Qui dirigera la maison Gucci ? C'est la question que posait le 8 février 2025 la très sérieuse publication Business of Fashion à ses quelque 3 millions d’abonné-e-s sur Instagram, au lendemain du départ de Sabato De Sarno, qui a passé deux ans à la tête de la direction artistique de la griffe florentine.
Au détour d’une story, le journal en ligne propose également aux internautes de faire leurs pronostics quant au nom de son ou de sa successeur-e. Est-ce que ce sera Kim Jones, qui a annoncé quitter Dior homme le 31 janvier 2025 ? Hedi Slimane, sans poste officiel depuis son départ de Celine en octobre 2024 ? Ou encore Pierpaolo Piccioli, pressenti chez Fendi depuis l’annonce de la fin de son contrat avec Valentino en mars 2024 ? Un micro sondage symptomatique du jeu de chaises musicales qui anime l’industrie du luxe depuis plusieurs saisons. Et surtout, des rumeurs qui l’accompagnent.
On-dit et plus si affinités
Ces derniers mois, les bruits de couloir se multiplient à une vitesse vertigineuse, sur fond de suppositions 3.0 transformant chaque murmure en vérité absolue. Un créateur désavoué, une maison en quête de direction artistique, une nomination assurée puis démentie, une démission surprise…
En 2024, tout et son contraire a été affirmé, du retour de John Galliano chez Dior à l'arrivée de Marc Jacobs chez Chanel, en passant par Hedi Slimane chez Giorgio Armani. Si les racontars ont toujours existé, leur inflation récente traduit en revanche des mutations notables dans l’industrie du luxe.
"Ce type de spéculations effréné et incontrôlé, bien que parfois divertissant, repose souvent sur rien d’autre que des murmures et des pensées illusoires. Ou bien est le produit de fuites stratégiquement déployées, utilisées comme tactique dans une négociation de contrat", analyse Vanessa Friedman dans un article du New York Times, qui regrette la propagation de ces fake news du luxe. Selon la célèbre critique mode américaine, les grandes maisons joueraient de temps en temps la carte du flou artistique pour entretenir un suspense qui, indirectement, continue de faire parler d’elles. Dans certains cas, ces "fuites" serviraient aussi à sonder la réaction du public ou à peser dans des négociations contractuelles avec les designers. Mais pas seulement.
Fashion drama et temps de cerveau disponible
Accélération des tendances et des cycles de mode oblige, le statut de directeur-rice artistique est une variable d’ajustement intimement liée aux chiffres d’affaires des collections qu’iel imagine. Autrefois divinités créatives dont l’empreinte stylistique scellait pour de longues années l’identité de la maison, les designers sont aujourd’hui sur des sièges éjectables à contrats très déterminés, avec une longévité dépassant rarement les 3 ou 4 années.
Une précarité aussi nouvelle que grandissante, qui contribue à alimenter des spéculations constantes sur leur avenir au sein de leurs ateliers à l'aide de storytelling digne d’une série Netflix. Intrigues, rebondissements, dénouements : chaque nomination et départ contribue à alimenter une forme de fashion drama permanent qui vient asseoir la place de l’industrie du luxe dans l’espace médiatique, mais aussi socio-économique.
Le but ? Capter et entretenir l’attention (limitée) d’un public noyé dans un flux constant d'infos en tout genre, quitte à observer l’émergence de directeur-rice-s artistiques issus du star système, à l’image de Pharrell Williams chez Louis Vuitton homme, ou de Dua Lipa venue saluer aux côtés de Donatella Versace à la fin du défilé Versace Pre-Fall 2023.
Face à ces gossips en tous genres, certain-e-s insiders se sont imposé-e-s comme des références en matière d’informations (et de rumeurs) mode.
Style Not Com, l'officiel
Adoubé par les maisons de luxe, le compte Instagram mené par Beka Gvishiani relaie des informations vérifiées et validées par les marques. Son positionnement institutionnel lui permet d’obtenir des exclusivités confirmées par les maisons elles-mêmes, garantissant ainsi un contenu crédible et aligné avec la communication officielle des grandes marques. Un point de repère fiable pour éviter les fake news et comprendre les décisions stratégiques prises en interne.
Boring Not Com, l'anonyme
Considéré comme le Gossip Girl de la mode, ce compte anonyme ne publie jamais d’informations de manière explicite, mais préfère distiller çà et là des indices, alimentant les théories et les spéculations de ses abonné-e-s. Un ton léger et sarcastique qui en fait un acteur majeur de l’infotainment dans l’univers mode.
Diet Prada, le vétéran
Véritable précurseur du fact-checking mode, Diet Prada s’est construit une réputation de justicier à toute épreuve. Il analyse non seulement les rumeurs avec un regard critique, mais il n’hésite pas non plus à dénoncer les dérives du secteur, qu’il s’agisse de plagiat, d’abus ou de problématiques éthiques. Une influence telle que certaines marques doivent désormais répondre publiquement aux accusations portées sur ce compte.
Miss Tweed, l'ultra-informée
Dirigé par la journaliste indépendante Astrid Wendlandt, ce blog propose des enquêtes approfondies et des scoops souvent confirmés par la suite. Contrairement aux autres comptes plus sensationnalistes, Miss Tweed se base sur des recherches poussées et des sources internes crédibles, ce qui en fait une référence dans l’industrie.