À une ère ou les filtres TikTok et Instagram, et les visages photoshopés sont encore nombreux, un trouble encore méconnu gagne du terrain : la dermorexie.

Scruter sa peau, traquer la moindre imperfection, gratter, percer des boutons, user de produits exfoliants… Tant de gestes qui peuvent paraître anodins, mais qui seraient en réalité les symptômes de la dermorexie, un néologisme inventée par la journaliste Jessica DeFino qui désigne une obsession pathologique autour de la peau afin qu’elle soit parfaite. 

Mais de quoi s’agit-il vraiment ? À quel moment prendre soin de sa peau peut basculer dans une obsession destructrice ? Réponses.

Un nouveau trouble révélateur d’une époque obsédée par l’image

"Les préoccupations et obsessions que nous avions l’habitude d'associer à l’alimentation ou au sport sont désormais transposées au monde de la beauté", observe Ellen Atlanta, auprès de Dazed, autrice du livre Pixel Flesh.

Et pour cause : jamais nous n’avons autant vu nos propres visages. Entre selfies, visios, et filtres sur les réseaux sociaux, l’ère numérique a renforcé notre conscience — voire notre obsession — de l’image. 

La quête du "glow" s’impose comme un idéal de beauté et les routines beauté pour y parvenir s’allongent de plus en plus.

Résultat ? Des adolescentes de 9 à 10 ans qui procèdent à la même routine beauté que des femmes âgées de 30 ans, des jeunes adultes qui s’endettent pour leurs traitements, et une spirale d’angoisse autour de l’apparence.

Une obsession aussi dangereuse pour la peau que pour le mental

Des comportements de plus en plus extrêmes qui finissent par nuire à la santé… de la peau autant qu’au mental.

Car ce n’est plus seulement une question de soin, mais de contrôle. Le skincare devient un rituel rigide, culpabilisant, où l'on redoute l’imperfection comme une faute morale : l’oubli d’une étape de la routine de soins peut être source de véritables angoisse, l’exposition au soleil terriblement redoutée…

Et paradoxalement, à force de superposer les couches, exfolier, hydrater, stimuler, on fragilise la barrière cutanée et on aggrave les problèmes. Pire, on peut déclencher des inflammations chroniques comme l’acné, l’eczéma, la rosacée ou la dermatite.

De plus, la peau, en tant que première ligne de défense du système immunitaire, est essentielle à notre santé globale. "Il existe de véritables conséquences neurologiques et physiologiques à l’endommager jour après jour, surtout sur une peau jeune et vulnérable", alerte la journaliste face à la montée en puissance des "Sephora Kids", ces enfants accros aux produits vendus chez Sephora et obsédés par le skincare.

Une pression esthétique genrée

Ce nouveau culte serait-il une énième pression destinée aux femmes ? Sûrement. Si les hommes ne sont pas totalement exclus de cette dynamique, les femmes — et en particulier les jeunes filles — restent les premières concernées. Ce culte de la peau parfaite repose sur un idéal inatteignable, souvent inspiré par des images retouchées, des filtres, ou des influenceuses aux moyens bien différents du commun des mortels.

Derrière la promesse d’une peau "saine", c’est en réalité une norme irréaliste qui s’impose, entre anti-âge, anti-brillance, anti-pores… Et si certaines dérives du fitness ou de l’alimentation ont déjà été identifiées comme problématiques, le monde du skincare, lui, reste encore peu remis en question.