Il est 16 h à Paris, 11 h du matin à Los Angeles lorsque Devon Lee Carlson apparaît à l’écran. Sourire XXL, longs cheveux bruns et peignoir léopard : l’interview peut commencer. Le sujet du jour ? Sa collaboration avec Reformation, marque américaine fondée en 2009 par Yael Aflalo – cette dernière a démissionné de l’entreprise en 2020 après avoir été accusée de racisme par certain-e-s employé-e-s.
Une polémique qui n’a pas empêché la société de poursuivre sa croissance. En 2023, le chiffre d’affaires de la griffe, qui dispose de boutiques aux États-Unis, au Canada et à Londres, s’est élevé à 350 millions de dollars. Des ventes boostées par l’intérêt des cool girls pour le label californien. Avant Devon Lee Carlson, c’est la mannequin Camille Rowe qui a imaginé une collection avec Reformation. Ont suivi l’actrice Laura Harrier et la créatrice Clare Waight Keller. Mais revenons à Devon Lee Carlson.
Jeune entrepreneuse
Ce n’est pas dans la mode que la trentenaire a entamé sa carrière. Son premier projet s’appelle Wildflower. Derrière ce nom bucolique se cache en fait une entreprise florissante de coques d’iPhone. Lancé en famille, avec Michelle, sa mère et Sydney, sa sœur, le business décolle en 2012 grâce à Miley Cyrus. Croisée dans un restaurant de Los Angeles, la chanteuse craque pour les créations originales de la marque. "Vous devez les vendre en ligne immédiatemen", s’exclame-t-elle avant de poster un selfie avec une Devon Lee Carlson âgée de 17 ans sur Twitter. La petite affaire est sur le point de voir ses performances exploser.
En parallèle, la jeune fille commence son activité sur les réseaux sociaux. Un peu plus d’une décennie plus tard, elle compte 1,5 million d’abonné-e-s sur Instagram, 832 000 sur TikTok et 326 000 sur YouTube. Une notoriété qui ne l’empêche pas de rester hyper accessible et de conserver le sens de l’humour. Jugez plutôt. Pour se décrire, celle qui figure dans la campagne du City Bag de Balenciaga en décembre 2024 dit : "Je suis douce, culottée, plus ou moins drôle et l’heureuse mère de deux chiens".
C’est précisément cette fraîcheur qui a plu à Reformation. "Devon Lee Carlson a une personnalité très californienne et possède un véritable sens du style", explique-t-on en interne. Il faut aussi préciser que l’influenceuse connaît très bien la marque. "J’ai toujours acheté des vêtements de la griffe. J’aime beaucoup son approche écoresponsable [l’entreprise affirme que 98 % des matières qu’elle utilise sont recyclées, régénérées ou renouvelables, ndlr]. La direction artistique prouve qu’un habit peut être à la fois durable et désirable. Alors quand j’ai appris que les équipes voulaient faire une collection avec moi, j’étais super excitée et j’ai répondu oui tout de suite !", se remémore l’apprentie créatrice.
Inspiration rétro
Pour travailler sur la ligne, qui comprend 19 pièces, Devon Lee Carlson a contacté ses amies les plus proches et leur a demandé quels étaient les vêtements qu'elles rêveraient de lui emprunter. Des pièces introuvables dans le commerce, parce que que la co-fondatrice de Wildflower est une dingue de vintage. "Je ne consomme que ça. Pour vous dire, je préfère les applications de shopping vintage aux réseaux sociaux. Ce que j’aime, c’est la singularité des vêtements de seconde main et le fait de posséder une pièce qui n’existe pas ailleurs".
En toute logique, donc, sa capsule pour Reformation comprend des blouses froncées, des jeans taille basse subtilement délavés, des T-shirts à message et des robes imprimées. "Il y a même un sac à main qui affiche les dimensions idéales pour se rendre à un concert. Mais je crois que ma création préférée, c’est la paire de tongs à talons décorées d’un nœud rose", confie-t-elle.
Pour immortaliser cette collaboration, Devon Lee Carlson a donné rendez-vous aux équipes de Reformation au Santa Monica Pier. "S’il fallait décrire la collection en trois mots, je dirais qu’elle est féminine, romantique et charmeuse. Nous voulions donc que les photos du shooting aient l’air de sortir d’une comédie romantique. Le jour J marquait le retour du beau temps à Los Angeles, donc le quai était bondé et tout le monde était de bonne humeur. Le lendemain, nous avons pris des photos chez moi, en compagnie de mes parents et de leurs deux chiens, de mon copain et de mes deux chiens [l’un d’entre eux figure d'ailleurs sur les clichés, ndlr]. C’était une "dog party", finalement », s'esclaffe-t-elle dans un grand sourire.
Sa gaité, sur les images, est contagieuse, alors même que la jeune femme est grippée lors de la prise de vue. Un professionnalisme à toute épreuve qui explique sûrement le succès de Devon Lee Carlson. L’Américaine a notamment fait ses premiers pas sur un podium lors du défilé Proenza Schouler printemps-été 2025, l’ultime show des très en vue Jack McCollough et Lazaro Hernandez, fraîchement nommés à la tête de Loewe. Ces dernières années, elle a aussi pris la pose pour DKNY, Marc Jacobs, Glossier, Victoria’s Secret, Tommy Hilfiger et Gap. Un parfait dosage de marques de luxe et d’enseignes grand public.
Sa connaissance du secteur pourrait-elle la pousser à créer une griffe à son nom ? Réponse de l’intéressée : "Ces labels sont déjà tellement bons dans ce qu’ils font… Je préfère m'inscrire dans cette industrie via les campagnes et les collaborations. Mais si Reformation veut me recruter, je signe immédiatement". À bon entendeur…