De Guccio Gucci à Demna en passant par Tom Ford et Sabato De Sarno. Retour sur l'histoire de la maison Gucci, riche d'un siècle d'excellence.

Un savoir-faire hors du commun

Maroquinier, Guccio Gucci ouvre sa première boutique à Florence, en 1921. Il confectionne dans son atelier des articles en cuir destinés au monde équestre. Parmi sa clientèle, des nobles et des personnes de la haute bourgeoisie qu'il a pu fréquenter lorsqu'il travaillait à Londres, à l'hôtel Savoy. Il sait ce qui leur plaît et confère tout le raffinement exigé à ses créations en faisant appel à des artisans locaux.

Le monde équestre s'invite dans ses produits à travers des motifs représentant des étriers ou des mors. C'est un succès commercial. Néanmoins, quand la Seconde Guerre mondiale éclate, Guccio Gucci est obligé de trouver une autre façon de vivre. Le cuir se fait rare. Les étoffes viennent donc le remplacer, ainsi que d'autres matériaux plus surprenants, comme le bambou. C'est ainsi que naît le sac Bamboo, encore à ce jour un classique de la marque.

Gucci, la poursuite d'une histoire de famille

Dès les années 1940, les fils de Guccio Gucci commencent à travailler aux côtés de leur père. Ils ont de grandes ambitions pour la marque aux deux "G" entrelacés. En 1953, le patriarche Guccio Gucci décède. L'expansion internationale débute alors avec New York en 1953, puis à Londres, Paris et Los Angeles. Gucci mise toujours sur le savoir-faire de ses artisans italiens, sur des tissus de qualité et une orientation marquée vers le luxe.

De gauche à droite, Roberto Gucci, Giorgio Gucci et Maurizio Gucci, quatrième à droite, lors de l'ouverture d'une boutique, le 21 septembre 1983, à Paris.

La clientèle de la maison italienne est de plus en plus sélecte. Dans les années 60, le sac Jackie O, hommage à une fidèle et célèbre cliente, Jackie Onassis, voit le jour. D'autres stars de l'époque, comme Elizabeth Taylor, Grace Kelly ou Peter Sellers adoptent et assoient la réputation de Gucci. Parmi les classiques de la griffe apparaît le fameux mocassin à mors de cheval, référence aux débuts de la marque.

Plus tard, dans les années 1970 et 1980, la maison romaine continue son expansion et ouvre des boutiques en Asie. Mais les ventes commencent à ralentir.

Tom Ford, maître du porno chic

Nouvelle décennie, nouvelle ère. Il faut attendre les années 1990 pour que Gucci se hisse à nouveau au plus haut niveau. L'arrivée du styliste Thomas Carlyle Ford, dit Tom Ford, injecte du sang neuf. Surfant sur la tendance flashy de l'époque, il réinvente les succès de la griffe en les modernisant : les motifs très colorés s'invitent dans les collections de Gucci.

C'est une véritable révolution que mène le styliste américain dans les bureaux de la maison italienne qui, au-delà de l'art, agite les bonnes mœurs. Avec Tom Ford, toutes les créations Gucci — des défilés aux campagnes publicitaires — sont pris dans la vague d'un nouvel esthétisme sensuel et sulfureux : le porno chic

Les collections du designer sont ponctuées de "G string", de menottes et de robes dont le décolleté dans le dos se prolonge bien plus loin que le creux des reins. Le style de Tom Ford conquiert le cœur de stars comme Madonna, renommée pour son goût pour l'avant-garde.

La renaissance de Gucci

En 1999, Gucci passe entre les mains du groupe Kering (ex-PPR) fondé par le Français François Pinault. Tom Ford quitte la maison en 2004, puis est remplacé par la brillante créatrice italienne Frida Giannini, âgée de seulement 35 ans à l'époque de sa nomination. Avec elle, le penchant charnel des années Tom Ford est révolu : à travers ses collections, elle choisit de rendre hommage à l'héritage de la marque.

Pour Gucci, les années 2000 sont marquées par une volonté de s'imposer sur le marché du luxe et de viser une clientèle plus riche. Les prix augmentent et la fabrication reste basée en Italie. Les stars continuent de plébisciter les pièces estampillées GG, notamment Brad Pitt, Mick Jagger et Jennifer Lopez.

Mais en 2015, Frida Giannini quitte l'entreprise italienne, remplacée par un parfait inconnu, Alessandro Michele, pourtant responsable des accessoires Gucci depuis plusieurs années.

Dès sa première collection, c'est la consécration. L'Italien mixe inspiration baroque et esthétique nova geek pour une nouvelle dégaine pointue. Passé par l'Accademia di Costume e di Moda de Rome, Alessandro Michele est attaché à la culture antique, une passion qu'il retranscrit dans ses splendides collections. Mais surtout, le créateur italien a su atteindre une cible plus jeune en modernisant les codes de Gucci.

Un vent de fraîcheur pour la griffe désormais centenaire. Mais à l'hiver 2022, le maestro se retire. Il faut attendre un petit mois pour que le nom du nouveau directeur artistique soit dévoilé. Sabato De Sarno est, comme son prédécesseur, italien et inconnu du grand public.

Malgré ses lignes minimalistes prisées par les célébrités, il ne connaît pas le même destin qu'Alessandro Michele au sein de la maison, car après deux ans, la marque le remercie. Puis, en mars 2025, installe à sa place Demna, le styliste géorgien jusque-là à la tête de Balenciaga.