Nommé à la tête de Patou en septembre 2018, Guillaume Henry étend le répertoire délicat et poétique de l'historique maison de couture française. Il fait des besoins de ses muses (les femmes) une priorité et du cinéma l'une de ses plus grandes inspirations.
Entretien avec le directeur artistique.
Marie Claire : Pourquoi avoir baptisé la collection printemps-été 2025 "Rose" ?
Guillaume Henry : C'est le nom d'une fleur, d'un parfum, d'un goût, quelque chose de tendre et de frais. Je me suis inspiré notamment de ce cinéma d'avant pour lequel je nourris une tendresse particulière. Les films de Jacques Rivette, Claude Sautet, Claude Chabrol... À la fois pour l'esthétique et la façon dont les femmes sont sublimées, à l'image de Stéphane Audran et de Dominique Sanda. D'autant que Patou partage une histoire avec le cinéma : la maison a notamment habillé Delphine Seyrig dans Le Charme discret de la bourgeoisie.
Vous proposez du prêt-à-porter, pourtant vous défilez juste avant la semaine de la haute couture, pourquoi ce choix ?
Au moment du relancement de Patou en 2019, nous avons privilégié le format de la présentation, puis nous avons choisi de défiler juste avant la haute couture pour mieux faire entendre notre voix. C'est compliqué de murmurer dans cette industrie qui est très bruyante. D'autant que nous ne proposons que deux collections par an, pas six ou douze, même si nous lançons également des collaborations, comme celles qui arrivent avec Ladurée et Mytheresa.
C'est un luxe dans une industrie qui va de plus en plus vite...
Je ne me considère pas comme un designer lent, mais j'aime le temps long. À l'image d'un cuisinier qui connaît ses recettes, mais apprécie de voir mijoter les plats. La mode laisse peu de temps : sitôt le défilé terminé, il faut déjà entamer la prochaine saison, donc je m'efforce d'apprécier la collection lorsqu'elle est en cours de réalisation.
Je ne me considère pas comme un designer lent, mais j'aime le temps long
Comment définiriez-vous votre approche du vêtement ?
Il doit flatter celle qui le porte, se révéler aussi beau à toucher qu'à regarder. Adolescent, Jean Patou me faisait rêver, car il a su accompagner la femme des années 20 dans sa découverte des loisirs et du sport en imaginant des silhouettes décontractées. À mon tour, je leur donne une allure sportive avec des poches, des volumes permettant de grandes foulées, des coupes apportant une aisance immédiate. Je ne suis pas un designer conceptuel, je ne vais pas faire un manteau à trois manches, puisque nous n'avons que deux bras !
Quel regard portez-vous sur l'évolution du métier ?
Je me réveille en pensant à une manche et je me couche en réfléchissant au tombé d'un pantalon. Je n'ai pas vocation à proposer une mode spectacle ni à faire des "coups" !
Le buzz me fait peur, comme le mot tendance. À cette notion effrayante d'éphémère, je préfère l'authenticité, la sincérité et la fidélisation des clientes, à l'image de Katie Holmes et Zooey Deschanel venues deux fois à notre défilé.
Aimeriez-vous dessiner des collections sous votre nom ?
Je l'ai fait lorsque j'avais 20 ans, mais je suis un artisan, pas un artiste. Je préfère imaginer des vêtements pour une maison comme Patou, penser une entreprise dans sa globalité, partir d'une page blanche tout en s'appuyant sur un socle. C'est comme se voir confier les clés d'un monument.