Ce mardi 21 janvier 2025 a été présenté à l'Assemblée nationale le rapport de la mission d'information sur la définition pénale du viol de la délégation aux droits des femmes. Initialement prévue en mai 2023, la remise du rapport a été plusieurs fois reportée.
En cause, la dissolution du printemps 2023 et l'instabilité gouvernementale qui a suivi, mais aussi la volonté de "prendre son temps" pour étudier le sujet, recueillir l'avis d'experts, et de victimes et "prendre en compte toutes les craintes des personnes qui sont opposées à l’introduction de la notion de consentement dans la loi", selon Marie-Charlotte Garin (Ecologiste et social), co-rapporteure de la mission parlementaire avec Véronique Riotton (Ensemble pour la République).
Ensemble, elles ont présenté, en même temps que le rapport, une proposition de loi transpartisane pour intégrer la notion de consentement dans la définition pénale du viol.
Une première proposition rejetée
Cette volonté de modifier la loi ne fait cependant pas l'unanimité. Le débat anime les sphères féministes depuis plusieurs années et même au sommet de l'État, une certaine indécision a été perçue.
"Que le consentement puisse être inscrit dans le droit français, je l’entends tout à fait." Lors d’un échange avec une association féministe, en marge de la manifestation du 8 mars 2024 pour la Journée internationale de lutte pour les droits des femmes, Emmanuel Macron s’est dit favorable à l’inscription du consentement dans la définition pénale du viol.
Cette déclaration est apparue comme un revirement alors que quelques semaines plus tôt, le 6 février 2024, le Parlement européen a adopté une directive européenne "sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique" portant sur différentes formes de violence (harcèlement sexuel, mariage forcé, cyberviolence, mutilation génitale féminine, stérilisation forcée…) à l’exception du viol. L’article 5 qui faisait de l’absence de consentement "un élément central et constitutif de la définition de viol" a été exclu du champ de la directive suite à l’opposition de dix pays, notamment la France.
Plus précisément, la proposition rejetée reconnaissait que l’auteur d’un viol pouvait n’avoir eu recours ni "à la force [ni] aux menaces", rappelait qu'un consentement "devrait pouvoir être retiré à tout moment" et qu'un viol peut concerner un époux ou un partenaire intime.
Pour justifier leur opposition à cette proposition, les autorités françaises ont rappelé que les définitions des infractions pénales ne relèvent pas de la compétence de l'Union européenne.
Autre argument avancé : le Code pénal français donnerait une définition plus précise que celle proposée par la directive puisqu’est considéré comme viol "tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, ou tout acte bucco-génital commis sur la personne d'autrui ou sur la personne de l'auteur par violence, contrainte, menace ou surprise". L'auteur d'un tel acte encourant jusqu'à quinze ans de prison.
En matière de violences sexuelles, la dernière enquête de victimation de l’Insee ("Cadre de vie et sécurité") révèle des chiffres alarmants : seulement 0,6 % des viols ou tentatives de viol auraient donné lieu à une condamnation en 2020. L’introduction de la notion de consentement permettrait-elle d’augmenter la réponse pénale au continuum massif des violences sexuelles ? La question a fait naitre de nombreux débats parmi les spécialistes du droit et les associations féministes.
Des députées se saisissent de la question
Pour cerner les enjeux de la question, la délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale a lancé, en décembre 2023 une mission d’information, portée par les députées Véronique Riotton et Marie-Charlotte Garin.
La docteure en droit et autrice des Pièges du consentement : pour une redéfinition pénale du consentement sexuel (Editions iXe, 2021) Catherine Le Magueresse fait partie des spécialistes auditionnés par la mission parlementaire favorables à une modification de la loi.
Selon elle, "le Code pénal tel qu'il est rédigé comporte une présomption de consentement puisque seuls les actes commis par violence, contrainte, menace, ou surprise sont considérés comme des viols".
Elle affirme auprès de Marie Claire qu’actuellement, lors d’un procès, "il faut prouver la violence, la contrainte, la menace ou la surprise, or, ces termes ne sont pas définis précisément par le Code pénal et laissent donc place à une appréciation subjective de la part des magistrats."
En contradiction aveccette idée, la philosophe Manon Garcia a publié une tribune dans Le Monde pour alerter sur le risque de définir le viol par le non-consentement. Cela reviendrait selon elle à "considérer que c’est le comportement de la victime qui fait le viol, et non celui de l’agresseur."
Compléter la définition et non la remplacer
Faire du consentement un élément central de la définition du viol pourrait-il désavantager les victimes en invisibilisant l’inégalité des rapports entre femmes et hommes ? C’est ce que pense Alyssa Ahrabare, vice-présidente de la CLEF (Coordination Française pour le Lobby Européen des Femmes), une ONG engagée pour les droits des femmes et l’égalité, elle aussi auditionnée à l’Assemblée nationale.
Elle soutient auprès de Marie Claire que "certaines femmes peuvent être dans des situations de pauvreté, d’insécurité ou sous contrôle et les agresseurs utilisent cela pour manipuler les victimes et les amener à 'accepter', 'consentir' parfois, à la violence qui peut leur être faite."
La députée Sarah Legrain (LFI), qui a déjà déposé une proposition de loi sur le sujet à l’Assemblée nationale, entend ces critiques, mais les réfute en partie. "On peut ajouter des dispositions qui permettent clairement de garantir que le consentement ne doit pas juste exister, qu’il doit être libre" assure-t-elle.
Il ne s’agit pas de remplacer les éléments actuels de définition du viol par une unique définition sur la base de l'absence de consentement, mais de la compléter et permettre de répondre à un des aspects du problème des classements sans suite. Dans certaines situations, lorsque qu’une femme est sous emprise ou sous l’effet de produits, prendre en compte le consentement ou non de la victime aiderait à poursuivre les auteurs d’agressions."
Mais pour Alyssa Ahrabare, ce n’est pas la loi qui pose fondamentalement problème, c’est son application par la police et les magistrats. "Souvent, les enquêtent s’arrêtent dès qu’il y a un consentement apparent, elles peuvent être biaisées par des préjugés sexistes ?"
Pour lutter contre les violences sexuelles, il faudrait augmenter les moyens alloués à la justice, mieux former les policiers et les magistrats et améliorer l’accompagnement des victimes.
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