "Si on est bien guidée, on se connecte à lui en quelques minutes", promet-elle. "Une fois que notre conscience l’a accroché, il est avec nous pour toujours".
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