"Votre corps est à vous." Plus qu’une note d’intention stylistique, une déclaration d’indépendance. C’est du moins en ces termes que Pieter Mulier, directeur artistique de la maison Alaïa et digne héritier du couturier qui en fut le fondateur, posait le mardi 4 mars les termes de sa collection "été-automne 2025".

Le vêtement au service du corps

Au cœur des nouveaux ateliers du 49, rue Servan, dans le XIe arrondissement, le discret designer belge a en effet livré une puissante démonstration stylistique à travers un défilé pensé comme un hommage au corps des femmes, thème cher à Azzedine Alaïa. Telles des sculptures cinétiques dialoguant avec les statues de Mark Manders distillées dans le décor, les silhouettes délicates révélaient d'emblée des pièces structurées par des courbes et des rembourrages, qui épousaient la topographie féminine avec une précision maîtrisée.

Superposés, enveloppants, architecturés, les vêtements deviennent — avec une évidence prodigieuse — le prolongement naturel d’un corps en mouvement. Chaque pli, chaque drapé s’anime au rythme d’une lumière et d’un espace subtilement capté. Armure moderne, sensuelle et protectrice, la matière est le reflet poétique d’une féminité plurielle. De celle qui se glisse dans les moindres pièces, les moindres détails.

Aux confluents du temps et de l’espace

Cocons intimes pensés pour la frénésie urbaine, les cagoules omniprésentes tantôt dissimulent, tantôt subliment la singularité des visages, laissant les robes seconde peau et les vestes sinueuses renforcer cette dualité contagieuse. Les références culturelles et historiques, infusées avec finesse, convoquent à la fois les crinolines revisitées et les courbes généreuses des années 1970.

Cependant, ici, rien n'est littéral : Pieter Mulier préfère une approche fluide, via laquelle chaque époque, chaque lieu, chaque courant se fond dans l'autre dans une certaine forme d’abandon. Les anneaux dorés qui marquent les tailles et les drapés géométriques rappellent ainsi autant l’Antiquité que l'avant-garde, dans une synthèse harmonieuse et contemporaine. La bande-son, composée par Gustave Rudman et sublimée par la voix de Fatma Saïd, prolonge cette exploration atemporelle, qui conjugue les cultures et les époques dans une même étreinte mélodique.

Une féminité souveraine

En filigrane, l’exposition Azzedine Alaïa, Thierry Mugler. 1980-1990 inaugurée la veille à la Fondation Alaïa, dans le quartier du Marais à Paris, qui rappelle l’héritage d’une féminité spectaculaire et radicale. Pourtant, c’est bien le présent que saisit Pieter Mulier, alors qu’il réaffirme cette philosophie essentielle : le corps est souverain, libre de ses mouvements et de ses formes. Une émancipation inscrite dans les volumes et l’allure de cette collection, transcription d’une féminité qui se refuse à tout compromis.