Depuis une petite dizaine d'années, le terme microbiote (ou microbiome) est venu remplacer ce que l'on appelait jusqu'alors la flore, grâce aux connaissances améliorées sur cet environnement microbien spécifique à chaque individu. Dans le milieu du soin du visage, cette nouvelle donne a conduit les marques à enclencher un processus de réflexion sur l'impact des produits cosmétiques sur le microbiote cutané, ainsi qu'à proposer des nouveaux produits protecteurs ou en tout cas inoffensifs pour nos bactéries.
On a voulu en savoir plus sur la spécificité du microbiote cutané et la façon de le préserver. Éléments de réponse avec Marie Drago, docteure en pharmacie et fondatrice de la marque Gallinée.
Microbiote cutané : un écosystème essentiel à la santé de la peau
"Le microbiote cutané est la communauté de micro-organismes qui vit sur le corps humain : 50 % de nos cellules sont bactériennes", commence notre experte. "Il est avec chaque individu littéralement depuis sa première minute dans le monde, puisqu'il est hérité de la mère."
Le microbiote cutané est composé principalement de bactéries qui jouent différents rôles importants pour la peau : "Les bactéries se nourrissent du sébum et d'autres éléments pour créer les acides gras qui constituent la barrière cutanée : pas de bonne barrière sans un bon microbiote", explique Marie Drago. "Les bonnes bactéries prennent de la place sur la peau, ce qui empêche les mauvaises bactéries de prendre racines. Elles éduquent le système immunitaire de la peau à reconnaître ses ennemis et à se défendre contre eux, donc à ne pas s'inflammer sans raison. Enfin, et surtout, c'est la première couche de protection de la peau : tout ce qui touche la peau touche les bactéries en premier."
Les signes d'un microbiote cutané déséquilibré
Maintenant que l'on sait que notre peau est gardée par une barrière de bonnes bactéries, on serait tenté de penser que ce que l'on fait – qu'il s'agisse de nos gestes ou des produits que l'on utilise – importe peu et que finalement, on est protégé quoi qu'il arrive ? Eh bien non. "La vie moderne est vraiment dure pour le microbiote cutané", indique Marie Drago. "Le fait de laver la peau avec des produits trop agressifs et trop souvent joue un grand rôle car les bactéries qui nous veulent du bien ont tendance à être plus fragiles que la moyenne. À chaque lavage, elles peuvent partir et ne pas revenir." Notre experte précise qu'il y a bien une bactérie qui résiste à tout lavage… Celle de l'acné, ce qui fait que c'est celle que l'on trouve en majorité sur le visage des Européens. La pollution, le stress et les UV affaiblissent également le microbiote cutané.
Comment savoir si notre microbiote cutané est endommagé ? Marie Drago explique que cela se manifeste par 3 signes visibles :
- La barrière cutanée est moins bonne (car le microbiote est un peu faible et ne synthétise plus les bons composants), ce qui fait que l'eau s'évapore plus vite et la peau est sèche ;
- Le microbiote absent laisse place à des bactéries pathogènes, ce qui entraîne une infection, "en particulier avec les souches inflammatoires de l'acné ou le staphylocoque doré dans les cas d'eczéma" (elle précise que le fait qu'il s'agisse d'une pathologie déclarée ou d'un problème de peau est une question de gradation, ndlr) ;
- Le microbiote ne joue plus sa fonction régulatrice du système immunitaire, ce qui cause de l'inflammation et se manifeste par une peau plus sensible et un vieillissement cutané prématuré.
Comment prendre soin de son microbiome cutané ?
Pour notre experte, la priorité quand on souhaite préserver son microbiote cutané est de "protéger ce qui est encore là : se laver peut-être un peu moins souvent la peau, avec des produits au pH adapté et doux". Elle recommande aussi d'éviter l'utilisation d'eau trop chaude (finies les douches où l'on ressort avec la peau rouge façon homard, la température idéale pour les bactéries est autour de 25 °C) et de limiter l'usage de produits trop riches en conservateurs (généralement ceux qui ont une longue PAO) ou en antibactériens type alcool, triclosan ou savon. Les gommages chimiques sont à préférer aux gommages mécaniques, mais si vous préférez vraiment les grains aux AHA, la douceur doit absolument être de mise dans vos gestes.
Au moment de choisir les produits que vous appliquez sur votre peau tous les jours, Marie Drago recommande de minimiser le nombre d'ingrédients : mieux vaut miser sur des soins ayant une liste INCI courte et limiter les ingrédients type parfum. Idéalement, notre experte recommande d'avoir une routine skincare la plus courte possible, avec quand cela est possible des produits multitâches.
Enfin, "seulement après avoir intégré ces bons réflexes dans sa routine quotidienne, on peut ajouter des prébiotiques, probiotiques et postbiotiques à sa routine de soin afin de stimuler et nourrir les bonnes bactéries de la peau", explique-t-elle.
Bon à savoir : l'axe intestin-peau, soit l'impact du microbiote de l'intestin sur la peau, est de mieux en mieux compris et vient renforcer l'idée que ce l'on mange se voit sur la peau.