Elle avait 17 ans quand elle est entrée dans l’histoire du sport français et dans le cœur du public : Laure Manaudou, la plus grande nageuse tricolore, revient sur son parcours, fait de gloire et de violence, dans le documentaire Laure ! Laure ! Laure ! (en référence aux cris des journalistes et des fans, tout au long de sa carrière, ndlr), co-réalisé par Laurie Delhostal et Guillaume Priou.

Quelques mois après la fin des Jeux olympiques de Paris 2024, où on l’a entre-aperçue recevoir la flamme à Athènes, la porter quelques semaines plus tard sur le relai final des plus grands champions et championnes français.es au coup d’envoi des festivités, mais aussi entendue aux commentaires lors des victoires de Léon Marchand et de la médaille tout aussi historique de son frère Florent, Laure Manaudou se dévoile pendant 1h30 en retraçant sa carrière sportive et sa vie de femme. 

Dans le grand bain dès l’enfance

Entourés de ses proches, ses frères, ses parents, ses ami.es, la multiple médaillée olympique replonge dans les images de ses victoires et ses records, non sans émotion. Déterminée et particulièrement douée, la jeune fille d’alors “qui n’aimait pas beaucoup l’école” montre un enthousiasme débordant pour la natation. “Avec le recul aujourd’hui, je pense que j’allais chercher un peu d’amour et de reconnaissance dans les résultats sportifs”, confie-t-elle à Laurie Delhostal et Guillaume Priou, co-réalisateurs du documentaire. 

Avec le recul aujourd’hui, je pense que j’allais chercher un peu d’amour et de reconnaissance dans les résultats sportifs.

Rapidement après ses débuts dans les bassins de France, elle rencontre Philippe Lucas, l’entraîneur fantasque, qui la prend sous son aile. Une relation pas simple, quasi filiale puisqu’à 14 ans, l’adolescente d’alors part vivre chez le coach. “Vendredi, c’est Star Academy”, se souvient-il, ému, en illustrant cette vie de famille, un peu à part. “Je l’ai souvent qualifié de deuxième papa”, partage à son tour Laure Manaudou.

2004, un tournant décisif

2004 marque ensuite un tournant pour la nageuse, déjà destinée par les observateurs à de grandes victoires.

“Laure Olympique” titrait en Une, le journal l’Équipe, au lendemain de la victoire histoire sur 400m nage libre aux JO d'Athènes. Le public adopte très rapidement cette nouvelle pépite de la natation, les médias se l’arrachent. Un temps amusée, elle découvre très vite le revers de sa (ses) médaille(s). “Par où je pars? Où est-ce que je m’en vais ? Quelle porte dérobée, je peux prendre pour échapper à tout ça ?”, se dit-elle. 

L’engouement médiatique et public ne font alors que s’intensifier. Ce qui heurte maladroitement cette jeune fille discrète et simple, qui vient “juste” de remporter une médaille. Sensible et non préparée au déferlement qui va s’abattre sur elle, Laure Manaudou est submergée par toute cette attention. Son frère ainé, Nicolas, apparaît les larmes aux yeux quand il se souvient de toute la souffrance qui a accompagné les succès de sa championne de sœur. 

Le revers de toutes les médailles 

Trop de pression, trop d’attention : “qui peut gérer ça à 18 ans”, questionne Esther Baron, championne d’Europe du 200m dos en 2006, en se souvenant de caméras qui venaient filmer la jeune championne jusque dans la chambre d’appel.

Rapidement, Laure Manaudou est étouffée par ces photographes et journalistes… L’entraînement aussi s’intensifie : la méthode Philippe Lucas est loin d’être douce. Même avec son statut de star, la jeune femme n’est pas ménagée, bien au contraire. Et ça paye, Laure Manaudou rafle une multitude de titres et entre au panthéon des plus grands sportifs français. “Les Américains avaient Michael Phelps, nous, on avait Laure Manaudou”, sourit Alain Bernard. 

Les Américains avaient Michael Phelps, nous, on avait Laure Manaudou.

Mais le statut de mégastar n’est pas du tout confortable pour la jeune femme : ses flirts sont décortiqués, ses déclarations sur-analysées… jusqu’au moment où des photos intimes sont publiées sur Internet. Une énième vague de violences pour la nageuse.

“Elle affronte sans rien dire”, commente a posteriori Benoit Lallement, journaliste natation à L’Équipe entre 1993 et 2016, en se souvenant des meutes de journalistes qui scrutaient la jeune femme au bord de ses bassins d’entraînement. Pionnière malgré elle, Laure Manaudou va poser les premiers jalons sur des thématiques, qui, vingt ans plus tard résonnent plus que jamais : la santé mentale, le droit à la vie privée, la question du consentement… 

Le parcours d’une femme en or

En 1h30, le documentaire de Laurie Delhostal et Guillaume Priou permet à Laure Manaudou de reprendre la main sur son récit, celui dont elle a été privée par le déferlement médiatique qui a emmuré sa carrière. Elle se raconte, se souvient de la pression et de ses blessures intérieures… Nous, on retrouve une femme d’une force incroyable qui nous a tant inspirés et qui continue de nous faire rêver. 

"Laure ! Laure ! Laure !", de Laurie Delhostal et Guillaume Priou, diffusé le 19 janvier 2025 sur Canal + à 21h, et disponible en replay sur la plateforme.